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Car l'idéologie hostile aux biens publics d'une droite française trop sûre d'elle-
même .... mais Elf a corrompu les personnalités impliquées dans l'audit, nous
apprend le ... Restauré, Sassou II s'est trouvé rapidement confronté à une
contradiction : il lui .... Mais Taylor ajoutait à ses crimes internes leur exportation
planifiée?

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Billets d'Afrique et d'ailleurs...
Informations et avis de recherche sur les avatars des relations
franco-africaines. N° 115. Juin 2003.
G8 illégitime, Évian en déprime, en masse vers Annemasse...
La recolonisation de l'Irak, l'écrasement de la Tchétchénie, le procès Elf,
les chaînes de la dette, l'obstruction au soin des malades du sida...
montrent assez que les puissances conviées à Évian pour leur raout annuel,
le G8, se sentent peu concernées par les droits des peuples et des gens :
leurs dirigeants semblent de plus en plus soumis aux lobbies militaro-
industriels, manipulés par les multinationales et les services secrets,
vulnérables à la grande corruption qui, dans les paradis fiscaux,
s'imprègne de logiques mafieuses.
Ce club des riches et des shérifs n'a jamais eu la légitimité de gouverner
le monde. Il s'est pourtant auto-institué en comité de pilotage de l'avenir
de la planète. La nuisance de cette usurpation est désormais manifeste.
Qu'importe comme on l'appelle (mouvement altermondialiste, « société civile
mondiale »... ), une marée montante refuse cette « gouvernance » aveugle.
Elle s'est accordée sur un mot d'ordre, « G8 illégitime », qui touche au
c?ur la propagande du club.
À propos de l'Irak, Jacques Chirac a choisi une révérence judicieuse à la
légitimité. Il a surfé durant un semestre sur la popularité que ce choix
lui a value. Quel paradoxe pour le patron de la Françafrique néocoloniale ! Nous le suggérions le mois précédent, poursuivre dans la voie du droit
international serait pour la France une option "révolutionnaire", mais
néanmoins raisonnable. Et même avantageuse. Mais, en Afrique, Jacques
Chirac hésite entre deux conduites face aux lamineurs de leurs peuples :
lâchage de Charles Taylor, soutien à Eyadema. Au G8, les quelques pistes
novatrices (Conseil de sécurité économique et social, Agence mondiale de
l'environnement...) auraient fâché un peu plus George Bush : pour sauver
son Sommet, Chirac a préféré reprendre un profil bas, dans le sillage du
bulldozer hégémoniste.
Du coup, les citoyens de France et du monde qui convergent en masse vers
Annemasse n'auront pas de peine à disqualifier le club. Durant les trois
jours d'un Sommet pour un autre monde (29-31 mai), ils le feront par le
débat et les propositions. Puis ils exposeront leur nombre - en espérant
qu'il n'aura pas été écorné par le réveil du mouvement social hexagonal.
Car l'idéologie hostile aux biens publics d'une droite française trop sûre
d'elle-même a un rapport évident avec la dérégulation du monde orchestrée
par le G8. Ouvrons les yeux : où mènent la dissolution des solidarités, le
dédain des jeux collectifs à somme positive, la chasse aux biens de
civilisation ? À la généralisation de l'arbitraire, sous le signe des
hélicoptères de combat, des kalachnikovs, des mercenaires, des milices. À
la coagulation des haines ethniques et des fanatismes religieux. À une
criminalisation sans frontières. |SALVES | |
« Politiquement correct »
C'est ainsi qu'à juste titre Le Canard enchaîné qualifie le procès Elf
(14/05). Tous les observateurs ont été frappés par l'autorité et la
maîtrise du président Michel Desplan. Elles réussissent à faire parler les
accusés bien plus qu'on ne l'attendait - mais aussi à les arrêter chaque
fois qu'ils risqueraient de trop en dire : « On ne vous demande pas de
noms », a-t-il même précisé à Alfred Sirven, dispensateur des rétro-
commissions et valises de billets aux politiques français.
Le 13 mai, l'ex-PDG Le Floch-Prigent frôle le dérapage : « Sur les flux
sortants, [...] c'était pour les hommes politiques. Nous avons financé la
politique tout au long de mon mandat. [...] Il y avait une organisation
politique qui était particulièrement proche du groupe Elf », le RPR
chiraquien, à l'évidence.
« Je demande au tribunal s'il souhaite vraiment que j'égrène un certain
nombre de noms. Cela ferait certainement la "une" des journaux. Mon
jugement à moi, c'est qu'il ne faut pas que j'aille plus loin. » « Vous
connaissiez donc les bénéficiaires de cette caisse noire ? », reprend le
président Desplan. « Oui, bien sûr, pour un certain nombre de destinataires
et d'intermédiaires. Certains ont été au pouvoir, d'autres le sont
aujourd'hui. Finalement, peut-être qu'une manière d'avoir la vie sauve est
de ne pas aller plus avant. »
La peur rôde, mais Le Floch ose cependant lancer le nom d'un personnage
sulfureux, Patrick Maugein, qui faisait le lien « entre la Tour Elf et un
certain nombre de hauts personnages de l'État ». Un très proche de Jacques
Chirac, partageant son exceptionnelle impunité 1.
Le Floch a saisi que Sirven avait mission de l'accabler, de faire de lui
le bouc émissaire, le coupable central et idéal de l'affaire Elf : « Je
considère qu'aujourd'hui, en m'accusant de manière régulière, M. Sirven ne
fait que protéger ceux qu'il a financés pendant cette période. Mais j'ai
compris que le tribunal ne souhaitait pas que j'aille plus loin. » Le
président confirme : « Il est évident que, l'instruction étant clôturée, il
n'appartient pas au tribunal de reprendre les débats et d'aller au-delà. »
(Le Monde, 15/05)
Pour Le Canard, « le président Desplan ne juge pas une affaire d'État,
mais une affaire d'escrocs et de voleurs. Des gros, très gros voleurs [...]
Mais seulement des voleurs. Ouf ! ».
1. Cf. François-Xavier Verschave, Noir Chirac, Les arènes, 2002, p. 178-
183. Maugein est issu de la nébuleuse du grand manitou des matières
premières, Marc Rich.
Le Figaro (14 et 22/05) évoque « une partie de "ni oui, ni noms" », « une
forme raffinée de Valium judiciaire ». La « faim de décrypter les sous-
entendus [...] ne sera sans doute pas rassasiée d'ici à la clôture des
débats, [...] personne ne se décidant à servir les plat chauds. » Libertés protégées
Deux importants accusés du procès Elf avaient fui à l'étranger les foudres
des juges d'instruction : le colonel de la DGSE Pierre Lethier et le magnat
irako-britannique Nadhmi Auchi - qui mériterait aussi la nationalité
pasquaïenne (La maison Pasqua 1 est un paradis fiscal virtuel entre Corse,
Monaco, Suisse, Luxembourg, Afrique et Amérique du Sud).
Laissons-là Charles Pasqua : bien qu'omniprésent dans le dossier Elf, il a
bénéficié d'un « non-lieu » (l'ubiquité rend insaisissable). Considérons
plutôt la mansuétude dont ont bénéficié les deux "fuyards", Lethier et
Auchi, venus se présenter en toute confiance devant le président Desplan.
Tous deux vivaient tranquillement et très confortablement à Londres, dont
la City est la grande commutatrice des paradis fiscaux. C'est mieux que la
prison de la Santé, où a croupi Le Floch : « Ici Londres » vaut mieux
qu'ici l'ombre.
Lethier a reçu d'Elf 95 millions de francs. La procureure propose une
liberté sous caution de 500 000 euros (3,5 % du préjudice), le tribunal
décide 50 000. « Peu avant l'ouverture des débats, l'avocat de Lethier, Me
Thierry Lévy, a fait son entrée par la porte du tribunal. Contrairement à
ses confrères du barreau, qui ont dû, eux, emprunter celle du public. » (Le
Point, 25/04)
Nadhmi Auchi, lui, a reçu d'Elf près de 375 millions de francs. Il en a
gardé 160 et redistribué le reste. Le parquet déplore le « mépris »
manifesté par le prévenu à l'égard de la justice française. Mais le
tribunal le remet en liberté avec une caution dérisoire, 100 000 euros -
quelques millièmes de l'argent détourné. La république souterraine est au-
dessus des lois. Et Nadhmi Auchi est particulièrement courtisé en ces temps
de reconstruction de l'Irak.
1. Titre d'un ouvrage de Nicolas Beau, Plon, 2002. Procès Elf : le sang de l'Afrique derrière les « caisses noires » offshore
Elf en Afrique, c'est une histoire de sang et de misère [1]. Elf a été
créée en 1967 pour, entre autres, servir de faux-nez au financement et à
l'action des services secrets français en Afrique. Elle abritait plusieurs
centaines de barbouzes, entretenait des sociétés de mercenaires,
participait au montage de coups d'État : on a même retrouvé dans les
coffres de la Tour Elf les traces écrites de l'organisation de l'un d'entre
eux, au Congo-Brazzaville.
Depuis Genève et d'autres paradis fiscaux (de plus en plus nombreux), Elf
a organisé le drainage des énormes marges occultes sur l'exploitation de
l'or noir africain : production non déclarée au large des côtes, sous-
évaluation des redevances, surfacturation des investissements et
prestations, arnaques sur le préfinancement des productions futures, etc.
Cet argent permettait de financer le contrôle soft ou hard des pays
producteurs. Contrôle soft par la corruption des décideurs locaux, la
coorganisation des scrutins truqués, l'achat de la solidarité de la classe
politique française (« le vaisseau France » de Le Floch). Contrôle hard
avec le financement des polices politiques, des gardes dictatoriales, des
milices ou des mercenaires ; l'implication dans les coups d'État ou les
guerres civiles.
Tous ces actes sont bien sûr illégaux, inavouables, délinquants ou
criminels. Ils se fondent sur le schéma de base de la Françafrique : la
confiscation des indépendances africaines. En 1960, l'histoire acculait De
Gaulle à accorder l'indépendance aux colonies d'Afrique noire. La France,
« meilleure amie de l'Afrique et du développement », se flattait de
« protéger » cette nouvelle légalité internationale proclamée. En même
temps, De Gaulle chargeait son éminence grise, Jacques Foccart, d'organiser
le maintien de la dépendance [2