AN_PAR_AN-1963.2.doc - le blog de pierlouim
Lors des choix concernant les affectations en stage extérieur, j'avais une ..... en
plein déneigement, un jeune, ayant froid aux mains, a voulu stopper l'activité, qu'
il .... Nabil a été mis en examen du chef de violences ayant entraîné la mort sans
...
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A N P A R A N
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Année 1 9 6 3
L'année de mes dix-sept ans. Une année charnière.
Une année de changements et de nouveautés.
Depuis la rentrée scolaire de septembre dernier je prépare, en classe de
première commerciale, pour juin prochain un examen important, celui de
Brevet d'études commerciales, équivalent au baccalauréat première année. Je
n'oublie pas que je fais partie des 20% à peine des jeunes de ma génération
qui « vont aux écoles » pour passer le baccalauréat (ou équivalent comme
pour moi). Les autres, à dix sept ans, sont déjà dans la vie
professionnelle depuis trois ans. Et pourtant depuis peu l'obligation est
faite d'étudier jusqu'à seize ans. L'hiver est très froid. Le thermomètre, la nuit peut connaître des
descentes vertigineuses jusqu'à moins quinze degrés centigrades voire plus.
La pièce d'eau des Suisses est gelée. Ce qui est, de mémoire de Versaillais
un événement rarissime.
Des camarades essaient de traverser à pieds ce bassin peu profond. Mais des
policiers interviennent en leur intimant l'ordre de revenir. Même si la
glace paraît épaisse, marcher dessus est très dangereux car des plantes et
surtout des sources actives peuvent affaiblir sa résistance au poids des
patineurs improvisés.
Certains cours sont donnés dans des bâtiments préfabriqués installés prés
des allés de la pièce d'eau des Suisses dans un petit bois à 500 mètres à
l'extérieur du collège. Dans ces baraquements, il fait très froid. Moins
deux degrés centigrades à l'intérieur, malgré la chaleur incertaine de
poêles à mazout dégageant une odeur acre et huileuse.
D'un commun accord, internes, demi-pensionnaires et externes de notre
classe avions décidé de faire grève pour obtenir des classes chauffées
normalement. Nous, les cinq internes avons refusé de nous lever le matin.
Bien sûr, intervention du surgé, palabres, menaces de sanction. Finalement
c'est accompagné du Directeur et de son staff que nous arrivons prés des
baraquements. Mauvaise surprise pour nous, tous les élèves « extérieurs »
sont présents. Les traîtres, eux qui avaient promis de ne pas venir ce
matin. Entrés dans la classe nous constatons la froidure, thermomètre en
dessous de zéro. . Mais le Directeur, engoncé dans son énorme canadienne
nous dit qu'en restant habillé il est possible d'étudier. Nous lui
répondons qu'en restant assis, même vêtus de nos manteaux, nous gelons sur
place. Heureusement les professeurs présents nous appuient complètement
auprès des autorités. Finalement, nous allons nous réfugier dans une partie
du réfectoire qui, lui, est très bien chauffé. Cet « exil » ne va durer que
quelques jours jusqu'à la fin de la vague de froid.
Mais cette première expérience d'un mouvement de contestation va laisser un
goût amer. La « trahison » des élèves « extérieurs » va accélérer la
cohésion des « blouses grises » contre ces parjures habillés en « civil ». Parmi les camarades internes de ma classe, un cas unique : Alain Benso.
Un gamin de 15 ans à peine, deux ans plus jeune que nous. La tignasse en
pétard, un visage mal débarbouillé, l'oeil rieur. Un gosse des rues dans
une blouse trop grande, tachée, déchirée et mal boutonnée. Et pourtant en
semblant ne jamais travailler il est premier partout. Il est peut être, ce
qu'on appellera plus tard un « surdoué. » Il est imbattable en maths.
J'arrive à le contenir en Français, seulement parce qu'il n'aime pas trop
cette matière. Quant au reste....Il survole. Il est passionné de physique
et d'électronique. .Il lui arrive d'aider des gaillards de vingt ans qui
préparent le B.T.S. en électronique à faire leurs devoirs. Il bricole des
postes de radio à galène que l'on fait fonctionner dans le dortoir en les
branchant aux radiateurs de chauffage central. Il a fabriqué seul, chez
lui, à Villiers Neauphle, entre autres appareils, un poste de télévision.
Mais surtout il est devenu, avec autorisation spéciale du préfet de Seine
et Oise, le plus jeune radio amateur de France. Il a confectionné un poste
émetteur-récepteur qui lui permet de correspondre avec le monde entier par
ondes courtes. Mais son appareil est si puissant qu'il perturbe en
émettant, les postes de télévision du quartier. Suite aux plaintes des
voisins, Alain a dù réduire la puissance de son émetteur.
Alain, le dimanche matin, aide ses parents à vendre sur les marchés des
produits secs, olives et produits italiens. D'origine italienne, il affirme
que sa famille est affiliée avec Camillio Benso comte de Cavour, un des
acteurs vers 1860 de l'unité Italienne. Il est sympa, proche de ses
camarades. Mais quelquefois poussé par l'admiration immodérée que lui
portent les professeurs, il lui arrive d'être un peu condescendant envers
les pauvres ignares, dont je fais partie, sans ressources devant la
puissance des mathématiques. Il partira du Lycée en 1964 ou 65; se
présentera en candidat libre au bac moderne et le réussira. Il commencera
des études de droits, car son désir est de monter sa propre entreprise
d'électronique.
Aura-t-il réussi ? Je ne le saurai jamais.... Pour pouvoir passer le B.E.C. il me faut effectuer un stage de trois mois
en entreprise.
Après concertations, propositions, choix, il est décidé que j'exercerai mes
talents au siège du Gaz de France, rue Philibert Delorme à Paris. Pendant
ces trois mois je ne serais pas pensionnaire à Versailles mais hébergé chez
les cousins Gilberte et Lucien qui habitent prés des buttes Chaumont.
L'Electricité et Gaz de France ne sont, en 1963, qu'une seule et unique
entreprise, mais gérée en deux entités distinctes. Je vais pendant ce
stages participer à l'élaboration du bilan national du Gaz de France
entreprise d'Etat. Une bonne cinquantaine de personnes travaillent dans ce
service, à collecter, additionner les chiffres venant de centaines de
filiales de toute la France. Trois autres stagiaires issus de lycées
parisiens m'accompagnent dans ce grand bureau envahi du crépitement de
plusieurs dizaines de calculatrices à bandes de papiers . Certains
résultats sont traités par cartes perforées par une énorme machine qu'on
appelle ordinateur. Le progrès, l'avenir.
Nous avons visité, mes camardes stagiaires et moi, l'antre de cette étrange
et mystérieuse machine. Protégée des indiscrétions, de l'humidité, de la
poussière et de la chaleur, cette grande série d'armoires bruyantes et
trépidantes n'est pas facile d'accès. Il nous a fallu montrer patte blanche
pour entrer. Les servants de cette divinité lui ont fait jouer la 9° de
Beethoven. En effet, en avalant plusieurs centaines de cartes perforées
spécialement formatées l'imprimante s'est mise à battre la mesure sur la
bande de papier. Et le bruit de la frappe saccadée faisait bien penser à
l'hymne à la joie. C'est à peu prés tout ce que l'on a bien voulu nous
révéler du fonctionnement secret de ce monstre de modernité.
Mon premier contact avec le monde du travail se passe donc bien dans
l'ensemble. J'apprends pas mal de choses. C'est pratiquement la première
fois que j'utilise un téléphone. Parmi les personnes avec lesquelles je
travaille, une dame proche de la retraite, petite, souriante dans une
blouse de nylon rose m'apprend le métier en me maternant un peu. Un jour,
elle reçoit un coup de téléphone, y réponds longuement et termine la
conversation par un « A bientôt Gégéne ! ». Assez émue elle me regarde et
me dit. « C'est Eugène Ionesco qui m'appelait. Vous savez bien, celui qui
fait des pièces de théâtres. Nous avons été élevés ensemble. Il écrit
actuellement un livre sur son enfance. Et de temps en temps il m'appelle
pour me demander des renseignements, des détails sur ce que nous avons vécu
dans un petit village de la Mayenne pendant la première guerre mondiale.
Je ne sais si Eugène Ionesco, dont je verrai par la suite un certain nombre
de pièces, soit au théâtre, soit à la télévision, a bien utilisé les
conseils de ma collègue. Je ne retrouverai pas franchement dans son ?uvre,
un livre de souvenirs sur son enfance. A la fin des trois mois d'activité au Gaz de France j'ai établi un rapport
de stage qui m'a permis d'avoir de bonnes notes pour l'examen à venir. J'ai
aussi reçu mes premières paies. Je suis triste est vexé. Je ne sais pas ce qui s'est passé, l'émotion, le
manque de chance, j'ai raté l'examen du Brevet d'Etudes commerciales.
Pourtant j'avais tous les atouts pour réussir. J'étais parmi les cinq
premiers de la classe et je me retrouve avec les cinq derniers qui n'ont
pas obtenu le sésame pour passer en classe terminale. Le professeur de
comptabilité n'en revient pas non plus. Bon, faut faire avec, avec l'accord
de mes parents je décide de redoubler ma classe de première. Je pourrais
m'arrêter là, car le Gaz de France satisfait de mes services pendant mes
trois mois de stage est prêt à m'embaucher.
Les vacances sont un peu tristounettes, passées dans le Berry chez de
lointaines cousines de Maman. A la rentrée scolaire de 1963, j'entame ma cinquième année d'internat. Je
redouble la classe de première, cela devrait une année de routine et
pourtant tout change :
- En juin j'avais quitté un collège, en septembre j'intègre un lycée. C'est
toujours la « Boite à Jules », mais elle a pris du galon pendant les
vacances d'été.
-Les classes « classiques » et « modernes » disparaissent peu à peu. Le
lycée devient de plus en plus « technique ». Des classes de BTS et de
préparation aux écoles d'ingénieur apparaissent.
-.Cette année la section