et énoncés physiques - Hal-SHS

Nous le savons, par l'examen (historique) des variations de signification que ......
en mécanique, ou celui de la géométrie riemannienne en Relativité générale ?

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in The status of existence of 'hidden' physical entities (atoms,
elementary particles, etc.), Colloque de l'Institut de la méthode.
Association F. Gonseth, Biel-Bienne, 11-12 juin 1993. Texts for
discussion (version préliminaire).
Prédicat d'existence et prédictivité
D'UN OBJET THÉORIQUE EN PHYSIQUE *
MICHEL PATY ** La question posée dans l'invitation à participer au Colloque sur
"le statut d'existence d'entités physiques cachées" mentionnait
plusieurs aspects sur lesquels nous étions invités à nous interroger.
Il était suggéré, tout d'abord, d'envisager la question de l'évidence
expérimentale pour une entité physique particulière (ce que
j'appellerai un "objet physique", que ce soit une particule quantique,
un courant neutre, etc.) sous l'un ou l'autre des points de vue de
l'étude historique ou de la reconstruction logique.
Cette opposition correspond à une dichotomie de la philosophie
et de l'histoire des sciences qui était - est encore souvent - de règle
avec la philosophie analytique et une histoire ramenée à celle de
paradigmes socialisés. Elle suscite, même dans une conception plus
dynamique des rapports de la philosophie et de l'histoire[1], une
réflexion immédiate à propos du sujet qui nous occupe: l'existence d'un
objet physique peut être, en effet, considérée sous l'angle de
l'évolution des théories et des concepts ou sous l'angle structural. La
comparaison des deux - non pas l'ignorance ou l'incompatibilité
mutuelle - serait certainement instructive. 1. Evolutions
Le point de vue de l'étude historique s'appuie de fait sur la
chose jugée, sur l'existence admise; l'objet se trouve là, et la
question est de savoir de quelle manière cela s'est produit, dans
l'espace des idées et des pratiques scientifiques. L'exactitude
historique obligerait à le saisir - à tenter de le saisir - dans le
moment même du passage de l'état où il n'existait pas pour la pensée à
celui où son existence possible, puis effective, est posée, voire
avérée.
L'histoire nous fait saisir, en quelque sorte, l'état des
conditions avant, celui après, et, entre les deux, ce qui surgit, se
présente, la nouveauté, l'objet physique auparavant impensé. L'histoire
- conceptuelle - insisterait sur la nature de cet impensé qui prépare
le surgissement - ou s'y oppose - de ce qui va être pensé et s'imposer.
Sa difficulté sera de caractériser le point de rupture, s'il en est,
que représente la nouveauté (conceptuelle) qui s'établit, avant même
qu'elle ne soit établie (au sens d'évidente pour tous), dans le moment
même où elle s'établit. Des exemples, seulement évoqués, aideront à se
représenter ce que j'essaie de définir. Prenons le temps instantané des
Principia de Newton, saisi dans sa singularité, qui permet l'expression
de la loi du mouvement (laquelle fournit l'équation de la trajectoire
en fonction du temps), cette loi que l'on appelle couramment causale
parce qu'elle relie, comme une conséquence nécessaire, ce qui est à un
instant donné à ce qui est à l'instant immédiatement suivant, grâce aux
concepts du calcul différentiel et intégral. La plus grande nouveauté
des Principia est peut-être cette pensée d'une grandeur temps
instantané, singulière et pourtant relationnelle, quand le temps était
alors conçu par tous, et par Newton lui-même, fondamentalement comme
durée dans un flux continu[2].
La trace du caractère de nouveauté radicale de ce concept
fondateur de la mécanique et de son traitement analytique, nous la
trouvons dans les difficultés que l'on décèle chez les frères Bernoulli
(Jacques et Jean), chez Varignon, Euler, d'Alembert, à concevoir, du
point de vue physique, ce qu'est un instant en lui-même et par rapport
à l'instant d'après et sa différence, dt [3], difficultés qui
persisteront en fait pendant plus d'un demi siècle, et ne s'évanouiront
définitivement qu'avec la Mécanique analytique de Lagrange.
Un autre exemple serait l'introduction, par Michael Faraday, du
concept de champ à propagation de proche en proche à vitesse finie,
dans un univers conceptuel où l'attraction à distance est instantanée.
Introduction préparée, il est vrai, par la notion de propagation d'une
fonction de potentiel (comme la pression continue d'un fluide), dont
l'origine est tributaire de la pensée des équations aux dérivées
partielles, introduites et étudiées à ce propos par d'Alembert. La
transformation de la physique, pensée selon les concepts de la
mécanique, par l'introduction de ce corps étranger qu'était alors le
champ - et qui est bien, d'ailleurs, une "entité physique" - , est le
fruit d'une évolution qui passe par la théorie électromagnétique de
Maxwell et aboutit à la relativité d'Einstein (restreinte, pour ce qui
est de la modification des notions d'espace et de temps, générale, pour
le lien entre ces dernières et la matière).
A quel moment une telle entité physique peut-elle être considérée
comme existante et avérée ? au temps de Faraday, où le concept de champ
électromagnétique est encore de nature seulement phénoménale, à celui
de Maxwell, quand le concept cristallise toute une théorie et s'unifie,
avec les expériences de Hertz, détectant les ondes propagées qui le
rendent manifeste et vérifient la prédiction théorique, ou seulement
avec la théorie d'Einstein qui, en rendant le support mécanique du
champ inutile, donne au concept son assise pleine et entière ? L'étude
de l'évolution historique du concept de champ électromagnétique et de
sa théorie - aussi bien que celle d'autres cas - nous enseignerait sans
doute que toute décision est approximation selon des conditions
d'intelligibilité liées à un contexte : le statut du champ
électromagnétique n'est pas le même au temps de Faraday, à celui de
Maxwell, de Hertz ou d'Einstein : les contenus physiques correspondants
sont différent, et la légitimation d'un prédicat d'existence ne peut
être, considérée sur cette durée, que relative. Il a été légitime, à
chacun de ces moments, d'énoncer l'existence du champ. Mais cette
existence n'a pas la même signification dans ces différentes situations
: elle est, au début, celle d'ébranlements ou vibrations d'un éther
mécanique, et, à la fin, celle d'ue entité physique se suffisant à elle-
même et définie comme se propageant dans l'espace au cours du temps.
Le plus grand contenu de sens semble bien tenir à la place
centrale du concept - de l'entité physique, ou de l'"objet" - dans le
réseau des propositions théoriques. Le concept de champ passe, de la
mécanique à la covariance relativiste, d'une situation marginale et
d'un rôle somme toute auxiliaire à une fonction fondatrice: de l'un à
l'autre, le poids du prédicat d'existence augmente. N'oublions pas,
toutefois, que la pensée de la théorie physique elle-même a évolué ce
faisant, et que les exigences qu'elle recouvre avec la covariance des
équations de champ sont autres que celles de la physique théorique et
analytique telle qu'on la concevait au début du dix-neuvième siècle. La
nature même des concepts et des "entités physiques" s'est modifiée pour
notre pensée, et avec elle ce que nous pouvons entendre par "prédicat
d'existence".
Mon propos n'est pas d'analyser ici plus avant cet exemple, riche
et instructif ; du moins nous aura-t-il donné une idée de l'ampleur de
la perspective que peut ouvrir l'histoire sur la question posée: elle
nous interdit, en tout cas, d'y répondre de manière simpliste. Une
question s'emboîte sur d'autres, un aspect se réflète dans d'autres
comme dans une série infinie de miroirs.
Mais peut-être les deux exemples sont-ils trop exceptionnels,
portant sur des entités ou grandeurs trop fondamentales, et doit-on
raisonner aussi sur des objets plus particuliers, plus "concrets" ou
apparemment plus "intuitifs" (toutes choses égales par ailleurs) comme,
par exemple, des atomes ou des particules élémentaires. N'oublions pas,
cependant, que des objets plus particuliers et spécifiques en supposent
de plus généraux à leur soubassement : ceux que nous pourrions
considérer ne manqueraient pas d'être tributaires de la notion de champ
aussi bien que de celle de temps, et les réponses aux questions sur
ceux-là de dépendre de la nature des interrogations sur ceux-ci.
Laissons donc ces perspectives, retenant le caractère de nouveauté d'un
objet physique lorsqu'il apparaît, prédit ou constaté, et les
implications diverses de ce caractère sur notre manière de concevoir
l'avant, le pendant et l'après de ce surgissement. 2. Structure
Quant à l'aspect structural, celui de la "reconstruction
logique", il se pose lors du moment de la reconnaissance de l'objet,
une fois son existence établie. La "reconstruction logique" qui
s'effectue alors prend les "objets" et leurs concepts tels qu'ils se
trouvent présents, en les ordonnant les uns aux autres de telle façon
que leurs significations - c'est-à-dire leurs contenus physiques et la
signification de ces derniers - se trouvent modifiées : c'est la
structure qui gère le sens - et peut-être, jusqu'à un certain point,
qui l'octroie.
Dans une telle reconstruction, on s'aperçoit mieux sans doute de
ce qui fait le sens profond de la nouveauté de l'objet désigné - pour
rester dans notre problème -, mais sa nouveauté elle-même est, en tant
que telle, depuis longtemps éventée. Telle est peut-être la limite du
point de vue seulement structural : nous n'avons pas résolu, suivant ce
point de vue considéré unilatéralement, la question de la mise au jour
d'une "existence" d'objet physique p