MEHL (Édouard), éd - Orbi (ULg)

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10 ) Citer 3 moments où il faut obligatoirement se laver les mains. A l'entrée en ...

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MEHL (Édouard), éd., La science et sa logique. Le statut épistémique de
la logique de Descartes à Husserl, « Les Cahiers philosophiques de
Strasbourg » 32, Université de Strasbourg, 2nd semestre 2012, 341 p. Ce
volume rassemble les actes du colloque « La science et sa logique.
Controverses sur le statut épistémique de la logique à l'époque moderne »,
organisé en septembre 2011 par le Centre de Recherches en Philosophie
allemande et contemporaine (CEPHRAC) de l'Université de Strasbourg. Son
enjeu principal, comme l'indique E. Mehl dans son article introductif (« De
quoi la logique est-elle la science ? », p. 9-20), était d'expliquer
comment la logique est passée du rang d'un instrument de la raison à celui
d'une « science réale » (p. 10) ultimement incarnée dans la « science de la
logique » hégélienne et, pour ce faire, de déterminer quel rôle médiateur
les modèles cartésien et kantien de la mathesis universalis et de la
« logique transcendantale » ont pu jouer au sein de ce devenir. Mais, au-
delà du glissement moderne de « la » logique vers « le » logique, c'était
également le projet de la phénoménologie comme tentative de mettre au jour
l'enracinement de la logique dans la sphère intuitive (Husserl) et dans
l'ontologie (Heidegger) qui se trouvait interrogé : si d'une part se pose
la question de savoir « de quoi la logique est la science », se pose aussi
bien celle de comprendre d'où vient sa position à la fois dominante et
fondamentale au sein de la rationalité moderne. Nous nous arrêterons dans
ce compte-rendu sur la première moitié de l'ouvrage (p. 21-204) consacrée à
l'époque cartésienne au sens large où nous distinguerons trois moments.
1) L'intrication de la logique et de la méthodologie - Ce que montre
d'abord S. Roux (« Logique et méthode au XVIIe siècle », p. 21-45), c'est
que le destin moderne de la logique ne peut être compris qu'à partir de
l'émergence de la méthode avec laquelle elle se trouve constamment associée
voire confondue. Que la logique aristotélicienne fasse l'objet d'une vive
critique (p. 26-29) et que la méthode soit appelée à s'y substituer ne doit
pas occulter le fait que la logique, portée par ses conceptions
renaissantes (Ramus ou Zabarella), survit au sein même de la réflexion
méthodologique moderne. En outre, si la methodus ne se substitue pas
purement et simplement à la logica, c'est parce qu'elle ne bénéficie pas de
cette unité dont jouissait autrefois la théorie aristotélicienne du
syllogisme, et se dissémine en plusieurs modèles (répertoriées par S. Roux,
p. 29-40) qui entraînent son « équivocité » tout au long de l'âge
classique. La situation cartésienne est emblématique : l'interprétation de
la méthode cartésienne constitue alors un enjeu central dans la manière de
ressaisir et d'organiser les méthodes de la science, mais comme l'indique
Baillet (p. 42-44), elle contribue plutôt à accroître la confusion entre
logique et méthode. M. Spallanzani (« 'Trouver quelques vérités dans les
sciences'. Les Essais de Descartes entre méthode et découverte
scientifique », p. 47-76) complète cette enquête en rappelant que pour
Baillet la logique de Descartes est à chercher plutôt du côté des
cartésiens, et en proposant un examen de « méthode industrieuse » de
Descartes, celle qui se trouve dans les écrits scientifiques, qui confirme,
s'il en était besoin, qu'elle est « affaire d'opérations plutôt que de
principes » (p. 52). L'article de M. Pécharman qui figure un peu plus loin
dans volume (« Les principes de la science selon Hobbes », p. 113-146)
éclaire tout autrement la relation entre logique et méthode : à l'intérieur
même du projet philosophique de Hobbes s'articulent deux moments,
concrétisés dans les définitions hobbésiennes de la philosophie, celui de
la « logique de la démonstration », incarnée dans le savoir mathématique,
et celui d'une « méthode inventive » qui prend son départ dans la sensation
comme effet généré par une cause. La logique s'arrime ainsi à la corporéité
et se déploie comme connaissance des causes et des effets tout en
accomplissant sa dimension originairement apodictique.
2) Les mutations de la logique classique du point de vue allemand - E.
Cassan (« L'institution de la logique chez Joachim Jungius (1587-1657) :
modalités et enjeux conceptuels », p. 77-92) s'arrête sur le cas de Jungius
et de sa Logica Hamburgensis qui propose, plutôt qu'une logique formelle,
une « analyse des opérations fondamentales de la pensée » (p. 79). Cette
logique procède alors de manière réflexive, sur la base d'une certaine
experientia du moi pensant, qui permet d'engager une description de la
composition immanente des « notions », autrefois saluée par Leibniz. F. De
Buzon (« La logique de Port-Royal vue d'Allemagne : formes, lumière
naturelle, raisonnements complexes », p. 93-112) poursuit la réflexion sur
Jungius en procédant à l'étude comparée du traitement des raisonnements
complexes dans L'Art de penser et dans la logique jungienne, afin d'évaluer
la critique que Vagetius, éditeur de la Logica Hamburgensis, adressa à
Messieurs de Port-Royal. L'originalité de L'Art de penser est d'appliquer
aux raisonnements complexes un double traitement en lieu et place de
l'habituelle analyse ou réduction syllogistique : traitement par l'exemple
ou traitement par le recours à la seule lumière naturelle. Or, ce qu'il
faut noter, c'est que cette lumière naturelle possède elle-même un certain
contenu logique : sa nature intuitive se ramène à l'application de
préceptes généraux par lesquels nous pouvons, quasi immédiatement, juger
des relations d'extension entre les concepts au sein de n'importe quel
raisonnement (p. 106). Vagetius, à rebours de cette logique spontanée,
propose un approfondissement de la mise en forme des raisonnements
complexes, suivant donc le fil aristotélicien mais pour rapprocher la
théorie du syllogisme du langage naturel.
3) L'émergence d'une logique du concevable - Si Port-Royal participe à
l'affaiblissement de la syllogistique en même temps qu'à la promotion d'une
logique qui prend pour objet les actes de « concevoir, juger et ordonner »
(p. 97), c'est cette logique de la conception et ou plutôt de la
« concevabilité » qui se trouve au c?ur de la philosophie première de
Tschirnhaus dont M. Savini (« La Medicina mentis d'Ehrenfried Walther von
Tschirnhaus en tant que 'Philosophie première' », p. 147-172) étudie
d'abord le projet global avant d'examiner le mouvement par lequel logique
et philosophie première s'unissent en une théorie de l'ens ut conceptibile.
Originalité de Tschirnhaus, cette « concevabilité » dépend d'un conatus,
c'est-à-dire d'une dimension performative (p. 171), de sorte que la logique
se trouve alors articulée à la vie même du sujet pensant. La théorie de
Tschirnhaus constitue en outre un élément du dossier examiné par G. Coqui
(« Les modalités entre ontologie et logique, de l'époque de Descartes à
celle de Kant », p. 173-204), celui de l'effacement du sens ontologique du
nécessaire à l'époque classique, effacement qui culmine dans l'assimilation
kantienne de la nécessité à l'apriorité. Le mérite de ce travail n'est pas
seulement d'instruire un tel dossier, mais de montrer aussi comment
Descartes, lorsqu'il rejette la notion même d'impossibilité objective dans
les Secondes Réponses (p. 193) pour lui substituer une simple « repugnantia
in nostro conceptu » (p. 194), entraîne peut-être avec lui tout un pan de
la pensée ultérieure. La doctrine de la création des vérités éternelles se
trouve au principe de cette impossibilité dans laquelle nous nous trouvons
de nous prononcer sur ce qui est objectivement ou réellement impossible. À
cause d'elle, la question des modalités en général est évacuée en dehors de
l'ontologie (p. 201), et c'est du même coup la notion d'une preuve de
l'existence de Dieu qui, perdant toute portée ontologique, se trouve
condamnée à l'impuissance.
Au total ce collectif, dans son moment cartésien, propose un parcours
riche et cohérent : en exposant les transformations de la logique à l'âge
classique dans sa confrontation avec la méthode pour envisager l'émergence
d'une logique nouvelle que Kant mènera plus loin encore dans le sens d'une
analytique de la subjectivité.
O.D.