L''évolution des générations dans le monde paysan, au XXe siècle
Remarque : En BTS. Electrotechnique, l'épreuve de culture générale et
expression s'inscrit dans un contrôle en cours de formation (C.C.F.). ... Dans le
cadre d'un examen final avec synthèse et développement personnel en 4 heures
, on peut ...
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Ce sujet de synthèse sur le thème « Générations » a été préparé par Mme
Véronique JOUCLA, agrégée de Lettres Modernes, pour ses étudiants de BTS
Electrotechnique du Lycée Philippe de Girard à Avignon
Contrôle continu en cours de formation : synthèse de documents.
Vous ferez une synthèse objective, concise et ordonnée des documents
suivants qui concernent l'évolution des générations dans le monde paysan,
au XXe siècle. Document 1. Raymond Depardon, Paysans, 2009.
Document 2. Jean Ferrat, La Montagne, 1964. Document 3. Pierre-Jakez Hélias, Le Cheval d'orgueil, 1975.
Remarque : En BTS. Electrotechnique, l'épreuve de culture générale et
expression s'inscrit dans un contrôle en cours de formation (C.C.F.). L'une
des trois épreuves du C.C.F. est la synthèse de documents d'une durée de 2
heures. Cette synthèse doit être réalisée à partir de deux ou trois
documents seulement. Dans le cadre d'un examen final avec synthèse et
développement personnel en 4 heures, on peut envisager l'étude de l'affiche
du film de Raymond Depardon : La vie moderne.
Document 1. Raymond Depardon, Paysans, 2009.
Raymond Depardon est photographe. Il revient, dans l'ouvrage intitulé
Paysans, sur ses origines. Il parle d'abord de la ferme du Garet où il est
né.
Je suis né dans cette ferme. Mes parents, Antoine Depardon et Marthe
Bernard, étaient très doux, ils travaillaient beaucoup.
Ils s'étaient installés au Garet juste après leur mariage en 1928.
J'ai un frère, Jean Depardon, de quatre ans mon aîné. Mes parents
étaient aidés par deux ouvriers agricoles, dont le Sylvestre, un réfugié
polonais qui a été, en dehors de mes copains d'école, le premier témoin de
mes rêves.
Je sais que j'ai eu de la chance de vivre mon enfance dans une ferme !
Plus tard, j'ai vécu aussi cela comme un complexe : nous étions, mon frère
et moi, les seuls fils d'agriculteurs qui allaient à l'école de Pontbichet,
dans la banlieue de Villefranche-sur-Saône.
Combien de fois je me suis bagarré dans la cour de l'école parce qu'on
m'avait traité de « paysan ». Je répondais : « Vous mangeriez des clous
s'il n'y avait pas de paysans ! ».
Un Noël, mes parents ont offert à mon frère un appareil photo très
rudimentaire : un Lumière 6x6. J'étais très jeune, mon frère l'a laissé
traîner et je le lui ai vite emprunté. J'ai commencé à photographier les
chats et les petits veaux. Plus tard, j'ai osé photographier mes parents
dans la cuisine un jour de semaine, puis un dimanche, juste avant d'aller
visiter des cousins dans la Bresse.
Je n'ai jamais osé les photographier dans le cimetière de Savigneux où
nous passions presque tous les dimanches fleurir les tombes de la famille
de ma mère.
En dehors de l'école et pendant les vacances, j'aidais mes parents. Le
matin, je sortais les vaches jusqu'au pré en bordure de la Saône et, le
soir, je les ramenais à l'étable pour la traite. L'été au moment des foins
et des moissons, je leur portais à boire du vin mélangé à de l'eau, dans
des bouteilles recouvertes de toile de sac à pommes de terre pour les
garder fraîches.
Vers les douze ans, je passais plus de temps dans les greniers à rêver
qu'à aider mes parents aux travaux agricoles.
Je n'étais pas doué pour les études, ils s'inquiétaient pour mon avenir
sans jamais me le reprocher.
Pour ne pas leur faire de peine, j'ai le souvenir d'avoir fait un
effort afin de réussir au moins le certificat d'études.
Mon frère, lui, après son baccalauréat, était parti travailler à
Grenoble : la succession de la ferme était vacante.
J'imagine la souffrance silencieuse de mes parents de voir la ferme
disparaître, avec un fils à Grenoble et un autre dans les greniers en train
de rêver...
En vélo, j'allais faire les courses à Beauregard, acheter du pain
frais, rarement de la viande, ma mère me donnait une liste de commissions
à rapporter, c'était juste à un kilomètre de l'autre côté du pont.
Orgueilleux, sauvage, après un court passage comme vendeur chez un
photographe et des cours par correspondance que j'avais trouvés dans la
revue Mécanique populaire, je suis monté à Paris, à seize ans, c'était la
première fois que je voyageais seul [...]
En 1963, après leur mariage, Lilette et mon frère sont venus reprendre
l'exploitation agricole à la ferme du Garet.
J'étais passionné par le reportage, j'ai oublié mes origines, espacé
mes retours à Villefranche-sur-Saône, voyagé dans le monde entier. Je suis
devenu salarié d'une agence, j'ai photographié l'Afrique, les hommes
politiques, je rêvais de faire du cinéma documentaire. Puis j'ai fondé avec
d'autres photographes une agence plus responsable, plus coopérative...
J'ai appris à mieux me servir de mes appareils photo. J'étais
reporter... Pas toujours bon photographe... J'ai mis beaucoup de temps à
avoir de véritables amis à Paris, j'ai habité dans des hôtels meublés, des
chambres de bonne. L'été, je passais voir mes parents.
En septembre 1971, je suis parti au Chili avec un ami, Robert Pledge,
photographier le premier anniversaire de l'accession au pouvoir de Salvador
Allende, premier président socialiste d'Amérique du Sud. Il redistribuait
les terres aux paysans Mapuche dans le sud du pays... C'était la première
fois que je photographiais des paysans loin de la ferme du Garet... Je me
souviens d'avoir envoyé une carte postale à mes parents qui étaient
toujours exploitants agricoles.
Au fond, j'étais fier de faire ce reportage...
J'étais heureux de photographier des paysans.
Raymond Depardon, Paysans, 2009.
Document 2. Jean Ferrat, La Montagne, 1964. Ils quittent un à un le pays
Pour s'en aller gagner leur vie
Loin de la terre où ils sont nés
Depuis longtemps ils en rêvaient
De la ville et de ses secrets
Du formica et du ciné.
Les vieux ça n'était pas original
Quand ils s'essuyaient machinal
D'un revers de manche les lèvres
Mais ils savaient tous à propos
Tuer la caille ou le perdreau
Et manger la tomme de chèvre Pourtant que la montagne est belle
Comment peut-on s'imaginer
En voyant un vol d'hirondelles
Que l'automne vient d'arriver ? Avec leurs mains dessus leurs têtes
Ils avaient monté des murettes
Jusqu'au sommet de la colline.
Qu'importent les jours les années
Ils avaient tous l'âme bien née
Noueuse comme un pied de vigne.
Les vignes, elles courent dans la forêt
Le vin ne sera plus tiré.
C'était une horrible piquette
Mais il faisait des centenaires
A ne plus que savoir en faire
S'il ne vous tournait pas la tête Pourtant que la montagne est belle
Comment peut-on s'imaginer
En voyant un vol d'hirondelles
Que l'automne vient d'arriver ? Deux chèvres et puis quelques moutons
Une année bonne et l'autre non,
Et sans vacances et sans sorties
Les filles veulent aller au bal
Il n'y a rien de plus normal
Que de vouloir vivre sa vie
Leur vie ils seront flics ou fonctionnaires
De quoi attendre sans s'en faire
Que l'heure de la retraite sonne
Il faut savoir ce que l'on aime
Et rentrer dans son H.L.M.
Manger du poulet aux hormones Pourtant que la montagne est belle
Comment peut-on s'imaginer
En voyant un vol d'hirondelles
Que l'automne vient d'arriver ?
Jean Ferrat, La Montagne, 1964
Document 3. Pierre-Jakez Hélias, Le Cheval d'orgueil, 1975.
Pierre-Jakez Hélias témoigne de l'évolution de la condition paysanne
au cours du XXe siècle. Il raconte ce qu'il a connu, dans le premier quart
du XXe siècle, en Bretagne, puis fait le constat suivant, dans les années
1970.
Le pauvre ne dépensait pas d'argent parce qu'il n'en avait pas, le
riche n'en dépensait pas non plus parce que l'argent s'épargnait pour la
terre. Le pauvre n'avait pas l'impression d'être misérable, c'est-à-dire
qu'il ne l'était pas. Et le riche menait une vie de pauvre, sa richesse
dormant dans les actes notariés. Voilà maintenant qu'une minorité de riches
campagnards dispose de toutes les commodités de la vie moderne. Quand ils
vont se promener dans leur voiture automobile, il n'y a pas de place pour
le pauvre paysan sur les coussins. L'inégalité des conditions est devenue
éclatante. Ce n'est pas la faute des riches toujours, c'est le drame des
temps nouveaux. Les derniers ouvriers agricoles sont proprement déclassés,
les exploitants familiaux aussi. Ils le savent, s'en irritent, en prennent
de l'humiliation, se renferment dans leur ranc?ur et vaquent, le dimanche,
dans les bistrots à vin rouge puisque les anciennes visites de bonne
compagnie ne se font plus guère. Chacun chez soi, chacun à sa place et
crève qui veut. C'est vraiment un mauvais moment à passer, le temps pour la
vieille génération de disparaître.
Mais c'est le pauvre, tout compte fait, qui s'est le mieux tiré
d'affaire parce qu'il s'est résigné le premier. On commence à rencontrer,
au bord des routes et des chemins de campagne, ces maisons isolées dont le
toit s'écroule entre les pignons. Celles qui sont encore habitables
n'abritent plus que des vieux dont les enfants sont partis. Le fils du
« tieg[1] » est fonctionnaire du gouvernement ou coiffeur à New York. C'est
là sa promotion d'exil et l'honneur du père et de la mère est d'avoir promu
les enfants. J'en connais beaucoup (je dis bien beaucoup) qui se sont
saignés aux quatre veines pour tenir leurs enfants aux écoles car ils
étaient intelligents et ambitieux. Je parle des parents. Assez intelligents
pour comprendre que la marche du monde déclasserait leurs enfants beaucoup
plus qu'eux-mêmes. Ambitieux, non pas pour leur propre destin, mais pour
leur descendance, en quoi ils demeuraient paysans. Ils ont réalisé que
l'instruction était une promotion qui équivalait