La compétitivité globale des nations selon le Forum Économique ...

... les évolutions marginales du classement à un mouvement brownien. ...... De
cette définition découle l'examen d'un grand nombre de critères corrélés avec le
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La compétitivité globale des nations selon le Forum Économique Mondial 2007-2008 : stabilité d'un classement d'avant crise
Edouard Mathieu[1] Bertrand Moingeon[2]
Comme chaque automne, le Forum économique mondial (WEF, pour World Economic
Forum), institution indépendante basée à Genève, publie son classement de
la compétitivité mondiale des nations. Cette année, la crise financière
s'est chargée de rappeler les limites de l'exercice : les Etats-Unis sont
toujours en tête du classement global, avec des marchés financiers classés
3ème pour leur efficacité et 25ème pour leur solidité. Les données
proviennent pour l'essentiel d'une enquête de perception réalisée au
printemps dans chaque pays par un institut partenaire, dont HEC pour la
France, et les résultats résultent d'une moyenne entre les opinions du
printemps 2007 et du printemps 2008. La qualité de l'enquête n'est pas en
cause : clairement, la crise a pris à revers les esprits les mieux
informés. Mais, avec ses limites, le rapport du Forum économique mondial réussit à
synthétiser un très grand nombre de domaines dont on a parfois trop
tendance à oublier la complexité. Le classement se fonde sur les théories
des professeurs Michael Porter (Harvard) et Xavier Sala-i-Martin
(Columbia). Pour eux, en effet, la prospérité d'une nation dépend de
beaucoup de choses : des institutions, des infrastructures, de la politique
macroéconomique, du système de santé et d'éducation, de la fluidité et de
l'efficacité des marchés, de la culture d'entreprise et de nombreux autres
« piliers de la compétitivité ». D'autre part, ces différents facteurs ont
plus ou moins d'importance selon le niveau de développement. Dans l'édition 2008-2009 du rapport, qui porte en fait sur la période 2006-
2007, l'économie française est classée globalement 16ème, en progrès de
deux places à méthodologie comparable. Mais les écarts des scores entre
pays développés sont très minimes, ce qui fait ressembler les évolutions du
classement à un mouvement brownien. C'est plutôt la stabilité des résultats
qui frappe, tant pour la France que pour la plupart des autres pays. Les
progrès de la Chine (qui parvient dans le top 30) et du Brésil (qui gagne 9
places) sont les seules réelles nouveautés du classement. L'Union
européenne, globalement se situe au niveau d'un pays comme la Nouvelle
Zélande, lequel est au 24ème rang. La France se situe exactement dans la
moyenne des 15 plus anciens membres de l'Union. Les spécificités structurelles de la France relativement aux autres
économies développées, sont à nouveau confirmées : la rigidité du marché du
travail, l'importance des prélèvements obligatoires ; mais aussi la
qualité des infrastructures, de la gestion de ses entreprises et de son
système d'enseignement et de recherche. En particulier, la France reste le
leader mondial des écoles de commerce (business schools), devant la Suisse
et les Etats-Unis. Compétitivité globale de la France et de l'Union européenne Le groupe de tête du classement global est pratiquement le même que l'année
précédente : Etats-Unis en première position, suivis de la Suisse, du
Danemark et de la Suède (voir graphique). A la 5ème place on trouve
Singapour, qui continue sa progression et devance désormais la Finlande et
l'Allemagne. Bien entendu, cette stabilité s'explique en grande partie par
la technique du lissage des résultats d'enquête sur deux ans, destinées à
ne pas accorder trop d'importance aux mouvements d'humeur conjoncturels de
l'opinion. La conjoncture se reflète en effet dans le niveau général des réponses.
Ainsi, au printemps 2008, la France était un des pays les plus pessimistes
en ce qui concerne les risques de récession. Ce pessimisme la classait au
123ème rang (sur 134 pays), avec un score de 3,7 sur une échelle allant de
1 (pessimisme) à 7 (optimisme). Ce pessimisme économique, accentué en
France par rapport à l'année précédente, se reflète en partie dans les
réponses aux autres questions.
Mais la stabilité du classement reflète peut-être aussi une certaine
réalité : la stabilité, jusqu'à la crise financière, des rapports de
puissance économique entre les principaux acteurs, à l'exception de la
montée inexorable des pays émergents. La France progresse dans ce nouveau classement de la 18ème place à la 16ème
place, repassant devant Taïwan et Israël et retrouvant presque sa place
d'il y a deux ans (15ème). Mais sur l'échelle de 1 à 7 qui est celle de
l'enquête d'opinion, la France progresse d'un score global de 5,18 à 5,22,
soit de 4 centièmes de point seulement. Israël a régressé de 5,2 à 5,0
(perte de 0,2 point), ce qui lui vaut de perdre 6 places. Taïwan passe d'un
score de 5,25 à un score de 5,22 (3centièmes de point). L'écart entre la
France et Taïwan n'est que de 5 dix-millièmes de point ! Ces écarts sont bien trop petits pour soutenir la moindre interprétation.
Compte tenu des incertitudes liées à l'enquête et au modèle lui-même, il
faut probablement se garder de sur-interpréter des différences de
classement de moins de 10 rangs[3]. L'Union européenne obtient un score global de 4,93, ce qui la situe au
niveau de la Nouvelle Zélande, au 24ème rang. En fait, le Forum Economic
Mondial ne classe pas les grandes régions du monde, ni les unions
économiques. Rien n'empêche cependant de calculer cette moyenne, non
pondérée, des résultats publiés pour les 27 pays membres de l'Union
européenne. Bien entendu, l'Union européenne est très hétérogène, et les différences
des niveaux de vie et des situations économiques se sont accentuées avec
les élargissements successifs. Ils tendent cependant à se réduire avec
l'assimilation des « acquis communautaires » et le rattrapage rapide des
pays d'Europe Centrale. La performance des 15 plus anciens membres semble ainsi plus honorable ;
elle les situe en moyenne vers la 16ème place, c'est-à-dire au niveau de la
France (scores de 5,22 et 5,23 réciproquement). Mais les écarts sont très
importants même entre anciens membres : l'Italie est toujours mal classée
par le Forum économique mondial, au 49ème rang, tout juste devant l'Inde ;
la Grèce apparaît quant à elle au 67ème rang, devant la Roumanie,
l'Azerbaïdjan et le Vietnam. Au-delà du classement global - quelles sont précisément les forces et les
faiblesses des économies nationales, et comment les interpréter ? Le Forum
économique mondial regroupe les différents aspects des économies en douze
« piliers de la compétitivité » (voir graphique - certains des 12 piliers
sont décomposés en domaines plus fins : c'est le cas des institutions, des
marchés financiers et des marchés intérieurs / extérieurs). Les quatre premiers « piliers » sont, selon le forum économique mondial,
les conditions de base du décollage économique : institutions,
infrastructures, stabilité macroéconomique, santé et éducation primaire.
Ces « piliers » servent surtout à évaluer la situation des pays en voie de
développement ou émergents et chacun ne compte que pour 5% dans le
classement des pays développés. Soit, ensemble, pour 20%. Quatre autres «
piliers » sont considérés par le Forum comme des accélérateurs de
croissance : efficience du marché des biens, du marché du travail et des
marchés financiers, dimension des marchés intérieurs et à l'exportation.
Chacun de ces quatre « piliers » compte pour 8% dans le classement des pays
développés, soit, ensemble, pour 32%. Enfin, les quatre derniers « piliers
» sont les plus discriminants dans une économie de la connaissance : la
performance du système d'éducation supérieure, l'agilité technologique, la
sophistication des entreprises et l'innovation. Les deux premiers comptent
pour 8% chacun et les deux suivants pour 15% chacun dans le classement
final. Au total, ces quatre « piliers » comptent à eux seuls pour 46% dans
le classement final des pays développés.
Les quatre « piliers » de base de l'économie Les performances de la France sont relativement satisfaisantes en matière
d'institutions publiques, un peu au-dessus de la moyenne des pays
européens. Les hommes d'affaires français craignent un plus qu'ailleurs les
conséquences pour leur entreprise d'actes criminels (la France est au 52ème
rang, le premier rang caractérisant pour toutes les variables la situation
la plus favorable) ou d'actes terroriste (69ème place). Mais ils font en
général confiance dans les lois et leur application. La France est par
exemple au 16ème rang pour la confiance dans « le cadre légal dans lequel
les entreprises peuvent régler leurs différends et contester la légalité
des actions et/ou de la réglementation du gouvernement ». Le point jugé le
plus négatif : la charge imposée aux entreprises par les exigences
administratives du gouvernement (permis, règlements, reporting financier,
etc.). L'opinion des cadres et dirigeants d'entreprise place la France à la
126ème place (toujours parmi 134 pays). Les institutions privées des pays sont évaluées au travers de questions
comme « l'éthique des dirigeants d'entreprise (attitude dans leurs rapports
avec les représentants de l'État, les politiciens et les autres
entreprises) est parmi les pires / les meilleures du monde ». De ce point
de vue, la France est plutôt bien classée, au 24ème rang, mais avec un
score guère supérieur à la moyenne européenne. Les infrastructures constituent le point fort le moins contesté de la
France. La France est au total classée 2ème