Les formes nationales de révolution industrielle

Modèle 4 : Facteurs spécifiques de Ricardo-Viner. Le modèle des facteurs
spécifiques a été développé par Jacob Viner sur la base du modèle Ricardien.
...... [5] Pour les examens de la littérature voir Assous (2000), Tapinos (2000) et
autres ...

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III) Variations nationales autour d'un même thème (( livre partie I,
chapitre III + articles « Gerschenkron (modèle de)») Le projet de Rostow ou de Bairoch (établir un modèle de l'enchaînement
causal qui mène à l'industrialisation) ne pouvait pas réussir car ces deux
auteurs n'ont pas tenu assez compte des rapports inégaux entre les
puissances économiques. Or les pays suiveurs ne pouvaient s'industrialiser
comme la Grande Bretagne. Loin d'être uniquement un processus imitatif, les
voies nationales d'industrialisation ont donc été diverses. Sur le
continent, le machinisme a progressé lentement, l'industrialisation
s'appuyant sur une progression parallèle de tous les secteurs et le rôle du
marché extérieur restant faible. La diversité des facteurs, préalables ou
manifestations de l'industrialisation, a donc conduit les chercheurs à un
repli sur les cas nationaux pour éviter d'envisager l'industrialisation
comme un phénomène européen ou plutôt «transatlantique» suivant
l'expression heureuse de D.J Jeremy.
Pourtant, on peut chercher à esquisser, entre l'acceptation d'un
«paradigme (ou modèle) britannique» et une position de refus de toute
généralisation, une structure conceptuelle unificatrice qui rende compte de
la diversité de la réalité historique. Ceci peut se faire à l'aide de deux
interprétations permettant de comprendre l'industrialisation européenne
comme un processus unique pourvu d'une rationalité interne. 1) La première approche vise d'abord séparer le «modèle britannique» (qui
n'est dès lors plus un modèle mais devient une voie d'industrialisation
parmi d'autres), unique et non imitable, et un modèle pour les pays
suiveurs. Mais celui-ci doit à son tour être assez souple pour permettre
l' incorporation de chaque cas national.
( Comme le souligne l'historien anglais Peter Mathias, l'Angleterre est
«première parce qu'unique et unique parce que première». Elle est en effet
le seul pays à aborder le processus d'industrialisation dans un monde dénué
d'industrie moderne et à disposer pendant plusieurs décennies d'une avance
technologique et économique. Elle doit l'originalité de ce démarrage à une
combinaison unique de facteurs endogènes (ou à un accident) dont la
conjonction explique le changement. Peter Mathias attache une importance
particulière aux «forces institutionnalisantes du marché» qui joueraient
librement en GB alors qu'elles sont contenues dans les états continentaux.
( D'autre part, l'industrialisation des autres pays se fait dans un monde
où existe déjà un pays dominant. Leur industrialisation n'est plus alors
autochtone, fruit de la rencontre heureuse d'un certain nombre de facteurs
internes, mais s'impose sur le continent par la concurrence des produits
anglais dans les secteurs où le machinisme implique des gains de
productivité sans commune mesure avec le travail manuel. Le
protectionnisme, qui ne peut être dans ce cas une solution définitive,
apparaît seulement comme une politique transitoire permettant de démarrer
l'industrie moderne.
L'attention se porte alors sur les spécificités économiques et sociales
de chaque pays comme autant d'obstacles à une industrialisation vue sous le
mode d'un transfert technologique. Il s'agit alors d'étudier le processus
de transfert et de diffusion technologique entre le centre innovateur (le
plus souvent la GB) et les pays imitateurs. (A) 2) L'originalité du modèle de l'historien russe Alexander Gerschenkron,
qui fonde la deuxième approche, est de concilier une analyse en terme de
retard laissant place à la spécificité de chaque cas national et celle en
terme de «préalables» qui suppose l'unicité du processus d'
industrialisation.
( Les handicaps initiaux des pays qui empêchent les «préalables» d'être
précocement satisfaits (division politique et économique dans les pays
allemands, résistance de la société et des mentalités traditionnelles dans
les pays slaves par exemple) provoquent des retards qui peuvent cependant
être dépassés par des substituts qui compensent l'absence ou la fragilité
de certains préalables. Ainsi «une manière de définir le degré de retard
est précisément l'absence, dans les pays plus retardataires des facteurs
qui, dans les pays précoces, ont servi de préalables au développement
industriel. Une des approches du problème consiste donc à se demander quels
procédés de substitution ont, dans les pays en retard, remplacé les
facteurs manquants dans le processus d'industrialisation en cas de retard »
(Alexander Gerschenkron, Economic Backwardness in historical perspective,
1962). ( La plupart des caractéristiques (facteurs) mises en évidence pour
expliquer le départ précoce de la G.B ne sont pas en réalité des conditions
préalables mais font partie du processus de développement lui-même. De
fait, la question des préalables perd de son intérêt au profit de celle des
substituts qui permettent d' atteindre le même état (pays industrialisé)
mais par des voies originales.
Le modèle de Gerschenkron a fourni un cadre de réflexion stimulant
pendant 30 ans mais il est aujourd'hui remis en cause car les auteurs
insistent désormais sur les ressemblances des industrialisations dans un
mouvement de va-et-vient (thèse puis critiques de la thèse) auquel
l'analyse historique nous a depuis longtemps habitués (B).
A) La fin du «modèle britannique»
On peut multiplier à l'infini les raisons pour lesquelles la R.I a eu
lieu en G.B alors que la France était la première puissance industrielle de
son temps[1] mais le fait est là : l'industrialisation a commencé outre
manche. Comme elle a eu lieu dans un monde non encore industrialisé, on
doit privilégier alors les explications endogènes. Par contre, les autres
pays doivent mener une industrialisation de survie qui passe par une
industrialisation d'imitation.
( une industrialisation de survie qui est obligatoire sous peine de
désindustrialisation
( une industrialisation d'imitation qui s'appuie sur les techniques
britanniques dont le transfert va s'avérer cependant difficile, même pour
les pays suiveurs les plus avancés.
Chaque expérience nationale doit faire face en effet à deux contraintes:
la concurrence extérieure et la gestion de l' héritage intérieur. ( Les variations des industrialisations nationales par rapport au modèle
britannique viennent d'abord des rapports inégaux entre puissances
économiques (ce que vérifient encore aujourd'hui les PED). L'asymétrie
introduite par la Révolution industrielle britannique, obligeait les autres
pays à contourner l'obstacle de l'économie dominante. ( d'où la protection du marché intérieur et des stratégie de créneaux à
l'exportation pour éviter la concurrence britannique. On comprend que si
Ricardo(anglais) défend le libre échange, List, pour les pays germaniques,
et Carey ou Hamilton, pour les Etats-Unis, défendent eux le protectionnisme
temporaire. De fait, à l'exception de la G.B de 1840 à 1914, le XIX ème est
le «siècle du protectionnisme»(Paul Bairoch) plus que du libre échange (le
«blocus continental» du début XIX ème a, par exemple, été décisif pour
l'industrialisation de l'Europe). ( d'où la tentative d'activer le transfert de technologies anglaises.
Cependant, les nouvelles techniques ont été difficiles à imiter (surtout
dans la sidérurgie) car elles étaient peu formalisées et qu'elles
reposaient sur un savoir faire empirique (les matières premières étant de
composition variable, il ne suffisait pas de comprendre les nouveaux
procédés pour les mettre en ?uvre) . Le transfert de technologie
nécessitait un transfert physique d'entrepreneurs et d'ouvriers anglais. Ce
sont d' abord à la fin du XVIIIème des techniciens et des entrepreneurs
(Cockerill en Belgique, John Holker à Rouen, les frères Wilkinson au
Creusot) puis des ouvriers britanniques dans les années 1815/1840 pour
aider à démarrer la sidérurgie au coke, la plus difficile à installer. La
politique de secret technologique conduite par les anglais jusqu' en 1842 a
permis de maintenir leur avance puis a dû être corrigée pour fournir des
débouchés (création de marchés captifs comme celui de la Norvège). A partir
du milieu du XIX ème, les français et les belges prennent le relais de ce
transfert pour l'Europe méditerranéenne et continentale (comme le montre
l'historien Rondo Cameron) et, avec les Etats-Unis, sont au même niveau
technique que la Grande Bretagne.
La supériorité technologique anglaise déclina à partir du milieu du XIX
ème. La France, les pays germaniques et les Etats Unis étaient moins
dépendants et avaient acquis eux mêmes une supériorité dans certains
domaines (machine outil pour les Etats Unis, bâtiment, hydraulique pour la
France, exploitation minière et chimie pour l'Allemagne). Mais l'avance
anglaise fut longtemps très nette dans les machines textiles, la fonte au
coke et la machine à vapeur, les trois techniques au coeur de
l'industrialisation du XIX ème. Les résultats de la greffe technologique et en particulier la capacité
à la diffuser à l'intérieur des pays à partir des premiers pôles de
développement dépendent cependant des structures économiques, sociales,
politiques et mentales d'accueil. ( Chaque expérience nationale a donc tiré sa spécificité de l'originalité
de ses structures sociales et économiques. ( La France, pays rural et peu urbanisé, a bénéficié d'un vaste réservoir
de main d'oeuvre rurale sous employée qui maintenait les salaires à un
niveau faible. La mécanisati