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La découverte des gènes et l'invention du génie génétique ne pouvaient ....
permettre de se dispenser d'un examen au cas par cas de chaque OGM (13, 14).

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Science et pseudosciences,octobre,2003,N°259,pages 3à12 Les OGM : Une grande conquête de l'humanité ou le pire des fléaux ? Louis-Marie HOUDEBINE UMR Biologie du Développement et de la Reproduction
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e-mail : houdebine@jouy.inra.fr Depuis l'invention de l'agriculture, de l'élevage mais aussi des
produits fermentés, les communautés humaines n'ont cessé de sélectionner
les produits qui convenaient le mieux à leur alimentation et au traitement
de leurs maladies. Ils ne se sont pas contentés des produits dans leur état
natif, ils ont au contraire domestiqué et modifié génétiquement les
microorganismes, les plantes et les animaux dont ils avaient le plus
besoin. Ces transformations sont si considérables que beaucoup d'entre nous
ne savent pas de quelles espèces dérivent les carottes, le maïs, les poules
etc. Les tomates, le maïs, les carottes sont des monstres par rapport à
leurs homologues sauvages mais cela ne nous choque pas car ces variétés
nous sont familières. La plupart des organismes vivants domestiqués ne
sauraient survivre sans l'assistance de l'homme tant ils ont subi de
mutations au cours de leur sélection. Les animaux de compagnie comme les
chiens n'échappent pas à ces règles et nous n'en faisons pas de cas.
Au cours du XXème siècle, l'homme a réussi à accélérer la création de
nouvelles souches variétés et races, de microorganismes, de plantes et
d'animaux. Pour ce faire, il a provoqué des mutations multiples en
soumettant les organismes vivants à des agents mutagènes puissants comme
des molécules chimiques ou des rayons ionisants.
Depuis fort longtemps, l'homme a inventé le mulet qui est une
formidable opération de génie génétique puisque les 30 000 gènes d'une
espèce sont alors transférées dans une autre. Le mulet n'est pas assez
fécond pour avoir donné naissance à une espèce. On peut toutefois obtenir
sans mauvaise surprise autant de mulets que l'on veut en croissant l'âne et
le cheval comme s'il s'agissait d'une nouvelle espèce.
Dans le même ordre d'idée, les agronomes ont créé plusieurs espèces
végétales nouvelles par croisement. C'est le cas du triticale qui est un
hybride blé-seigle qui résulte d'un croisement forcé des deux espèces
suivi de mutations aléatoires induites artificiellement pour stabiliser la
nouvelle espèce. Le triticale est une céréale comme une autre et personne
ne s'en inquiète, à juste titre.
Depuis longtemps, l'homme a souhaité échapper au hasard des mutations
spontanées qui sont rares et anarchiques, conduisant souvent à la naissance
d'individus peu ou non viables. La découverte des gènes et l'invention du
génie génétique ne pouvaient qu'offrir de nouvelles possibilités de créer
des mutants en y mettant beaucoup moins de hasard (figure 1). C'est là une
nouvelle ère qui vient de s'ouvrir avec son cortège habituel de progrès et
de risques. Qu'est-ce qu'un gène ? Traditionnellement, un gène est considéré comme le support matériel
des caractères héréditaires. Pour un biologiste actuel, un gène est d'abord
une information codée dont le produit est une protéine. Les gènes ont pour
structure chimique l'ADN qui est le constituant essentiel des chromosomes.
L'ensemble des gènes d'un organisme vivant qui constitue le génome, est
donc une banque de données à laquelle l'organisme fait appel à chaque fois
qu'il a besoin d'une protéine pour effectuer telle ou telle réaction
biochimique. Qu'est-ce qu'un OGM ? Depuis environ 25 ans, les biologistes ont appris à isoler les gènes,
à en déterminer la structure chimique, à les modifier au besoin et à les
réintroduire dans un organisme qui devient alors un organisme génétiquement
modifié (OGM) ou transgénique.
L'ensemble de ces techniques qui constitue ce que l'on appelle le
génie génétique offre des possibilités quasi infinies. Les mécanismes qui
permettent à chaque gène de donner naissance à une protéine sont
suffisamment connus pour qu'il soit possible non seulement d'isoler des
gènes et de les recombiner pour former d'autres gènes fonctionnels mais
aussi de synthétiser chimiquement des gènes parfaitement actifs identiques
à leurs homologues naturels ou au contraire créés de novo. A quoi servent les OGM ? La modification génétique des organismes vivants est un outil
essentiel pour les chercheurs qui doivent replacer un gène isolé dans son
contexte naturel qu'est l'organisme entier pour mieux comprendre son
fonctionnement et son rôle. Cette même approche permet de créer des animaux
transgéniques indispensables pour étudier certaines maladies humaines et
tester de nouveaux médicaments. On dispose ainsi de souris qui miment des
maladies aussi complexes que la maladie d'Alzheimer, la maladie de
Kreutzfeld-Jakob, des cancers... Des fermenteurs contenant des bactéries
ou des cellules animales génétiquement modifiées, et bientôt des animaux et
des plantes transgéniques, fabriquent industriellement des médicaments
comme l'insuline, le vaccin de l'hépatite B etc. Ces OGM qui représentent
au moins 95 % des nouvelles lignées de plantes et d'animaux obtenues par
des modifications génétiques ne soulèvent aucune inquiétude particulière
dans l'opinion publique. Seules les applications agroalimentaires du génie
génétique sont contestées. Elles sont pourtant aussi logiques et à priori
pas plus dangereuses que les applications médicales et la sélection
génétique classique.
Le tableau 1 résume les principaux types d'OGM végétaux qui sont
utilisés ou en cours d'étude. Les premiers OGM qui ont été préparés et les
seuls actuellement commercialisés concernent les grandes cultures destinées
à l'alimentation animale. Ces opérations ne visent pas à modifier la
physiologie de la plante mais seulement à lui conférer une propriété
intéressante grâce à l'action d'un gène étranger. Un bilan de l'utilisation
depuis 1996 de ces plantes peut être fait.
Le colza et le soja permettent une réduction significative des
épandages d'herbicides (1,2). Ceci doit être mesuré non en volume mais en
toxicité globale des produits utilisés. Le rendement de ces deux plantes
est légèrement augmenté. Le succès considérable de ces deux OGM (80 % du
soja aux USA et en Argentine est génétiquement modifié) vient surtout du
fait qu'ils simplifient la tâche des agriculteurs.
Le maïs et le coton sont résistants à des ravageurs. Environ
respectivement 30 % et 80 % de ces deux plantes sont des variétés
génétiquement modifiés aux USA. Le coton est un succès particulièrement
remarquable. Cette plante doit normalement subir 7 à 8 épandages de
pesticides pour survivre. Certains de ces pesticides sont franchement
toxiques pour les agriculteurs et très polluants. Le coton génétiquement
modifié n'a plus besoin que de deux épandages. Les agriculteurs apprécient
hautement de ne plus être intoxiqués et ils voient leurs bénéfices
nettement augmentés. Ceci suffit à expliquer le brillant succès du coton et
la pénurie de semences transgéniques que l'Inde a connue en 2002 (3, 4).
Il est utile de mentionner que des animaux génétiquement modifiés
destinés à l'alimentation humaine sont en cours d'étude. Parmi ceux-ci, on
peut citer les porcs rejetant 75 % moins de phosphate polluant (5), les
poissons à croissance accélérée qui peuvent être une source de protéines
pour certains pays pauvres (6), les animaux produisant du lait résistant
aux infections bactériennes et les animaux résistants à divers maladies
dont les maladies à prions etc... (7). Les risques liés à l'utilisation des OGM agroalimentaires Lorsqu'il s'agit de nourritures, les humains sont à juste titre
méfiants . Si l'on ne sait pas ce que l'on mange, on risque toujours
d'ingurgiter des substances potentiellement toxiques. Toute nouveauté dans
ce domaine inspire une méfiance initiale, même lorsqu'il s'agit de produits
couramment consommés dans d'autres pays.
a) la toxicité
Il n'est pas très difficile d'évaluer la toxicité d'une substance. De
nombreux tests mis au point pour les médicaments sont à notre disposition
et mis en ?uvre dans ce but. Aucun des OGM actuellement commercialisés ne
contient des composés toxiques décelables. Ils ont été consommés par des
rats, des poules, des lapins, des moutons, des porcs et des vaches. Aucun
de ces animaux n'a eu une quelconque perturbation de sa croissance, de sa
reproduction et de sa production d'?ufs ou de lait. La composition des
produits de ces animaux (viande, ?uf, lait) est inchangée. A cela, il faut
ajouter que des centaines de millions d'animaux d'élevage consomment
régulièrement du soja, du maïs et du colza transgéniques depuis 1996 sans
qu'un éleveur ait jugé bon d'arrêter pour des raisons sanitaires (8, 9). b) L'allergénicité
Le caractère allergène d'un produit alimentaire est plus difficile à
évaluer. Les tests actuels ont permis d'identifier l'allergénicité d'une
protéine ajoutée expérimentalement via son gène dans une céréale. Malgré
leur imperfection, les tests actuels peuvent donc révéler des allergies
comme celles du kiwi, des coquillages et à fortiori de l'arachide. Il est
important de noter que ces produits très largement consommés sont en vente
libre sans qu'aucun étiquetage ne mentionne leur allergén