1. Oubli de noms propres

L'examen des influences et des voies d'association ayant abouti à la
reproduction .... Et, à première vue, on n'entrevoit pas, entre le sujet de
conversation dans lequel ...... Cas II : « M. N. veut recommander à quelqu'un la
librairie Gilhofer et ...... Je me souviens seulement : meurtrier, lady Macbeth,
sorcières, « la beauté est ...

Part of the document


Sigmund FREUD Psychopathologie de la vie quotidienne Application de la psychanalyse à l'interprétation
des actes de la vie quotidienne
(1901) Traduit de l'Allemand par le Dr. S. Jankélévitch, en 1922.
Traduction de l'Allemand autorisée par l'auteur
et revue par l'auteur lui-même, 1922.
Table des matières 1. Oubli de noms propres 3
2. Oubli de mots appartenant à des langues étrangères 11
3. Oubli de noms et de suites de mots 18
A. Oublis de noms ayant pour but d'assurer l'oubli d'un projet 40
B. Un cas d'oubli d'un nom et de faux souvenir. 43
4. Souvenirs d'enfance et souvenirs-écrans 51
5. Les lapsus 60
6. Erreurs de lecture et d'écriture 121
A. Erreurs de lecture 121
B. Erreurs d'écriture 133
7. Oubli d'impressions et de projets 151
A. Oubli d'impressions et de connaissances 154
B. Oubli de projets 171
8. Méprises et maladresses 184
9. Actes symptomatiques et accidentels 218
10. Les erreurs 248
11. Association de plusieurs actes manqués 262
12. Déterminisme Croyance au hasard et superstition Points de vue 272
À propos de cette édition électronique 316 1. Oubli de noms propres
J'ai publié, en 1898, dans Monatsschrift für Psychiatrie und Neurologie, un
petit article intitulé : « Du mécanisme psychique de la tendance à
l'oubli », dont le contenu, que je vais résumer ici, servira de point de
départ à mes considérations ultérieures. Dans cet article, j'ai soumis à
l'analyse psychologique, d'après un exemple frappant observé sur moi-même,
le cas si fréquent d'oubli passager de noms propres ; et je suis arrivé à
la conclusion que cet accident, si commun et sans grande importance
pratique, qui consiste dans le refus de fonctionnement d'une faculté
psychique (la faculté du souvenir), admet une explication qui dépasse de
beaucoup par sa portée l'importance généralement attachée au phénomène en
question. Si l'on demandait à un psychologue d'expliquer comment il se fait qu'on se
trouve si souvent dans l'impossibilité de se rappeler un nom qu'on croit
cependant connaître, je pense qu'il se contenterait de répondre que les
noms propres tombent plus facilement dans l'oubli que les autres contenus
de la mémoire. Il citerait des raisons plus ou moins plausibles qui, à son
avis, expliqueraient cette propriété des noms propres, sans se douter que
ce processus puisse être soumis à d'autres conditions, d'ordre plus
général. Ce qui m'a amené à m'occuper de plus près du phénomène de l'oubli passager
de noms propres, ce fut l'observation de certains détails qui manquent dans
certains cas, mais se manifestent dans d'autres avec une netteté
suffisante. Ces derniers cas sont ceux où il s'agit, non seulement d'oubli,
mais de faux souvenir. Celui qui cherche à se rappeler un nom qui lui a
échappé retrouve dans sa conscience d'autres noms, des noms de
substitution, qu'il reconnaît aussitôt comme incorrects, mais qui n'en
continuent pas moins à s'imposer à lui obstinément. On dirait que le
processus qui devait aboutir à la reproduction du nom cherché a subi un
déplacement, s'est engagé dans une fausse route, au bout de laquelle il
trouve le nom de substitution, le nom incorrect. Je prétends que ce
déplacement n'est pas l'effet d'un arbitraire psychique, mais s'effectue
selon des voies préétablies et possibles à prévoir. En d'autres termes, je
prétends qu'il existe, entre le nom ou les noms de substitution et le nom
cherché, un rapport possible à trouver, et j'espère que, si je réussis à
établir ce rapport, j'aurai élucidé le processus de l'oubli de noms
propres. Dans l'exemple sur lequel avait porté mon analyse en 1898, le nom que je
m'efforçais en vain de me rappeler était celui du maître auquel la
cathédrale d'Orvieto doit ses magnifiques fresques représentant le
« Jugement Dernier ». À la place du nom cherché, Signorelli, deux autres
noms de peintres, Botticelli et Boltraffio, s'étaient imposés à mon
souvenir, mais je les avais aussitôt et sans hésitation reconnus comme
incorrects. Mais, lorsque le nom correct avait été prononcé devant moi par
une autre personne, je l'avais reconnu sans une minute d'hésitation.
L'examen des influences et des voies d'association ayant abouti à la
reproduction des noms Botticelli et Boltraffio, à la place de Signorelli,
m'a donné les résultats suivants :
a) La raison de l'oubli du nom Signorelli ne doit être cherchée ni dans une
particularité quelconque de ce nom, ni dans un caractère psychologique de
l'ensemble dans lequel il était inséré. Le nom oublié m'était aussi
familier qu'un des noms de substitution, celui de Botticelli, et beaucoup
plus familier que celui de Boltraffio dont le porteur ne m'était connu que
par ce seul détail qu'il faisait partie de l'école milanaise. Quant aux
conditions dans lesquelles s'était produit l'oubli, elles me paraissent
inoffensives et incapables d'en fournir aucune explication : je faisais, en
compagnie d'un étranger, un voyage en voiture de Raguse, en Dalmatie, à une
station d'Herzégovine ; au cours du voyage, la conversation tomba sur
l'Italie et je demandai à mon compagnon s'il avait été à Orvieto et s'il
avait visité les célèbres fresques de... b) L'oubli du nom s'explique, lorsque je me rappelle le sujet qui a précédé
immédiatement notre conversation sur l'Italie, et il apparaît alors comme
l'effet d'une perturbation du sujet nouveau par le sujet précédent. Peu de
temps avant que j'aie demandé à mon compagnon de voyage s'il avait été à
Orvieto, nous nous entretenions des m?urs des Turcs habitant la Bosnie et
l'Herzégovine. J'avais rapporté à mon interlocuteur ce que m'avait raconté
un confrère exerçant parmi ces gens, à savoir qu'ils sont pleins de
confiance dans le médecin et pleins de résignation devant le sort.
Lorsqu'on est obligé de leur annoncer que l'état de tel ou tel malade de
leurs proches est désespéré, ils répondent : « Seigneur (Herr), n'en
parlons pas. Je sais que s'il était possible de sauver le malade, tu le
sauverais. » Nous avons là deux noms : Bosnien (Bosnie) et Herzegowina
(Herzégovine) et un mot : Herr (Seigneur), qui se laissent intercaler tous
les trois dans une chaîne d'associations entre Signorelli - Botticelli et
Boltraffio. c) J'admets que si la suite d'idées se rapportant aux m?urs des Turcs de la
Bosnie, etc., a pu troubler une idée venant immédiatement après, ce fut
parce que je lui ai retiré mon attention, avant même qu'elle fût achevée.
Je rappelle notamment que j'avais eu l'intention de raconter une autre
anecdote qui reposait dans ma mémoire à côté de la première. Ces Turcs
attachent une valeur exceptionnelle aux plaisirs sexuels et, lorsqu'ils
sont atteints de troubles sexuels, ils sont pris d'un désespoir qui
contraste singulièrement avec leur résignation devant la mort. Un des
malades de mon confrère lui dit un jour : « Tu sais bien, Herr (Seigneur),
que lorsque cela ne va plus, la vie n'a plus aucune valeur. » Je me suis
toutefois abstenu de communiquer ce trait caractéristique, préférant ne pas
aborder ce sujet scabreux dans une conversation avec un étranger. Je fis
même davantage : j'ai distrait mon attention de la suite des idées qui
auraient pu se rattacher dans mon esprit au sujet : « Mort et Sexualité. »
J'étais alors sous l'impression d'un événement dont j'avais reçu la
nouvelle quelques semaines auparavant durant un bref séjour à Trafoï : un
malade, qui m'avait donné beaucoup de mal, s'était suicidé, parce qu'il
souffrait d'un trouble sexuel incurable. Je sais parfaitement bien que ce
triste événement et tous les détails qui s'y rattachent n'existaient pas
chez moi à l'état de souvenir conscient pendant mon voyage en Herzégovine.
Mais l'affinité entre Trafoï et Boltraffio m'oblige à admettre que, malgré
la distraction intentionnelle de mon attention, je subissais l'influence de
cette réminiscence. d) Il ne m'est plus possible de voir dans l'oubli du nom Signorelli un
événement accidentel. Je suis obligé de voir dans cet événement l'effet de
mobiles psychiques. C'est pour des raisons d'ordre psychique que j'ai
interrompu ma communication (sur les m?urs des Turcs, etc.), et c'est pour
des raisons de même nature que j'ai empêché de pénétrer dans ma conscience
les idées qui s'y rattachaient et qui auraient conduit mon récit jusqu'à la
nouvelle que j'avais reçue à Trafoï. Je voulais donc oublier quelque
chose ; j'ai refoulé quelque chose. Je voulais, il est vrai, oublier autre
chose que le nom du maître d'Orvieto ; mais il s'est établi, entre cet
« autre chose » et le nom, un lien d'association, de sorte que mon acte de
volonté a manqué son but et que j'ai, malgré moi, oublié le nom, alors que
je voulais intentionnellement oublier l' « autre chose ». Le désir de ne
pas se souvenir portait sur un contenu ; l'impossibilité de se souvenir
s'est manifestée par rapport à un autre. Le cas serait évidemment beaucoup
plus simple, si le désir de ne pas se souvenir et la déficience de mémoire
se rapportaient au même contenu. - Les noms de substitution, à leur tour,
ne me paraissent plus aussi injustifiés qu'avant l'explication ; ils
m'avertissent (à la suite d'une sorte de compromis) aussi bien de ce que
j'ai oublié que de ce dont je voulais me souvenir, et ils me montrent que
mon intention d'oublier quelque chose n'a ni totalement réussi, ni
totalement échoué. e) Le genre d'association qui s'est établi