Chap 9 - Spiral

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cycle de vie: il est important que le portefeuille de technologies soit équilibré.

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Chapitre 9
Bouddhisme, taoïsme et médecine chinoise : un corps monde et une
connaissance en intériorité et par corps.
Dans le chapitre 2[1], nous avons déjà décrit les conceptions du monde
et de l'homme dans la pensée orientale. Nous avons fait comme si elle était
unique, sans réellement distinguer bouddhisme et pensée taoïste
traditionnelle chinoise, alors que leurs rapports à la vie et à l'action
diffèrent, que la place du corps, le rapport au corps diffèrent, non pas
tant pour ce qui est de sa santé, ou de son entretien mais pour ce qui est
de son rôle dans la conduite de la vie de l'homme et de son rapport au
monde, alors que la connaissance n'est pas sous tendue par les mêmes
finalités, que le rapport à soi et au Soi correspondant est sensiblement
différent. Pour autant, les pensées orientales du corps et de l'homme au
monde, par leurs différences et leurs similitudes, par le décalage qu'elles
proposent, par leurs pratiques et leurs manières de symboliser le corps et
le monde, par leurs manières de questionner et de faire résonner un mode de
connaissance particulier en notre intériorité, permettent de repenser le
corps et ses rapports au monde et donc notre manière de penser et vivre le
corps. Comme elles ne sont pas sur une rupture corps- esprit- monde, comme
les fonctions analogique et intuitive sont affirmées parallèlement à la
fonction logique pour penser et représenter le monde et l'homme, comme la
fonction spirituelle y est clairement affichée comme fondamentale, comme le
mode de connaissance développé se situe en intériorité, ces pensées
permettent d'approfondir ce que pourrait être une connaissance par corps.
Leurs modes de présentation symboliques et analogiques du réel sont un
moyen de connaissances utiles à notre propos. Par le parallèle, et en
complémentarité, avec les conceptions occidentales, elles permettent de
repenser ce qui fait sens, d'envisager différemment la notion de fonction
phénoménologique, d'en définir d'autres, de repenser autrement celles
définies jusqu'ici. Leur représentation symbolique de l'homme et de son
fonctionnement qui est une mise en situation de connaissance, conduit à
connaître en intériorité, ainsi qu'à un renversement paradigmatique. Cette
modélisation à vocation compréhensive et opérationnelle nous servira pour
produire une modélisation du système des fonctions phénoménologiques en
rapport avec les formes manifestées grâce à ces fonctions.
I- Deux approches de l'homme à connaître pour connaître.
L'absence de fondements du soi ou simplement l'impossibilité de
l'affirmer, les processus comme constitutifs du monde phénoménal, « l'idée
que toutes les choses sont dénuées d'une quelconque nature indépendante
intrinsèque », que « rien ne peut-être saisi en dehors de ses conditions
d'émergence, de formation et de déclin (Varela et coll., 1993, 302- 303) et
enfin que corps et monde sont co-dépendants l'un de l'autre et énactés l'un
par l'autre se retrouve pour F Varela et coll. (1933) dans la pensée
bouddhique et en particulier dans le bouddhisme madhyamika ou voie moyenne,
elle-même issue du bouddhisme mahayanique ou grand véhicule (E Martens,
2007, 25- 29). Pour l'école madhyamaka, il y a deux vérités. Les vérités
relatives sont celles qui sont « soumises à la dualité caractérisant notre
monde phénoménal » (idem, 28). La Vérité Absolue n'est accessible qu'à
celui qui se fait vide de tout concept philosophique, à celui qui se libère
de la scolastique, et qui s'ouvre uniquement à l'expérience prajnique
(intuitive)[2] pour accéder à l'absolu » (ibidem, p 28). Ces deux vérités
ne sont accessibles que par la corporéité de l'expérience comme cognition
aux différents niveaux. L'accès à la vérité absolue, donc la Connaissance,
n'est possible que par une ascèse et est considérée comme condition pour
atteindre le Nirvana et se libérer ici bas, par soi-même de la souffrance.
Cette école, comme le bouddhisme en général, propose bien une façon de
vivre, une approche du monde, la recherche d'un absolu qui semble bien
renvoyer à une transcendance (E Martens, 2007) rapprochant alors le
bouddhisme des autres religions y compris monothéistes. L'Un, l'Eternel, la
Permanence sonne comme un au- delà à atteindre même si celui-ci peut être
atteint ici-bas (bouddhisme du petit véhicule), ou après plusieurs
réincarnations comme dans la voie moyenne notamment Tibétaine, grâce à une
vie exemplaire dénuée d'avidité reposant sur la reconnaissance de l'absence
de Soi (F Varela et coll., 1993) et la connaissance de la Vérité absolue.
Nous avons retenu dans les chapitres précédents que cette
transcendance était plutôt une immanence s'autonomisant à partir du soi.
Nous avons même émis l'hypothèse qu'il s'agissait d'une immanence
situationnelle issue des processus de la situation. Dans le paradigme
oriental, la pensée chinoise[3], parce qu'elle est combinatoire et
analogique, même si elle fait référence à un vide potentialisateur parfois
nommé grand Un, (taï ji), à un esprit organisateur (schen), à un tchi
originaire, ne s'attache pas à les poser comme premiers mais bien à la fois
comme participant, s'inscrivant dans le taï yi et comme en dépendant. C'est
la dialectique yin- yang au sein du taï ji grâce à shen et à xing par
l'intermédiaire du t'chi qui construit le monde et le taï ji, schen, xing
donc taî yi. Elle propose donc une pensée de l'immanence ancrée dans le
monde phénoménal et tournée vers l'action ici et maintenant même quand elle
fait appel à une physiologie cosmique et à l'unité, l'interdépendance,
l'analogie entre la physiologie cosmique et celle du corps, entre le
macrocosme et le microcosme, mais une pensée dans laquelle l'immanence ne
s'oppose pas à la transcendance (Ph Filliot, 2005).
Cependant, que, les conceptions du monde laissent la place à une
transcendance comme dans la pensée bouddhique ou reposent sur une immanence
comme dans la pensée chinoise (E Martens, 2007; F Jullien, 1993), ces
conceptions présument l'existence d'un vide potentialisateur[4] et surtout
construisent des pratiques au sein du monde phénoménologique, du monde de
la vérité relative. Au regard de la partie de l'humanité concernée par ce
monde phénoménologique, vu l'ampleur prise notamment par le bouddhisme dans
les médias et chez nombre de scientifiques[5], du développement de la
médecine chinoise en occident et de la place prise par les pratiques
orientales (yoga, taïchi, zen ...), il est difficilement concevable, pour
qui veut étudier la connaissance, de ne pas prendre en considération cette
approche holistique du monde. Que l'on considère, ces pensées comme des
religions ou des philosophies, elles sont en tout état de cause des
pratiques et donne une place prépondérante au corps, même quand il s'agit
d'atteindre le nirvana. Elles conduisent à des pratiques, à des
organisations concrètes, à des relations sociales, à des systèmes
politiques (cf. E Martens, 2007), sont prônées comme moyen de dépasser le
nihilisme et l'absolutisme (F Varela et coll., 1993, 316) et de construire
une harmonie des hommes entre eux et de l'homme avec la nature. Ces
systèmes, en s'intéressant aux différents niveaux du soi, du corps et de la
cognition, construisent un monde de chair et s'inscrivent en la chair du
corps. Ils proposent une alternative, -parfois bien proche des religions
monothéistes comme dans le bouddhisme ou l'hindouisme-, à la pensée
occidentale, donc une connaissance, et, surtout des méthodes de
connaissance qu'il nous faut chercher à identifier pour pouvoir envisager
toutes les fonctions phénoménologiques de la connaissance.
En particulier, leurs façons de symboliser l'univers et l'homme ne
peuvent que conduire à envisager autrement la causalité et les
interactions, à revoir les notions de corps, de Soi, de situation et de
monde.
En particulier, au- delà de la dimension religieuse, spirituelle,
mentale, psychique, que nous pouvons prêté au t'chi de notre point de vue
rationnel occidental, celui-ci semble bien posséder une réalité aussi bien
pour ceux qui sont dans ce monde phénoménologique que pour ceux qui
l'utilise pour soigner ou pour se soigner, pour ceux qui enseignent ou pour
ceux qui pratiques les arts martiaux, les gymnastiques holistiques, le
yoga, le taï chi chuan, le tchi kong... Si le t'chi est une autre dimension
« du réel », la deuxième réalité du champ dont la connaissance dépend de
l'observateur qui ne peut observer en même temps la matière et l'onde, s'il
est l'envers de la matière, le souffle qui lui donne forme, si le t'chi est
un principe organisateur à la fois matière et esprit, à l'origine de la
morphogenèse, une information morphogénétique, une énergie qui ne devient
visible que dans l'apparaissant du monde, que quand elle se combine pour
créer tout ce que nous voyons (J Gernet, 2005) alors, la (les) pensée
chinoise(s) est une phénoménologie pratique et le bouddhisme peut très bien
ne plus être une transcendance. Il peut tout aussi bien être une immanence,
ou être vécu comme tel. Ici aussi, la question de l'immanence et de la
transcendance est un choix humain, voir un choix éthique, une position
prise par une conscience comme étape issue de l'évolution de l'homme, comme
une immanence se faisant transcendantale. La seule attitude possible est
encore fois de considérer cette réalité phénoménologique pour essayer, à
travers ses savoirs et ses