Alain BENTOLILA Février 2005 - Savoirs pour réussir

Le capital marque : en quoi la catégorie de produit influence-t-elle le role de la ...
Maître de Conférences à l'Université de Paris XI, IUT d'Evry Val Essonne .... les
méthodes d'estimation qui se fondent sur l'examen du contenu d'un attribut .....
chaque produit la somme des valeurs que prennent les 4 marques évaluées est
 ...

Part of the document


L'illettrisme en France
Enjeux culturels et sociaux
Alain BENTOLILA
Professeur à l'Université Paris V-René Descartes
Conseiller scientifique à l'Oberservatoire National de la Lecture et à
l'Agence de Lutte contre l'illettrisme Tous les trois ans, sous l'égide de l'OCDE, l'évaluation internationale
PISA[1] mesure et compare les compétences des élèves de 15 ans, dans les
trois domaines : « compréhension de l'écrit », « culture mathématique » ou
« culture scientifique ». En 2003, c'est la « culture mathématique » qui
était au centre de l'évaluation, menée dans les quarante et un pays
participants. PISA vise la classe d'âge qui arrive en fin de scolarité obligatoire dans
la plupart des pays de l'OCDE, quel que soit son parcours scolaire et quels
que soient ses projets futurs (poursuite d'étude, ou entrée dans la vie
active) : en France, il s'agit pour l'essentiel d'élèves de seconde
générale et technologique et de troisième. Les élèves sont évalués non pas
sur des connaissances au sens strict, mais sur leurs capacités à mobiliser
et appliquer leurs connaissances dans des situations diverses. La
« compréhension de l'écrit » de PISA est la capacité de comprendre et
d'utiliser des textes écrits mais aussi de réfléchir à leur propos. Cette
définition va au-delà du simple décodage et de la compréhension littérale.
Elle implique la compréhension et l'utilisation de l'écrit mais aussi la
réflexion à son propos à différentes fins. Il n'apparaît aucune variation significative en moyenne pour la France et
pour les pays de l'OCDE. En 2003 comme en 2000, la France se situe dans la
moyenne des pays de l'OCDE. Les pays anglo-saxons et de l'Europe du Nord
obtiennent globalement des résultats au-dessus de la moyenne des pays de
l'OCDE, alors que les pays de l'Europe de l'Est et du Sud réussissent moins
bien. La Finlande obtient, comme en 2000, les meilleurs résultats. Pour ce qui concerne la France, les élèves les moins performants
représentent 6,3% de l'ensemble des élèves français, alors qu'ils étaient
4,2% en 2000. Pour l'ensemble des pays de l'OCDE, cette proportion est
passée de 6,2% à 6,7%. Ce pourcentage renvoie au « groupe 0 » défini par
l'échelle de PISA. Il entre en compte dans l'indicateur européen de la
« proportion des jeunes qui ne maîtrisent pas les compétences de base à 15
ans ». Si elle se confirmait en 2006, l'augmentation de cette proportion,
que masque la seule considération du résultat moyen, serait préoccupante
pour la France. En 1999, les performances en lecture et écriture de plus de
400 000 jeunes gens de nationalité française âgés de 17 à 18 ans ont été
évaluées. 9,6% de ces jeunes gens, dont une majorité était encore
scolarisée, manifestaient de sérieuses difficultés à comprendre un texte
simple de type narratif ou fonctionnel ; les tâches d'écriture les plus
simples les mettaient en échec. Cette enquête, issue de la Journée d'Appel de Préparation à la Défense[2],
ne concernait que les jeunes gens, à l'exclusion des jeunes filles. En
2000, pour la première fois, les jeunes filles ont vu leurs performances en
lecture et en orthographe décrites au même titre que les garçons. En 2000,
alors que 12,5 % des garçons sont en difficulté de lecture et d'écriture,
8,5 % de filles dévoilent des lacunes équivalentes. L'écart en faveur des
filles est important et sa signification est d'autant plus grande qu'il
s'accentue à mesure qu'augmente la gravité des difficultés de lecture et
surtout d'écriture. En 2001, 11,6% des jeunes Français de 17 à 18 ans sont en difficulté de
lecture et d'écriture. Parmi eux, 6,4% sont en très grave difficulté, c'est-
à-dire sérieusement handicapés dans la vie sociale et professionnelle. Cela
représente plus de 65 000 jeunes[3] qui sortent chaque année de notre
système scolaire avec de sérieuses difficultés de lecture, une très
médiocre capacité à mettre en mots écrits leur pensée et souvent une
maîtrise toute relative de l'explication et de l'argumentation. À des
degrés divers, ils sont tous en insécurité linguistique ; c'est-à-dire
qu'ils ont noué tout au long de leur apprentissage de tels malentendus avec
la langue orale et écrite que la lecture, l'écriture et la parole
constituent pour eux des activités à risques, des épreuves douloureuses et
redoutées. La confrontation de ces résultats à d'autres sources statistiques et
notamment à celles de la conscription montre qu'aucune variation
significative ne semble s'être produite depuis une dizaine d'années. De
façon constante, on a pu ainsi constater que plus de 10% des jeunes adultes
français, quel que soit leur niveau de scolarité et de diplômes sont
incapables d'affronter la lecture d'un texte simple et court. Ils
constituent une masse importante d'illettrés qui ne pourront pas lire un
article de journal, comprendre les détails d'une convocation ou d'un
document administratif, suivre un mode d'emploi ou bien encore se servir
d'un plan ou d'un tableau. Leurs difficultés de lecture les marginalisent
et rendent aléatoire leur participation à des actions de formation ou
d'insertion.
I. L'illettrisme et l'exclusion chez les jeunes Parmi les jeunes, l'illettrisme semble plus rare mais plus pénalisant. A la
différence de leurs aînés, les jeunes accèdent plus difficilement à une
première expérience professionnelle. Leur difficulté face à l'écrit leur a
fait, en général, quitter l'école aux alentours de 17 ans et le risque de
« s'installer » dans une période d'errance qui peut durer plusieurs années
est réel. Durant cette période, rien ne semble favoriser leur future
insertion. Actuellement les missions locales et les permanences d'accueil
d'information et d'orientation (réseau d'aide à l'insertion des jeunes)
arrivent difficilement à toucher les jeunes de moins de 20 ans qui ont
quitté le système scolaire et concentrent de fait leur action sur ceux qui,
ayant par exemple connu jusqu'à 5 ans d'errance, ressentent « enfin » le
besoin d'être aidés. En fait, ces périodes favorisent l'évanescence des
savoirs, accroissent les difficultés et renforcent la prise de distance
avec l'écrit. La population la plus touchée
D'autres données, issues de l'enquête sur la population carcérale
confirment les tendances jusque là envisagées. Les statistiques montrent
que le nombre de jeunes ayant de faibles performances au test de lecture
était important dans les maisons d'arrêt. Parmi les 3 catégories les plus
faibles, 55 % étaient des jeunes de moins de 30 ans (27% avaient entre 30
et 39 ans). La comparaison avec les plus âgés semble confirmer qu'il
existerait bien un illettrisme plus fréquent parmi les générations les plus
anciennes, même si leur nombre est bien moindre dans les maisons d'arrêt.
La proportion de lecteurs en grave difficulté pour la classe d'âge des « 50
ans ou plus » s'élevait à 70% de cette même classe. Ce que l'on constate à
travers les performances en lecture est confirmé par les données obtenues
sur les niveaux scolaires et les diplômes : 71% des jeunes détenus (entre
21 et 24 ans) n'avaient aucun diplôme alors que la moyenne nationale des
jeunes hommes non diplômés ne représentait que 30% de cette même classe
d'âge. Ces différences entre les générations, constatées à travers de
nombreuses études, confortent l'hypothèse d'une évolution vers une société
qui met à l'écart les groupes qui ne possèdent pas une maîtrise exigeante
de la lecture et de l'écriture. Tableau 1 - Mesure des performances en lecture
auprès des bénéficiaires du RMI[4], des détenus et des conscrits | |RMI |Détenus |Enquête |
|Catégories de lecteurs et de |1997 |en maison|sur les |
|non-lecteurs | |d'arrêt |conscrits|
| | |1999 |2001 |
|Personnes dans l'incapacité de lire |12% |6% |1% |
|Personnes capables, au mieux |12% |9% |5% |
|d'identifier des mots | | | |
|Personnes capables, au mieux de |11% |8% |6% |
|comprendre des phrases simples | | | |
|Personnes capables au mieux de |31% |17% |12% |
|comprendre un texte court | | | |
|Lecteurs n'ayant pas de difficultés |34% |58% |76% |
| |- |2% |- | Déficit d'autonomie et vulnérabilité sociale
S'il n'est pas synonyme d'exclusion, l'illettrisme entraîne certainement un
déficit d'autonomie. Deux ordres de dépendance peuvent être distingués :
- le premier est lié à la difficulté de réaliser des actes ponctuels de
lecture et d'écriture ;
- le second est plutôt lié à l'incapacité de traiter lucidement
l'information. Si écrire une lettre à un parent, lire un courrier ou encore répondre à la
maîtresse d'école ne nécessitent que l'aide momentanée d'un
lecteur/scripteur, si une tâche administrative ponctuelle peut être confiée
à des proches, en revanche, faire valoir ses droits sociaux, résoudre un
problème d'héritage, affronter un divorce ou une situation d'endettement ou
d'exclusion d'un logement, ne peuvent souvent se contenter du seul soutien
d'une personne proche, capable de lire et d'écrire. Faute d'être gérées
dans leur complexité, ces situations dégénèrent rapidement et conduisent à
des