La prévention familiale des risques encourus par les enfants ... - Cerc

Un salarié en conflit avec un médecin du travail peut solliciter un examen par un
... Modernisation de l'action publique : une opération à hauts risques ». ...
Rejetant cette attitude uniquement protestataire, l'UNSA priorise une ... l'
entreprise, mais également l'équilibre global entre les impôts des ménages et
des entreprises.

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21 mars 2003 CATHERINE DELCROIX La prévention familiale des risques encourus
par les enfants des cités Des stratégies pour combattre le racisme et son interactivité Laboratoire Printemps, Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines
A travers les résultats de quatre enquêtes menées à Nantes, à Toulouse,
dans la région parisienne et enfin dans le cadre d'une recherche européenne
comparative auprès de familles vivant en situation de précarité, j'ai
découvert comment contrairement aux préjugés qui accusent ces parents
d'être démissionnaires, éduquer en cité, c'est avant tout prévenir les
risques (d'échec scolaire, de délinquance, de toxicomanie, de chômage, de
traitement discriminatoire ...). Pour comprendre en profondeur ce que vivent les ménages en situation de
précarité, il m'a semblé essentiel par ailleurs [1] de développer une
approche "ethnosociologique" qui combine ethnologie et sociologie. Pour y
parvenir, j'ai suivi et analysé pendant six ans la vie d'une famille
d'origine marocaine vivant en cité, les Nour (deux parents et huit enfants
de 9 à 25 ans, deux filles et six garçons). L'approche ethnographique est fondée sur le fait de vivre avec les
personnes concernées, de les observer dans leurs activités quotidiennes
chez elles et de les associer aux réflexions qui les concernent. L'approche
sociologique a consisté à rechercher des processus collectifs que des
milliers d'autres familles vivent en même temps que celle que j'ai
choisie : les Nour. Je l'ai construite à partir d'entretiens avec tous les
membres de la famille. Les versions et perceptions de leur histoire commune
sont à la fois différentes et complémentaires. Ces récits croisés, y
compris avec des professionnels qui interagissent avec eux, permettent de
comprendre comment chacun des enfants Nour, filles et garçons, construit sa
conscience des rapports de classe, d'ethnie, de sexe et sur quelles images
d'eux-mêmes ils fondent leur mode d'agir. Je souhaite traiter ici d'un des risques auquel sont confrontés les enfants
de parents ayant émigrés en France depuis l'un des pays du Maghreb : le
racisme et son interactivité. Comme le souligne Jacqueline Costa-Lascoux,
"toutes les enquêtes sur le racisme, comme celles conduites annuellement
pour la commission nationale consultative des droits de l'homme, montrent
bien que dans l'échelle des attitudes discriminatoires les Arabes, ou les
Maghrébins, sont les cibles privilégiées des discours, des actes et des
attitudes racistes"[2]. Les jeunes issus de familles étrangères sont dans leur écrasante majorité
français, ils forment entre 15% et 20% de l'ensemble de la jeunesse
française toutes classes sociales confondues, et près de 35% des jeunes
issus de ménages appartenant au monde ouvrier. Mais ils souffrent du regard
des Français "de souche" sur leur origine. Avant d'aborder directement ce risque qui implique pour être prévenu une
importante mobilisation familiale, il me faut ici définir ce que j'entends
par précarité et par "prévention familiale des risques liés aux situations
de précarité."
1. Situations précaires et équilibres instables J'emploie le terme de précarité pour me référer à la situation de millions
de familles qui, en raison de la faiblesse de leurs revenus, risquent en
permanence d'être exclues des modes de consommation habituels, de la
participation aux activités collectives et des décisions qui les
concernent. A l'extrême, la perte de leur logement les fait basculer dans
l'exclusion. C'est pourquoi ils luttent quotidiennement pour éviter cette
chute. Etre dans la précarité signifie souvent se retrouver au voisinage de la
ligne de pauvreté[3]. Les causes les plus fréquentes de pauvreté sont le
chômage et le sous-emploi. Les personnes en situation de pauvreté sont dans
l'impossibilité de "participer pleinement à la vie sociale et
économique"[4]. Par exemple, les parents ne peuvent pas envoyer leurs
enfants en voyage scolaire. En France, aux revenus du travail s'ajoutent
les droits fournis par l'Etat-providence, ainsi que des services gratuits
en matière sanitaire, éducative et sociale. Encore faut-il pouvoir accéder
à ces mécanismes bureaucratiques. Il y a là tout un travail de
compréhension qui ne relève pas de la dimension monétaire mais qui concerne
la possibilité de rester maître de sa destinée. Il s'agit là aussi d'un
élément clé qui distingue la précarité de l'exclusion. La précarité n'est pas un état. Comme le souligne R. Castel, c'est plutôt
un processus, autrement dit un enchaînement de situations et d'actions
émaillées de ruptures professionnelles et familiales, qu'il désigne sous le
terme de désaffiliation[5]. Quelle que soit la manière dont on caractérise
la frontière entre pauvreté et exclusion, pour peu que l'on prenne la peine
de suivre dans le temps un groupe de personnes se trouvant dans l'une ou
l'autre de ces situations, on constate que, d'une année sur l'autre, une
proportion variable de ces personnes change de catégorie : elles peuvent
s'en sortir, ou tomber dans le dénuement[6]. Ce phénomène de mobilité permanente ne suffit pas toujours, semble-t-il, à
nous faire éviter la confusion entre les situations et les personnes, tant
sont prégnantes les représentations idéologiques qui les confondent. Les "exclus", les "assistés" et les "précaires" sont donc trois catégories
qui ne désignent aucunement des personnes, mais des situations. Et
pourtant, ceux que l'on appelle les "précaires" qui vivent déjà dans
l'incertitude du lendemain, souffrent du regard des autres, de sorte que
les préjugés et le mépris dont ils sont si souvent l'objet, aggravent leur
situation. Quelles sont ces idées reçues qui leur sont tellement préjudiciables ? La plus courante voudrait que les "précaires" soient responsables de leurs
propres difficultés. On se les représente alors comme des êtres paresseux,
profiteurs, voire agressifs. On va jusqu'à les craindre. Plus on les aide,
disent certaines personnes qui pensent que l'aide est donnée à fonds
perdus, plus ils s'installent dans une situation d'assistés et deviennent
passifs[7]. D'autres les accusent d'être des parents démissionnaires,
incapables de gérer le budget familial, de discipliner leurs enfants et de
les aider à s'insérer. On les tient pour responsables des actes de
délinquance de leur progéniture. Ces préjugés concernent l'ensemble des personnes en situation de précarité,
mais ils sont exacerbés par la couleur de la peau qui provoque un rejet et
une plus grande méfiance dus au racisme, à tel point qu'un individu qui
cherche à être embauché peut être discriminé pour cette raison sans
explication officielle. 2. Prévention familiale des risques L'intériorisation par les jeunes issus de milieux précarisés et de familles
d'origine étrangère de l'image négative qui leur est renvoyée par la
société est sans aucun doute l'une des difficultés les plus graves
auxquelles les parents mais aussi les professionnels de l'éducation et du
social sont confrontés. Comment discerner la part de vérité quand un enfant
explique ses mauvaises notes en assurant : "le professeur. est raciste".
Cette intériorisation commence bien souvent dès la maternelle. C'est ainsi
qu'une petite fille de quatre ans est venue dire à l'une des enquêtrices de
la recherche que j'ai menée à Toulouse en 1998 " tu es Arabe, toi ? Parce
que moi je le suis mais je ne veux pas le dire parce que ce n'est pas bien
d'être Arabe". Le racisme est une réalité vécue, d'ailleurs bien plus complexe qu'on ne le
dit puisqu'à un racisme ethnique se superpose un racisme de classe. Il se
manifeste dans tous les comportements de la vie sociale et parfois envahit
l'institution scolaire. Par exemple, les résultats des différentes
recherches que j'ai menées montrent que dans de nombreuses filières
scolaires (générales ou professionnelles), l'étudiant doit désormais
trouver lui-même un stage en entreprise faute de quoi il ne peut obtenir le
diplôme. Ceux qui n'auront pu se faire accepter du fait de leur origine ou
de leur couleur se voient empêchés de terminer normalement leur cursus
scolaire. Dans leurs efforts de recherche de stages de formation et d'emploi, ces
jeunes essuient des successions de refus et d'humiliations qui peuvent
conduire certains d'entre eux à considérer qu'ils ne trouveront jamais ni
emploi, ni place dans la société[8]. La prévention familiale s'impose face au premier des risques que comporte
le fait de grandir dans une cité quand on est d'origine étrangère et
ouvrière : celui d'intérioriser très tôt une image négative de soi-même.
Cela touche au plus intime de la construction du sujet, de son idéal du moi
et de ses capacités d'action. Prévenir signifie ici apprendre aux enfants à résister aux épreuves liées à
l'expérience de la précarité (e