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« Des compétences à l'activité de travail des cuisiniers dans la
restauration collective et la restauration commerciale. Une économie de
l'homme et de son produit »
Communication au congrès de l'AFS. RTF travail et activité.
24-27 février 2004
Christèle Dondeyne, LEST-CNRS
Introduction. Une économie de l'homme et de son produit dans la
restauration collective et la restauration de chaîne.
Cette communication esquisse dans leurs grandes lignes les principaux
éléments qui concourent à définir l'activité de travail des cuisiniers dans
une société de restauration collective et une chaîne de cafétéria. Au terme
d'une formation généralement poursuivie jusqu'à l'obtention d'un CAP ou
d'un BEP, les cuisiniers sont amenés à exercer leur activité
professionnelle soit dans la restauration commerciale dite traditionnelle
dominée par l'artisanat, soit dans la restauration commerciale de chaîne
qui se décline en restauration rapide, restauration à thème et cafétérias,
soit encore dans la restauration collective sous-traitée, ou bien sous
l'égide des collectivités publiques. Ces différents segments de marché,
entachés d'un prestige variable, sont associés à des configurations du
marché du travail spécifiques. Associées a priori à des modes de production
industriels décriés par le groupe professionnel, les cafétérias issues
d'une restauration populaire de masse qui a émergée dans les années 70, et
plus encore les sociétés de restauration collective, sur lesquelles pèse le
stigmate d'une restauration sociale parcimonieuse, sont peu estimées par
les cuisiniers mais leur offrent des perspectives de « refuge » par des
conditions d'emploi relativement plus favorables lorsqu'ils aspirent à une
stabilité personnelle ou familiale.
Un examen approfondi du travail des cuisiniers dans ces deux segments
montre toutefois que la réalité des emplois et de l'activité de travail est
contrastée. Les cuisiniers de la restauration collective sont engagés pour
partie dans l'activité de gestion, participant aux commandes à des degrés
divers, et ont la possibilité, aux termes parcours et de formations
internes, d'accéder à des fonctions de gérants. Les cuisiniers des
cafétérias sont par contre cantonnés à une activité de fabrication
extrêmement codifiée sans perspectives de promotion. Les conditions de
rémunérations et les amplitudes horaires sont plus favorables aux
cuisiniers de la restauration collective. Si les conventions collectives et
les grilles de classifications qu'elles comportent donnent un premier
aperçu des configurations du marché du travail, la définition des
compétences des cuisiniers ne se résume pas à son aspect institutionnalisé
et comprendre l'activité de travail permet d'aller au-delà.
Acquise par la formation, certifiée par le système éducatif et
parachevée dans les grilles de classification des conventions collectives,
la compétence peut être lue comme le produit de négociations
institutionnelles entre syndicats salariés, patronat et pouvoirs publics et
la cristallisation formalisée d'un rapport de forces sur le marché du
travail, lui-même sous-tendu par les besoins en main d'oeuvre traduits du
marché des produits. Etalon d'évaluation des individus offreurs de travail,
la compétence exprime au delà des hommes pris un à un les termes
spécifiques du rapport salarial dans un secteur donné. L'éclairage
salutaire que procure cette perspective distanciée souffre-t-il
nécessairement des considérations qui peuvent naître d'un examen des
situations de travail, et qui, partant d'un inventaire des gestes, du
langage, de l'inventivité, de la solidarité, des coopérations qui se
déploient au cours de l'activité de travail mettent en lumière le propre du
travail humain, qui se soustrait aux prescriptions pour leur donner du
sens ? Certes il ne faut pas risquer de naturaliser les compétences en
détachant les situations de travail des rapports sociaux et de l'activité
productive et en différenciant division du travail et exercice de
l'activité de travail. Cette optique conduit in fine à entériner et
encourager les démarches gestionnaires et volontaristes qui cherchent à
capter les ressources humaines et occultent le rapport salarial en
enfermant les compétences dans le cadre circonscrit de la situation du
travail. Faut-il alors dénoncer comme telles des manipulations qui
dissimulent un exercice de domination ? L'alternative entre situations et
structures, bien que dépassée par de nouvelles approches, continue de
polariser les débats autour de la notion de compétence et clive la
communauté des sociologues du travail.
Mais comment comprendre le paradoxe que l'on peut lire en rassemblant
partie des écrits en sociologie du travail : d'un côté l'individu au
travail serait tenu de s'impliquer davantage dans l'organisation qui
emploie ses compétences, de l'autre les conditions d'emploi se
caractériseraient par une instabilité plus grande, trop souvent synonyme
d'une précarité exacerbée ; comme si la capacité d'action et l'autonomie
reconnue subjectivement à l'individu ne trouvaient pas leurs
correspondances dans les évolutions objectives de l'organisation du travail
et du système d'emploi. Faut-il y voir les effets d'une manipulation
mâtinée de menace des salariés par les dirigeants, et s'en tenir à une
posture sociologique qui rejoint la dénonciation des méfaits du
capitalisme, ou bien rechercher dans quelles mesures la notion de
compétence s'établit sur des correspondances entre la mobilisation du sujet
et les reconnaissances objectives de la participation du salarié à
l'activité productive et marchande ?
Dépasser ce paradoxe nécessite de tenir a minima deux niveaux de
lecture : la notion de compétence peut être éclairée en cherchant d'une
part à comprendre le travail en situation locale, d'autre part à restituer
la contribution productive dans une perspective économique plus globale. Il
s'agit de mettre en relation une économie de l'homme au travail, qui étudie
avec quelles ressources personnelles s'engage un usage de soi dans la
participation à l'activité productive, en l'occurrence marchande, avec une
économie des produits échangés, fabriqués et distribués pour être livrés
sur le marché[1]. Cette perspective aboutit finalement à démontrer comment
les compétences évoluent avec les formes de la production et leur
valorisation marchande à un niveau global, tout en étant négociées
localement dans l'organisation où elles sont employées. Pour tenir les deux
bouts d'une telle analyse, l'objet produit peut être le fil conducteur.
Notre démarche s'inspire en cela d'une sociologie économique centrée sur le
produit, telle qu'en a renouvelé les fondements F.Vatin en étudiant le
marché du lait. Plaidoyer pour une sociologie technico-économique, la
démarche est animée par la volonté d'inscrire les rapports sociaux dans la
matérialité du monde[2]. B. Latour, pour qui les objets sont des actants de
plein droit, ils sont des connections matérielles qui permettent à un lieu
de se relier à d'autres, pousse également à réintroduire l'objet dans
l'analyse du travail, car il est le chaînon manquant entre situations et
structures[3].
Le travail du cuisinier s'insère dans une configuration productive,
matérialisée par les objets que sont le mobilier de cuisine, celui de la
salle de service, les ustensiles dont il dispose, les contraintes
contractuelles et les consignes gestionnaires qui prescrivent le nombre et
la qualité des plats à préparer. Cet ensemble d'objets ne lui dicte pour
autant pas sa conduite toute entière. Son « savoir-faire », les
connaissances et les techniques qui lui ont été enseignées, son expérience
et la forme des coordinations avec les autres membres de l'équipe
participent à la production. Nous avons cherché à établir les différences
et les ressemblances entre cuisiniers de la restauration collective et ceux
de la restauration commerciale, et la façon dont se différencient les
compétences, au travers d'une comparaison qui porte sur les prestations des
entreprises, les modes de gestions du personnel, les outils de gestion de
la production, l'organisation du travail et les situations de travail. Elle
met en évidence que les options de gestion du personnel adoptées par les
deux entreprises différencient les compétences reconnues aux cuisiniers et
leur activité de travail, tributaires également de la configuration locale
du restaurant et du type de prestation préparée.
La contribution livrée ici résulte d'un exercice de comparaison
réalisé a posteriori : le terrain de la restauration collective a issu du
travail de thèse mené de 1997 à 2000[4], le terrain de la restauration en
cafétéria a été trouvé en 2003 pour répondre à un appel d'offres lancé par
la DARES sur les conditions de travail[5]. Les périodes et la durée des
enquêtes diffèrent, mais elles ont été guidées par le même souci de
comprendre l'activité productive et la grille de lecture adoptée est
similaire. Restocol est une très grande société de restauration collective
et Régalez-vous est l'une des principales chaînes française de cafétéria.
Nous rendons compte ici d'observations ethnographiques pratiquées dans les
deux entreprises, précisément dans trois restaurants de collectivités et
deux cafétér