Introduction Enseigner les expériences combattantes : enjeux ...

Un examen « objectif » du génocide de 1915 par des historiens turcs est .... Il n'y
a pas entre les Juifs et les Arméniens une « concurrence des victimes », pas ...

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Introduction Enseigner les expériences combattantes : enjeux, approches, sources Il nous a ainsi semblé intéressant de proposer une formation sur les
expériences combattantes, en tentant de tenir un équilibre, toujours
difficile à trouver, entre l'apport des avancées historiographiques les
plus récentes qui relèvent d'un contenu scientifique, et la transposition
didactique. I) La place de la 1e GM dans les programmes Les expériences combattantes constituent un des éléments fondamentaux de
l'étude de la 1e GM au collège comme au lycée. Quelles sont les approches
proposées dans les programmes ? Plusieurs remarques : La première guerre mondiale fait l'objet d'un traitement dit « spiralaire
», c'est à dire qu'elle revient dans les programmes de chacun des niveaux :
élémentaire, collège, lycée. A l'école primaire, elle prend place dans le thème de « la violence au XXe
siècle » et s'adosse, très classiquement, à quelques repères stricts : 1916
: bataille de Verdun ; Clemenceau ; et 11 novembre 1918. Au collège, la guerre est étudiée en troisième, année d'examen. Le thème
tourne autour du caractère « total » de la guerre et insiste sur la
souffrance des soldats. L'approche à adopter est essentiellement
descriptive en collège : à partir de l'exemple de la bataille de Verdun,
les élèves de 3e doivent être capables de « décrire et expliquer la guerre
des tranchées (et le génocide arménien) comme une manifestation de la
violence de masse. » On peut néanmoins s'interroger sur la pertinence de ce
choix : Verdun est-elle emblématique de la Première Guerre mondiale ? La
première intervention fera le point sur cette bataille, son déroulement,
ses enjeux, à la lumière des avancées historiographiques récentes et de
sources régionales. La seconde intervention concerne certes le collège, mais surtout le lycée.
Si l'approche était essentiellement descriptive en 3e, elle est clairement
comparative en classe de 1ère ES-L. La 1e GM est liée à la Seconde dans un
vaste chapitre intitulé « Guerres mondiales et espoir de paix ». On invite
à travailler sur l'expérience combattante dans une guerre totale, avant
d'étudier la Seconde Guerre mondiale en tant que guerre d'anéantissement,
en particulier à travers le génocide des Juifs et des Tziganes. « Une analyse rapide de ces prescriptions montre leur ancrage
historiographique. La terminologie adoptée ainsi que les angles d'approche
réfèrent tous sans exception à l'approche culturelle impulsée par Annette
Becker ou Stéphane Audoin-Rouzeau et relayée par l'historial de Péronne. Il
s'agit en effet de mettre l'accent sur une violence de guerre qui
toucherait la société dans son ensemble et constituerait une sorte de «
matrice » susceptible d'expliquer l'installation des régimes totalitaires
et le génocide à venir ; elle est également anthropologique,
essentiellement vue au prisme de la violence, au risque de gommer
l'historicité du conflit, la diversité de ses acteurs, les enjeux
politiques et militaires, la géographie etc. »[1] Ce poids de l'approche
anthropologique est très net dans l'adoption du singulier « l'expérience
combattante », et non « les expériences combattantes », le pluriel étant
pourtant, on le verra, non seulement historiquement plus pertinent, mais
pédagogiquement plus intéressant. La différence entre « Anthropologie et histoire » lit-on dans dans
Historiographies (NO...) ne tient pas aux sources utilisées, mais à
l'interprétation : l'anthropologique est attentif aux structures, aux
schèmes organisateurs de toute pratique : formes du sacré, figures de
l'échange, différence entre les sexes,... Pour l'historien, « les actes
s'inscrivent dans le temps, modifient les choses tout autant qu'ils les
répètent » (p. 42) d'où l'importance de la conjoncture, du contexte.
L'approche anthropologique du combat n'est pas inintéressante, comme le
suggère par exemple SAR dans un ouvrage de 2008 intitulé Combattre. Une
anthropologie historique de la guerre moderne (XIXe-XXIe siècle), mais elle
gomme quelque peu l'ancrage historique, la conjoncture, au profit d'un
questionnement centré sur l'humain, une approche que l'auteur a repris dans
La Documentation photographique consacrée spécifiquement à l'expérience
combattante (cf : les sous-titres du sommaire) Nous verrons quels sont les apports mais aussi les limites d'une telle
approche. II) La violence en question Les programmes invitant à aborder les guerres à travers le prisme de la
violence, une réflexion mérite d'être faite sur l'approche que l'on peut
avoir, en tant qu'enseignant, vis-à-vis de cette violence : Avec un témoignage, l'émotion qui s'en dégage, englobante et passagère, ne
permet pas aux élèves d'en comprendre et d'en retenir grand-chose. Le choix
des documents, qu'il s'agisse des textes ou des images, doit tenir compte
de cette réaction. Les photographies exhibant des cadavres présentent le
risque d'éveiller une certaine fascination pour l'horreur. Cette photographie a été prise par un médecin, Frantz Adam, le 16 avril
1917, près de Loivre (Marne) . Le médecin Frantz Adam avait toujours son Vest Pocket Kodak à portée
de main. Avec cet appareil portatif à soufflet, dont les dimensions
(6×12 cm) étaient proches de nos smartphones, il a photographié la
Grande Guerre sur le front occidental. Paysages enneigés de la guerre
de montagne dans les Vosges en 1915, prisonniers allemands dans la
Somme en 1916, messe aux tranchées dans la Marne en 1917, entrée en
Alsace et occupation de la Rhénanie en 1918... Au total, cinq cents
photos, dont environ trois cents prises pendant le conflit ont été
conservées et 150 publiées dans un ouvrage récent. . "Le développement des techniques photographiques au début du XXe
siècle permet à de nombreux hommes d'immortaliser la Grande Guerre.
Dans la mesure où le matériel coûte encore assez cher, ces
photographes amateurs sont généralement des officiers, dont font
partie les médecins, comme Frantz Adam. En théorie, photographier les
terrains d'opération est interdit, notamment pour des raisons
d'espionnage. Mais les autorités ferment parfois les yeux." . "En 1914, les autorités militaires pensent que le conflit sera
puissant, grâce aux nouveaux types d'armes, et donc rapide. Il
n'existe pas de réels stocks pour la campagne d'hiver 1914-1915, ce
qui amène les soldats à se couvrir comme ils peuvent. On remarque une
pelle à l'arrière plan, ainsi que des caillebotis sur le sol. . "Août 1917 (Marne) : "Un agent de liaison patauge dans un boyau inondé
après un orage. La présence de caillebotis ne suffit pas à rendre ce
chemin praticable." . De façon surprenante, ce médecin militaire a très peu photographié les
blessés qu'il a soignés. « Comme si ce travail était trop sérieux,
trop immédiat et prenant pour être photographié », commente André
Loez. En revanche, Frantz Adam a davantage photographié les morts que
les autres photographes amateurs de l'époque. Deux exemples : . Le 13 septembre, sur le champ de bataille de la Somme, on trouve ce
crâne momifié d'un soldat allemand qui ressort du terrain bouleversé
par l'offensive. En soi, la photographie n'est pas dénuée d'intérêt :
elle pointe la violence des bombardements qui enterrent les hommes et
déterrent les cadavres. Mais l'horreur est là, sans fard,
difficilement soutenable. . De même, cette photographie de deux jeunes soldats français tués en
juillet 1918 dans l'Aisne - on reconnaît au loin la cathédrale sur la
gauche et l'abbaye Saint-Jean des Vignes sur la droite. On perçoit une
certaine recherche esthétique. Frantz Adam n'hésite pas à s'approcher
de ses sujets, au plus près. Sa composition montre le un jeu de lignes
horizontales et verticales, entre la disposition des morts premier
plan et le paysage au second plan. qui posent autant la question du choix de Frantz Adam que celle de notre
propre choix dans l'utilisation de tels clichés en classe : De notre point de vue, ces photographies, toutes deux terrifiantes, donnent
à voir la mort dans ce qu'elle a de plus sale : les corps en putréfaction
déterrés par un bombardement sont également évoqués par les combattants, en
particulier lorsqu'ils creusent des tranchées. De même, le visage
boursoufflé, les vêtements relevés, les mouches qui volent autour des deux
corps dans la seconde photographie font partie de la réalité des champs de
bataille... Elles rappellent les eaux fortes d'Otto Dix montrant des crânes
en décomposition. Pour savoir s'il est pertinent d'utiliser telle ou telle image en classe,
je pense qu'il faut déjà se poser la question. Les images que nous
utilisons ne sont pas neutres. Elles créent un choc d'autant plus puissant
que la photographie est considérée comme un témoin fidèle de la réalité. Ce
qu'elle fixe a été. C'est d'ailleurs tout l'enjeu de l'éducation aux médias
que de mettre à distance ces représentations pour ne pas se laisser happer
par elles. Il serait absurde d'interdire l'usage de telle ou telle image sous prétexte
qu'elle est insoutenable. Mais on se doit de la mettre à distance et de ne
pas en ignorer les effets. Cette réflexion vaut pour les photographies de
Frantz Adam comme pour celles de la Shoah. Clément Chéroux, dans une remarquable approche du "bon usage des images",
s'interro