deuxième section - Free
[9] Il s'agit d'une somme considérable, qui montre là encore à quel point les ....
leur rapporteraient le même rendement annuel moyen que leurs actions, on peut
donc ... d'assurance-vie n'ont jamais été considérés par la législation fiscale
comme ... 1,5 fois plus que le montant total des revenus de capitaux mobiliers
déclarés ...
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DEUXIÈME SECTION
JOURNALISMES
IMAGES ET RÉCITS IMPRIMÉS DES CATASTROPHES On a toujours beaucoup plus de
chances d'apprendre un événement
extraordinaire par le journal que de
le vivre; en d'autres termes, c'est
dans l'abstrait que se passe de nos
jours l'essentiel et il ne reste
plus à la réalité que l'accessoire.
Robert Musil
La fin du XVIème siècle et le début du XVIIème siècle en Europe, sont
le moment où se met en place l'organisation générale du traitement des
événements catastrophiques encore en usage aujourd'hui.
Un tremblement de terre raconté dans la Gazette de Renaudot ne serait pas
traité fondamentalement autrement dans un journal contemporain. La Gazette
nous apprend le 10 mai 1672 qu'un "terrible tremblement de terre" a atteint
Rimini, en Italie, que la majorité des victimes se trouvaient dans les
églises, et rapporte de façon critique les réactions des habitants "qui
attribuent ce malheur à l'irrévérence ordinaire de plusieurs dans les
églises".
Renaudot se proposait de rassembler les "nouvelles ordinaires de divers
endroits", ce que fait l'agence de presse de nos jours. Sa "nouvelle" sur
le tremblement de terre de Rimini serait simplement aujourd'hui jugée
imprécise, comme il peut arriver si une dépêche d'agence indique qu'il y a
des morts et des blessés, sans plus de précision. Aujourd'hui, une dépêche
d'agence nous apprend que "le 5 octobre 1985, un séisme de magnitude de
Richter égale à 5,1, a eu lieu dans le bassin d'effondrement du lac Aloatra
à Madagascar", et dresse un bilan des morts et des blessés, fut-il
extrêmement réduit comme dans cette dépêche: "une femme prise de panique à
Ambatondrazaka a été blessée après avoir sauté de son balcon situé au
premier étage".
Ce problème d'estimation du nombre de victimes qui, souvent, fait se
succéder les dépêches d'agence et leurs bilans provisoires, était également
soulevé à l'époque des tout premiers journaux: c'est aux XVIème et XVIIème
siècle que les grandes villes européennes commencent à utiliser les
registres de mortalité afin de déterminer les conséquences des épidémies de
peste.
Dans une vision pluriséculaire, peu d'écarts donc entre la nomenclature et
le codage des événements catastrophiques de l'époque des premiers journaux
et la nôtre. Les catastrophes naturelles, les crises frumentaires et les
épidémies constituent, de très loin, l'ensemble de catastrophes le plus
important quelle que soit l'époque. Les catastrophes des transports ont
suivi l'évolution des grands moyens de locomotion: naufrages, accidents de
chemin de fer, automobiles et avions. Les grands feux urbains, les
explosions, les effondrements d'édifices publics complètent cette
nomenclature des catastrophes au temps de Renaudot. Comparée à celle d'une
agence de presse contemporaine, n'y manque que les ruptures de grand
barrage ou le domaine des industries chimiques et nucléaires.
Par contre, comparée à la nomenclature d'événements funestes à peu près
stable pour tout le Moyen Âge, les différences sont beaucoup plus
importantes. Elles sont de deux ordres: le passage des maux à connotation
rurale (insistance sur les calamités agricoles, les phénomènes
météorologiques, les pullulations d'animaux ravageant les cultures ou
détruisant le bétail...) à des maux à connotation urbaine (incendies,
accidents de transports, effondrement d'édifices,...) et surtout la
disparition de l'immense domaine des présages et des prodiges. Le
journalisme commence avec le silence du ciel porteur de signes à
déchiffrer.
La dépêche d'agence, dans sa sobriété, témoigne d'une installation
pluriséculaire et progressive d'un système d'information qui couvre la
planète. Pour les catastrophes, elle cherche à en fournir les grandes
coordonnées (temps, lieu, bilan) et les impressions les plus significatives
des témoins dans un résumé concentrant tout ce que l'événement suscite de
relations imprimées, radiodiffusées ou télédiffusées. Son histoire est liée
à celle des voyages et des possibilités de communication et à celle de la
constitution de la géographie physique: les procédures apparaissent bien
rodées, même pour des phénomènes physiques relativement rares comme les
tsunamis. La dépêche d'agence nous précise la magnitude du séisme initial,
la localisation spatiale et temporelle, rappelle la définition de phénomène
physique, "une lame de fond gigantesque", nous précise la dépêche AFP, en
date du 28 novembre 1985. Pour les catastrophes naturelles, des relations
stabilisées existent entre l'agence de presse et des agences scientifiques
d'observation des phénomènes naturels, Instituts de Physique du Globe,
centres d'alertes pour les cyclones et les raz-de-marée. Pour les
catastrophes industrielles, elle fonctionne plus en se référant à des
précédents: les ruptures de barrage connues, les explosions dues aux
transports de matières dangereuses, les accidents où interviennent des
matières nucléaires. L'agence de presse a une observation continue du globe
et procède par incursions limitées dans les domaines industriels et
scientifiques, en raison des questions d'actualité. L'horloge, voire le
chronomètre, est l'unique dramaturge des lieux: l'agence accélère une
circulation de nouvelles collectées par d'autres journalistes. Le système
d'information laisse peu de place aux maux endémiques, dont la permanence
n'offrent aucune prise à une dramatisation par la course du chronomètre: si
la frayeur d'une habitante d'Ambatondrazaka consécutive à une petite
secousse sismique nous est bien rapportée, le très grand nombre de victimes
des maladies paludiques à Madagascar n'est connu qu'incidemment, par une
polémique consécutive à l'arrêt de pulvérisation de produits insecticides.
La succession des dépêches doit avoir un terme: le plus souvent un bilan
définitif des dégâts et des victimes. Des encadrements trop lâches d'une
valeur numérique pour le nombre de victimes laissent une impression
d'inachevé ou font supposer des conflits sous-jacents. Entre un événement
funeste et son bilan de victimes, les dépêches d'agence répondent
implicitement à des règles dramatiques qui ne contredisent pas celles qui
ont été formulées au XVIIème siècle pour le théâtre: "Qu'en un lieu, qu'en
un jour, un seul fait accompli". "Il suffit que l'action en soit grande",
en conséquence de quoi "ce n'est point une nécessité qu'il y ait du sang et
des morts", nous disent Boileau et Racine, qui avaient, il est vrai, la
même charge officielle que Renaudot: historiographe attaché à consacrer
l'éclat du souverain. De plus, si le parallèle entre les maladies paludiques et les dommages
d'origine sismique est poursuivi, on s'aperçoit que les premières
concernent des zones qui représentent environ 20 % de la population
mondiale, et un ordre de grandeur des nombres d'affectés et de victimes,
incomparablement supérieur à celui des séismes. Le système d'information ne
prend pas en compte proportionnellement à leur mortalité considérable les
maladies paludiques, alors qu'elles présentent une multiplicité
d'occurrence dans l'espace et dans le temps. Il prend plutôt en compte, en
raison inverse de la probabilité de l'événement, tout comme dans le
formalisme de la théorie de la communication de Shannon où la valeur de
l'information est fonction de l'inverse de la probabilité de l'événement.
Le système d'information répercute et amplifie un effet de surprise.
L'exploitation des propriétés formelles du système d'information commun à
la presse écrite et audiovisuelle pourrait être poursuivie: il nous
suffisait ici d'en rappeler à la fois son installation relativement
ancienne, sa pérennité et la simplicité de ses principes de fonctionnement.
Ces principes sont bien établis, connus des différents acteurs qui modulent
leur comportement dans une certaine limite et dans des styles différents
qu'il s'agit maintenant d'analyser. TROISIÈME PARTIE: LES IMAGES DES DRAMES
Aujourd'hui la télévision nous présente en direct les images des
drames du monde. Mais les images sont déjà présentes dès les premiers
canards, ces feuilles publiées occasionnellement aux XVIème et XVIIème
siècles à propos d'une inondation, un tremblement de terre, un incendie.
Donner à voir la catastrophe est une tâche qui appartient au plus ancien
noyau constitutif du journalisme; il est même antérieur aux publications
périodiques. Ce thème iconographique du drame est assez nouveau quand il
apparaît au XVIème siècle: ce thème a été peu traité dam l'iconographie
antérieurement, quelle que soit la civilisation considérée.
Il prend une ampleur considérable avec le romantisme. Les toiles manifestes
du romantisme (Le radeau de la Méduse de Géricault, les Scènes des
massacres de Scio et la Mort de Sardanapale de Delacroix, en France) sont
des images de drames. Une culture de l'effet dramatique apparaît bien typée
avec le romantisme: elle n'est pas unique.
Le premier journal en France, la Gazette, a pour but "l'anéantissement des
ma