La démographie historique antique, études réunies par M - Hal-SHS

EXAMEN DE FIN DE SEMESTRE (50%) : Un QCM sur les mesures en analyse
démographique. Contenu. INTRODUCTION A LA DEMOGRAPHIE (Séance 1).

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La démographie historique antique, études réunies par M. Bellancourt-
Valdher et J.-N. Corvisier, Cahiers scientifiques de l'université d'Artois
n° 11, Artois Presses Université, Arras, 1999, 186 p. ; 100 F. ; ISBN 2-
910663-16-7.
Regroupant quinze contributions, cet ouvrage est issu du Premier Colloque
international de démographie historique antique qui s'est tenu à Arras les
22 et 23 novembre 1996. Comme le souligne J.-N. Corvisier dans son
introduction une telle réunion n'était pas évidente. Ne possédant pas les
sources quantitatives habituellement utilisées par les démographes,
l'historien de l'antiquité recourt à d'autres méthodes. De telles
recherches sont restées longtemps marginales, tant au sein de l'histoire
antique que de la démographie historique : sur 1139 notices de la
Bibliographie internationale de la démographie historique 1994-1995, 29
concernaient l'antiquité...Occasion d'un bilan et ouverture sur de
nombreuses perspectives, les études publiées ici témoignent pourtant d'une
réelle vitalité et d'un intérêt certain. Et si elles consacrent, bien sûr,
la part belle aux mondes grec et romain, il faut aussi noter une importante
communication sur l'Égypte romaine et la place accordée à la Gaule
protohistorique. Méthodes et approches sont aussi fort différentes tant au
niveau des sources exploitées qu'à celui des problématiques choisies. Une
rapide revue des différentes contributions permettra ainsi de présenter
diversité et convergences.
P. Brun, en retraçant "Les nouvelles perspectives de l'étude
démographique des cités grecques", offre une synthèse importante valable
très largement pour les autres mondes antiques. L'auteur insiste autant sur
les méthodes, sans cesser d'interroger leur validité, que sur les résultats
obtenus. Il montre ainsi comment l'ouverture récente de l'horizon de
recherche - essentiellement dûe à la méthode comparative et à la
prospection archéologique (surveys) - a permis de dépasser les
extrapolations ponctuelles. L'heure est aux démarches globalisantes mais
aussi à "l'approximation érigée en vertu" (p. 18). Les conclusions des
récents travaux témoignent de leurs apports : si le constat d'un dynamisme
certain jusqu'à la haute époque hellénistique confirme l'opinion de ceux
qui pensent que la cité grecque n'est pas morte à Chéronée, "le renouveau
tardo-impérial [350-600 apr. J.-C.] de la mise en valeur et de la
population [...] est quant à lui la grande surprise des surveys unanimes
sur ce point" (p. 22). Une nouvelle grille d'analyse s'est dégagée.
D'autres régions et d'autres époques présentent de semblables renouveaux
et approfondissements de nos connaissances. Dans "De l'archéologie de
l'espace à la démographie, le cas de la Provence", F. Trément précise les
méthodes et les conclusions de son important travail sur Les Étangs de
Saint-Blaise (Documents d'Archéologie Française 74, Paris, 1999). Il
montre comment une prospection archéologique systématique débouche sur la
construction d'indicateurs d'occupation qui, une fois pondérés, peuvent
rendre compte de l'implantation humaine et de ses modalités sur la longue
durée, dans une région donnée. La leçon majeure qui se dégage est une
invitation à la rigueur et à la conduite d'autres enquêtes similaires qui
seules permettront des comparaisons : ces recherches récentes font
apparaître des densités plus importantes que celles des prospections
passées plus extensives.
À propos d'une région voisine, F. Verdin ("Occupation du sol et pression
démographique indigène autour de Marseille au second âge du Fer") cherche
aussi à proposer des ordres de grandeurs et à cerner une évolution
diachronique. Une particularité locale, la relative standardisation des
habitats urbains, peut inviter à des estimations, malgré la persistance de
nombreuses inconnues. L'impression générale qui se dégage n'en est pas
moins nette, un essor démographique, au IIème siècle avant notre ère, des
populations gauloises voisines de Marseille, susceptible d'expliquer
l'appel au secours de la cité phocéenne à Rome.
On sait que la démographie antique, et sa traduction - toujours variable
- dans des modes d'occupation du sol, est plus que fortement liée à
l'histoire politique. C'est aussi une des leçons que l'on peut tirer de
l'étude de G. Leman-Delerive : "De l'oppidum à l'urbs : l'exemple de la
Gaule Belgique". En dehors de la région de l'Aisne, qui connut un urbanisme
protohistorique dynamique, monumentalisé et peut-être planifié, on ne
connaît pas ailleurs de sites urbains avant César. En tenant compte de ce
que l'archéologie nous révéle sur les modes d'occupation spatiale et
agraire des peuples belges, nous pouvons espérer saisir les conséquences et
les suites de la conquête sur la répartition des populations, mais aussi
prendre conscience des biais affectant les témoignages écrits que Grecs et
Romains ont laissés sur les populations protohistoriques.
Urbanisation, vie politique et militaire, confrontation des sources
écrites et archéologiques forment le coeur de l'article de J.-N. Corvisier
("Continuité et discontinuité dans les tissus urbains grecs"), centré sur
les destructions et disparitions de cité. Si chaque cas est complexe, leur
mise en série est cependant fructueuse et c'est en définitive la notion
même de prise d'une cité qui est interrogée. Par delà les vicissitudes de
l'histoire grecque, et les affirmations des auteurs anciens, le bilan est
net : "le tissu urbain ne se laisse changer que difficilement" (p. 151). Il
importe alors de bien séparer le statut d'une population de sa présence :
là où une agglomération peut disparaître en tant que cité, corps politique,
elle peut perdurer en tant que ville. À travers l'étude précise d'un cas
particulier, "Lyttos, ville fantôme ?", H. Van Effenterre et D. Gondicas
s'appliquent à retracer les écarts qui existent entre la définition
politique et juridique d'une population et sa répartition géographique.
Dans cette cité de Crète, nul centre urbain avant la période romaine. Comme
à Sparte, la monumentalisation d'un espace urbain unifié est absente de la
vie civique ; la destruction de la "ville", que raconte Polybe, doit donc
être reconsidérée.
L'existence de sources écrites ne suffit pas à fonder des certitudes. On
sait que, pour les anciens, l'accent n'est jamais mis sur la population
totale mais toujours sur des catégories privilégiées - pour les Grecs, les
citoyens. Depuis les recherches de K.J. Beloch et de A.M. Gomme, la
question de la population citoyenne athénienne est restée ouverte. À une
même date, deux auteurs (Diodore et Plutarque) donnent deux chiffres
différents - 31 000 et 21 000 - en puisant, sans doute, à la même source.
E. Ruschenbusch ("La démographie d'Athènes au IVème siècle av. J.-C.")
soutient avec fermeté l'hypothèse de 21 000 citoyens. S'il s'appuie sur la
méthode comparative, à partir de statistiques modernes, en insistant
notamment sur la variabilité des classes d'âges au sein d'une population,
c'est pour mieux revenir aux sources épigraphiques (listes d'arbitres
publics et d'éphèbes).
Le chiffre de la population de l'Égypte antique, aux périodes grecque et
romaine, est aussi avancé par des auteurs anciens, en particulier Flavius
Josèphe qui parle de 7,5 millions d'habitants, sans compter Alexandrie.
Cette estimation est considérée comme exagérée dans les travaux récents sur
la démographie égyptienne. Notamment par D. Rathbone ("Villages, Land and
Population in graeco-Roman Egypt", Proceedings of the Cambridge
Philological Society, vol. 216, n.s. 36, 1990, p. 103-42) suivi par
R. S. Bagnall and B. W. Frier, dans leur ouvrage essentiel, The Demography
of Roman Egypt (Cambridge, 1994). E. Lo Cascio, dans un article fondamental
("La popolazione dell'Egitto romano"), soutient de manière convaincante la
véracité du témoignage de Josèphe. Seule une population rurale importante
pouvait dégager le surplus total capable de soutenir une population urbaine
impressionnante pour l'époque. Les estimations proposées par les chercheurs
modernes sont donc trop basses, et faussent l'image globale que l'on peut
et que l'on doit se faire de la société et de la démographie égyptiennes à
l'époque romaine.
Néanmoins, une documentation aussi riche qu'en Égypte est fort rare.
Habituellement nos sources restent centrées sur une frange précise des
populations antiques : le sommet de la pyramide sociale. C'est ce qui
ressort nettement de l'étude d'A. Laronde : "À propos de la population et
des familles cyrénéennes", où l'on mesure la difficulté qu'il y a à
procéder à la reconstitution de familles. Le travail vaut cependant la
peine d'être mené. À terme, les stemmata obtenus montrent un milieu
aristocratique assez fermé et soucieux de sa continuité familiale. S'il ne
saurait être question d'extrapoler ces résultats aux autres catégories
sociales, il est indéniable que l'on a beaucoup à gagner à la constitution
et à l'exploitation d'enquêtes prosopographiques rigoureuses. C'est ainsi
que W. Suder ("Prosopographie et démographie des femmes de l'ordre
sénatorial à Rome (Ier-IIème siècle ap. J.-C.") essaie de cerner les
enseignements et les limites de notre documentation, à partir de l'enquête
de M.-Th. Rapsaet-Charlier. On ne sera guère étonné de constater que l'on
en apprend autant, sinon plus, sur les représentations des élites que sur
leur régime démographique. On est loin, alors, d'avoir travaillé en vain
car le