qu'apporte l'analyse isr à l'analyse financière - Sens Public

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QU'APPORTE L'ANALYSE ISR À L'ANALYSE FINANCIÈRE ? QU'APPORTE L'ANALYSE ISR À L'ANALYSE FINANCIÈRE ? VALÉRY LUCAS-LECLIN La question de l'apport de l'analyse ISR à l'analyse financière est osée,
et sans doute trop précoce. Dans son énonciation même elle ne va pas de
soi. C'est seulement en 2001, avec la présence pour la première fois chez
un courtier d'un analyste dédié à l'Investissement socialement
responsable, ou ISR1, que la communauté des analystes financiers commence
réellement à s'interroger sur la possibilité d'une analyse différente,
complémentaire sûrement, dédiée peut-être.
Les analystes ISR n'étaient pas, loin s'en faut, une nouveauté, mais ils
n'avaient jamais recherché une collaboration directe sur l'analyse
financière des sociétés cotées. On les trouvait dans les équipes des
grands gestionnaires d'actifs britanniques pratiquant l'activisme
actionnarial et l'analyse de la gouvernance, ou dans les agences de
notation sociale et environnementale ; on en trouvait plus récemment un
peu partout dans les maisons de gestion en Europe, à dose homéopathique,
avec pour mission de compléter le travail des agences de notation ISR. Les
analystes ISR ont essentiellement et toujours eu pour mission de décrypter
les politiques et les positionnements des entreprises cotées en matière
sociale, environnementale et de gouvernance. Historiquement, leurs
méthodes n'ont eu que très peu, voire aucun point en commun avec celles
des analystes financiers. Là où ces derniers décortiquaient les comptes
des sociétés cotées dans des analyses de comptes d'exploitation et des
bilans, pour détecter les tendances et projeter les résultats futurs, les
analystes ISR ont plutôt cherché à collecter, trier et hiérarchiser les
informations sociales et environnementales, pour produire une opinion,
qualitative et/ou quantitative, le plus souvent sur la qualité managériale
plutôt que sur les comptes financiers.
La profession d'analyste ISR n'existe pour le moment qu'en pointillé. Est
analyste ISR quiconque se livre à des analyses sociales, environnementales
ou de gouvernance. Mais, contrairement à la profession d'analyste
financier, codifiée et reconnue à travers des diplômes professionnels (le
CFA américain et maintenant le CIIA européen) et des associations
professionnelles de Place, il n'existe aucune forme de reconnaissance
officielle ou de qualification pour un analyste ISR. Métier jeune et aux
contours encore mal définis, il se développe au gré des expériences et des
méthodologies des utilisateurs. On trouve, certes, des formations
d'enseignement supérieur, tels des Masters spécialisés en développement
durable, avec le plus souvent un ou deux modules spécifiques sur
l'Investissement socialement responsable, mais on est encore assez loin du
niveau de technicité des formations d'analyse financière. Une partie de
l'explication réside bien sûr dans la jeunesse de la démarche de l'ISR.
Comparé à l'ancienneté de l'analyse financière, qui repose elle-même sur
l'immense développement des principes et techniques comptables (mais dont
la stabilité est aujourd'hui loin d'être un problème résolu, i.e. normes
IFRS...), il n'y a là rien d'étonnant ou de déshonorant. Pour autant, la
vocation de l'analyse ISR reste sur le fond encore à préciser. Plus pour
longtemps, peut-être, compte tenu de l'intérêt croissant des grands
investisseurs échaudés par les crises de l'analyse financière (2001-2002)
et intéressés par certains signaux envoyés par l'analyse ISR2.
Cette dernière sera d'abord passée sommairement en revue, dans ses
méthodes et objectifs actuels, puis rapprochée dans un deuxième temps de
l'analyse financière. Deux pistes de convergence seront enfin évaluées,
celle de l'évaluation du management comme modulateur de la prime de risque
et celle de la variation des hypothèses de croissance moyen et long terme,
telles qu'utilisées dans les modèles de valorisation dynamiques (DCF, ou
Discounted cash flows). ANALYSE ISR : UNE CARACTÉRISATION PRÉALABLE EST NÉCESSAIRE
Bref rappel sur les origines de l'ISR
Rappelons juste pour commencer que l'ISR a commencé d'abord comme un
investissement fondé sur la primauté de convictions éthiques et le
bannissement de certains secteurs de l'univers d'investissement, qu'il a
connu ensuite, avec les années 1960, l'étape de l'investissement actif
promouvant, au sein des entreprises cotées, des bonnes pratiques,
sociales, environnementales, civiques, puis, qu'avec les années 1980, les
investisseurs sont passés à l'ère préindustrielle, avec la systématisation
des critères de recherche, de sélection et d'exclusion, la mise en place
d'équipes professionnalisées d'investigateurs (les premiers analystes
ISR). Les années 1990 marquent l'entrée dans l'ère industrielle, avec la
conjonction : de thématiques de fond prégnantes et consensuelles (défense
de la gouvernance et promotion du développement durable) ; la mise en
avant de grilles de lecture « sophistiquées » (approche risque et
opportunités, ou leadership/déploiement/résultat) ; enfin la
multiplication de structures de recherche, désormais appelées agences, et
la livraison d'un produit synthétique, la notation (rating), reposant sur
des méthodes de scoring permettant dans l'esprit de leurs utilisateurs de
distinguer les meilleures valeurs sectorielles (best-of-class).
Cette sophistication de la recherche3 a eu lieu en parallèle avec le
développement des fonds d'investissement ISR. Les fonds « éthiques », si
chers aux médias, ont petit à petit laissé la place aux fonds dits
socialement responsables, puis aux fonds intégrés dits de développement
durable. Les premiers avaient ceci de particulier qu'ils reposaient sur
l'utilisation de critères simples répondant aux convictions éthiques des
investisseurs, les derniers témoignant d'un souci d'une approche dite
globale de l'entreprise, à travers laquelle c'était l'ensemble des
dimensions de celle-ci qui étaient évaluées, ainsi que leur alignement
avec les grands principes et les grandes contraintes du développement
durable (préservation des ressources naturelles, protection des intérêts
des parties prenantes, innovation sociétale). Le pari sous-jacent étant
que sur le long terme, les entreprises respectueuses du développement
durable, en interne comme en externe, seraient les plus durables et sans
doute les plus rentables. On voit déjà là pourquoi, inévitablement, dans
une telle perspective, l'analyse ISR était appelée un jour ou l'autre à
croiser la route de l'analyse financière. De quel ISR parle-t-on ? ISR éthique ou ISR financier ?
Un débat majeur, en lien avec la question que nous traitons, a occupé le
devant de la scène internationale en 2004. Le deuxième rapport de la
Fondation Mistra4, au titre explicite de Value for Money, jetait un pavé
dans la mare et popularisait définitivement auprès de la communauté ISR le
concept de « matérialité ». Réévaluant de leur propre chef l'ensemble des
analyses et notations ISR produites jusqu'alors, les auteurs concluaient
que la plupart manquaient à atteindre l'essentiel, c'est à dire la mise en
exergue des facteurs sociaux et environnementaux et de gouvernance
matériels, au sens de susceptibles d'affecter significativement la valeur
financière des entreprises. Le rapport ne contestait pas la qualité des
grilles d'évaluation sociales et environnementales des différents acteurs
de marché, mais leur reprochait de ne pas hiérarchiser l'information en
fonction de son importance financière (sa matérialité), à court, à moyen
et/ou à long terme. Pour la première fois, l'analyse ISR était
officiellement priée de se mettre au service de la performance financière
et de compléter, autant que faire se peut, l'analyse financière classique.
La réponse ne se fit pas attendre, de la part même de Steve Lydenberg,
l'une des figures historiques de l'ISR, cofondateur du cabinet KLD et de
l'indice Domini Social Index : selon lui, l'ISR n'a pas nécessairement
vocation à se mettre au service de la performance financière. Ses
promoteurs ne l'ont pas voulu ainsi à ses origines, et une frange
importante de clients ne le veut toujours pas. Certaines causes sociales
ou environnementales sont défendues au moyen d'investissements qui donnent
aux détenteurs d'actions le droit « d'engager » de manière critique un
dialogue avec l'entreprise. N'oublions pas qu'en droit anglo-saxon une
société appartient pour l'essentiel à ses propriétaires (pas d'intérêt
social), et que le manager est censé tout mettre en oeuvre pour les
satisfaire, c'est-à-dire maximiser leurs profits.
Nous avons déjà souligné que s'il y avait bien eu une « sophistication »
de la recherche, en matière d'ISR comme en d'autres domaines proches, le
dernier qui parle n'a pas toujours le dernier mot. L'idée d'une typologie
des fonds ISR fondée sur le degré de sophistication de la recherche et de
sa thématique - de l'éthique au développement durable - ne rend guère
compte à la fois de la simplicité et de la complexité potentielle de ce
mouvement. La distinction simple entre l'ISR éthique et l'ISR financier
est plus neutre idéologiquement, moins dépendante des contingences
historiques et rend mieux compte des objectifs poursuivis par les
investisseurs5. Dans le premier cas, la préférence est donnée à la défense
et à la promotion des convictions de l'investisseur, éthiques, sociales
et/ou environnementales, alors que dans le deuxième cas l'investisseur
place a priori la recherche de la performance financière comme son
objectif premier. Dans ce cas d'ailleurs, les facteurs sociaux,
environnementaux et de gouvernance (ESG) sont des facteurs dont
l'optimisation contribue à maximiser la performance financière. Ainsi,
entre deux entreprises d'un même secteur d'activité, aux performances
financières sensiblement proches, un investisseur pourra préférer, à
performance financière attendue égale, celle qui aura par exemple le plus
faible taux d'accident industriel, ou les plus faibles émissions de
carbone, ou la meilleure protection sociale de ses salariés. Si
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