judith polonsky - notreclan
Nous étions 5 enfants : ma soeur Slava, moi Judith, Riwkah, mon frère .... non
payée, chez le Pr TIFFENEAU à la Faculté de Médecine, rue de l'Ecole de .... J'ai
partagé plusieurs fois ma chambre d'hôtel avec Jenka, dont un studio rue Pierre
Curie. ..... Elle était doctoresse et, ici, aurait été obligée de repasser ses examens
.
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JUDITH POLONSKY Chez mes parents, dans la cuisine, ma mère baignait ma soeur aînée
Slava, elle interpella mon père : « regarde comme elle est belle ! ».
Cette réflexion marque toute mon enfance, comme d'ailleurs le
sentiment de notre extrême pauvreté.
Ma soeur aînée était belle et bête de l'avis de tout notre entourage,
et moi intelligente mais laide !
Alors j'ai tenu à faire des études pour m'en sortir et compenser ainsi
tout ce qui me faisait souffrir : le fait d'être pauvre et le
sentiment d'être laide.
Je suis née en août 1913 à LIEPAJA ville de 60000 habitants en
LETTONIE. Nous étions 5 enfants : ma soeur Slava, moi Judith, Riwkah,
mon frère Joseph, ensuite ma plus jeune soeur Pessi.
Ma mère s'appelait Malka ; elle était une grande et jolie femme, noble
de coeur.
Mon père David était moins chaleureux, j'avais peu de contacts avec
lui. Rapidement, j'ai été envoyée chez ma grand-mère maternelle
« MINA » qui habitait avec son mari Hirsche KAHN et sa deuxième fille,
ma tante Guitta, à Salanti, petit village de Lithuanie appelé
« Schtetl » où je ne voyais que des juifs.
Les « Schtetl » étaient des petites bourgades, habitées par des juifs,
disséminés par centaines en Pologne et dans les pays baltes. Ils ont
tous disparu pendant la guerre. Salanti était un de ces « Schtetl ».
Je me souviens d'une rue principale qui traversait toute la bourgade.
Les jours de marché, les paysans non juifs venaient des alentours pour
vendre les produits ou acheter sur place. C'était une foule très
vivante. Ces fois là, mon grand-père était très occupé à vendre ou à
acheter du chanvre.
En permanence, un fil de fer était tendu d'un bout à l'autre de la rue
et délimitait une zone aussi sacrée que l'intérieur d'une maison
juive. Ce périmètre incluait la synagogue et presque toutes les
maisons juives. Cela signifiait que les jours de Sabbat on n'avait pas
le droit de travailler, comme à l'intérieur d'une maison.
Ma tante achetait beaucoup de choses pour coudre pour m'habiller. Elle
était très bonne pour moi. Ma soeur Riwkah m'a rejointe. Donc ma grand-
mère nous a élevées toutes les deux.
Mon grand-père était un homme très respecté. Il était honnête, bon,
juif pratiquant. Il était marchand de chanvre, il allait chercher le
chanvre loin dans le pays, avec une voiture à cheval pour le revendre
le mercredi jour de marché.
Nous marquions les fêtes religieuses, j'allais à l'école juive où je
recevais aussi un enseignement religieux.
- 1 -
Chez ma grand-mère, tante Guitta était déjà âgée (environ 30 ans) et
on cherchait un mari pour elle à l'aide d'une marieuse. Le fiancé une
fois trouvé est venu à la maison. Il présentait bien. Elle mettait de
l'ail dans ses poches pour ne pas le perdre ! ou qu'il ne fasse pas
enlever par une autre femme , ou encore que le mauvais oeil ne le
touche pas !
Plus tard, des parents les ont fait venir tous les deux en Afrique du
Sud.
Une fois mariée, tante Guitta a continué à s'occuper de moi. En
Afrique du Sud, elle a eu un fils : « le petit Yossele » (Joseph) qui
a étudié la médecine. Elle en était très fière.
Elle se mit à apprendre l'anglais et un jour elle m'écrivait à Paris :
« Yossele est devenu un « Mantel-Arbeiter ». (J'ai cru qu'elle voulait
dire : tailleur. Or c'était « Mental-Arbeiter » !!!).
Quand j'avais huit ans, ma soeur Riwkah et moi avons été ramenées
chez mes parents en LETTONIE à Liepaja. Ma mère m'était tout à fait
étrangère.
On nous a inscrites à l'école. J'étais très bonne en maths, physique,
géométrie, et cela a toujours continué ainsi. Nous fréquentions une
école juive où l'on nous enseignait l'allemand, mais c'était aussi la
langue dans laquelle était donné l'enseignement des autres matières,
nous avions deux heures d'éducation religieuse par jour où nous
étudions la bible en hébreu.
Ma soeur était dans la même classe que moi, car elle avait redoublé.
L'école coûtait très chère, et mes parents n'avaient pas les moyens de
payer les frais de scolarité pour deux, aussi ma soeur aînée, mauvaise
élève était souvent renvoyée, et moi étant très bonne élève j'y suis
restée.
Quand nous avons pu payer, ma soeur est revenue à l'école. Je n'avais
pas une scolarité heureuse car je devais toujours être excellente, LA
PREMIERE. Je devais être un exemple pour mes camarades à qui je devais
donner des cours !
Chaque composition était un cauchemar. Le professeur de maths venait
avec trois sujets, un pour Judith et un garçon « Dodo », un pour les
dix premiers élèves et enfin un pour les autres.
- 2 -
A Liepaja, nous habitions un appartement de 3 pièces plus 1 cuisine.
Nous dormions à plusieurs enfants dans la même chambre. L'appartement
se trouvait dans une maison en bois à 1 étage avec une cour.
L'appartement était très dur à entretenir ; nous n'avions pas de bonne
et je devais frotter le parquet en bois blanc. La pauvreté resta le
souvenir de mon enfance.
Ma mère s'occupait de la maison et aidait mon père à la petite
boutique de mercerie qu'il tenait. Il vendait du fil en gros
« D.M.C.». Il allait s'approvisionner par le train à Riga. Mon père
lui, était l'intellectuel de la maison ! Il allait le soir dans un
club nommé « KADIMA » pour lire différents journaux spécialement en
hébreu. C'était un grand bel homme, plutôt gentil avec moi, plus tard
il fut très fier de moi : « LA SEULE DANS LA VILLE QUI ETUDIA A
L'ETRANGER ».
Ses parents nous invitaient de temps en temps chez eux l'après-midi du
Sabbat pour goûter, ma grand-mère était boulangère à Liepaja et mon
grand-père ne travaillait pas, mais étudiait le Talmud.
Mon père avait trois soeurs qui nous invitaient aussi le samedi après-
midi.
A 16 ans, j'ai passé brillamment mon « bachot » ; dans cette école on
me trouvait très perfectionniste et tenace. Ce bac avait une
équivalence en France. J'avais une envie folle d'étudier : donc de
quitter la Lettonie et d'aller à l'étranger.
Après le bac je suis restée une année à la maison où je donnais des
leçons pour gagner de quoi payer en partie mon voyage. Il se trouvait
qu'une de mes condisciples (Rebecca) à qui je donnais des cours, avait
un frère qui étudiait la médecine à Paris. Elle voulait y aller pour
voir Paris et s'est inscrite à la faculté de droit.
J'ai décidé de partir avec elle. J'ai écrit au cousin de ma mère Louis
SHER, établi en Afrique du Sud qui était riche, pour lui demander de
m'aider à payer mes études, il accepta.
En arrivant à Paris à l'automne 1930, j'avais 17 ans. J'ai débarqué
Gare du Nord avec mon amie, après un voyage terrible de 24 heures,
assises sur des banquettes en bois, avec un changement à Berlin.
Le matin, la Gare du Nord me semblait lugubre.
- 3 -
Le frère de mon amie nous attendait et nous a emmenées, transies de
froid, à l'Hôtel des Mines, 191 boulevard Saint Michel, où il nous
avait loué une chambre pour toutes les deux au dernier étage sans
ascenseur.
J'écrivais souvent à mes parents et décrivais tout ce que je
découvrais. Entre autre j'étais enchantée par la minuterie qui restait
allumée tout le temps de la montée de l'escalier.
Je me suis mise rapidement à apprendre le français par moi-même, en me
promenant et en lisant les enseignes. J'ai pris peu de cours
particuliers par manque d'argent, « comestible » et «combustible » me
travaillaient beaucoup... je confondais les deux ! je suis vite
rentrée pour regarder dans le dictionnaire.
Par manque de revenus stables, je pensais faire des études courtes.
Déjà à Liepaja je pensais à la bactériologie. Je me suis aperçue qu'il
n'y avait pas de cours de bactériologie à la Sorbonne. J'ai entendu
parlé d'une école privée « SCIENTIA ».
Je m'y suis inscrite malgré le prix élevé des cours et j'ai économisé
sur la nourriture et sur l'habillement, pas une seule fois de la
viande la première année !
A la fin de la 1ère année 1930/1931, j'ai reçu le diplôme d'aide-
chimiste, et la 2ème année 1931/1932, le diplôme d'aide
bactériologiste.
Je retournais à Liepaja en vacances chaque année.
Par manque de nourriture équilibrée, ma mère s'est effrayée car
j'avais « gonflée ». J'avais fait des progrès énormes en français. Au
cours de la seconde année d'école, je me suis aperçue qu'il valait
mieux m'inscrire à la Sorbonne.
Je m'y suis donc inscrite en 1931 pour passer le plus petit
certificat : « chimie appliquée », j'ai réussi ce certificat avec bien
des difficultés. Cela m'a demandé énormément de travail.
A l'école Scienta, j'ai été reçue avec