Les perspectives du génie génétique

Le génie génétique procure de nouveaux outils d'analyse pour les .... Les autres
plantes transgéniques en cours d'examen pour d'éventuelles mises sur le ...

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Les perspectives du génie génétique Les plantes modifiées et l'alimentation
Yves CHUPEAU, Laboratoire de Biologie Cellulaire, INRA Versailles
Le génie génétique procure de nouveaux outils d'analyse pour les
généticiens et les physiologistes. Il permet de transférer des gènes dans
le patrimoine héréditaire d'organismes d'espèces ou de genre différents. Le
transfert de gène suscite un certain nombre d'interrogations et alimente un
débat passionné, alors que les premières autorisations de mise sur le
marché d'Organismes Génétiquement Modifiés sont déjà accordées.
Il semble important de fournir des informations précises favorisant une
discussion sur des arguments mieux fondés. La rapidité de transfert à
l'industrie fournit l'une des explications au retard relatif des
dispositifs réglementaires d'encadrement de l'utilisation du transfert de
gènes.
. Bref historique
La découverte dans les années 70 de transferts naturels de gènes chez les
bactéries a permis l'essor de la génétique bactérienne et a donné lieu à de
nombreuses applications industrielles.
Dès le début des années 80, ces processus de transfert de gènes ont été
adaptés aux organismes supérieurs, en particulier chez les plantes du fait
de la capacité de régénération des cellules végétales.
La première mise sur le marché d'une plante génétiquement modifiée remonte
à 1993 (tomate, U.S.A.).
. Du gène à la protéine
L'identité de chaque être vivant est représentée par l'ensemble de
l'information génétique (le patrimoine héréditaire), qui se matérialise par
la molécule géante d'ADN ou acide désoxyribonucléique.
Cette macromolécule est elle-même constituée de deux chaînes de molécules,
les nucléotides, dont les parties essentielles sont l'une des quatre bases
: adénine, thymine, cytosine, guanine. La taille de ces macromolécules est
variable selon les organismes, quelques millions de bases pour les
bactéries, des milliards pour les plantes et les animaux (laitue 2.109,
homme 3.109).
L'information génétique, le code génétique, repose sur l'arrangement de ces
bases. Chaque triplet indique l'utilisation d'un acide aminé. Les acides
aminés sont les constituants des protéines, dont la grande majorité sont
des enzymes. Ces enzymes et leurs régulations assurent le fonctionnement
des organismes vivants.
Un gène est une séquence de bases de l'ADN. Il s'exprime par un produit qui
correspond le plus souvent à une protéine, de sorte que les triplets
successifs de bases de l'ADN sont traduits en séquence de protéine.
L'arrangement des acides aminés implique une structure dans l'espace pour
la protéine ; cette structure, associée à d'autres éléments de séquences
d'acides aminés, joue un rôle prépondérant dans l'activité de l'enzyme. . Propriétés de l'ADN
. Une remarquable stabilité :
- L'ensemble de l'ADN se réplique fidèlement, avant chaque division
cellulaire, pour donner des copies qui se répartissent dans chaque cellule
fille. Ce dispositif instaure une transmission de l'ADN la plus homogène
possible à toutes les cellules d'un organisme. Par contre, lors des
divisions qui conduisent aux cellules sexuelles, des mécanismes de
recombinaison entre génomes parentaux assurent la transmission à la
descendance d'ADN recombiné (naturellement !).
- Les gènes essentiels, codant les activités du fonctionnement cellulaire,
sont quasiment identiques (conservés) chez les bactéries, les plantes et
les animaux. On peut dire schématiquement que des gènes d'animaux existent
déjà dans les génomes de plantes !
. Une remarquable souplesse :
- Le code génétique est universel, la séquence codante sera traduite de la
même façon quelle que soit l'unité de vie dans laquelle on la fait
exprimer. Ce qui explique que l'on puisse effectivement faire exprimer des
gènes d'origine diverse dans des organismes variés.
- Les gènes ne comportent pas que des séquences codant les protéines
fonctionnelles : à proximité se trouvent des séquences régulatrices de
l'expression du gène, qui modulent et adaptent l'activité des gènes en
fonction des besoins de l'organisme. Ces séquences régulatrices se
composent parfois de plusieurs dizaines d'éléments régulateurs, activateurs
ou répresseurs. Ces signaux d'expression sont compris ou non par la
machinerie cellulaire (fonction des conditions de milieu, de telle ou telle
étape du développement, dans tel ou tel organe...). Les séquences
régulatrices permettent de cibler précisément l'expression du gène qu'elle
dirigent.
- Il est donc possible de faire exprimer un gène bactérien dans une plante,
à condition toutefois d'en échanger les séquences régulatrices : la "
syntaxe " d'une bactérie n'est pas intelligible par une machinerie de
plante...
- Les mécanismes de l'évolution, générateurs de diversité, reposent sur un
ensemble de processus qui permettent d'augmenter la quantité d'ADN et de
modifier l'organisation du matériel héréditaire. Il faut savoir que l'on
détecte des séquences répétées, des erreurs de copie dans tous les génomes
et même, des éléments transposables capables de se déplacer , dans
l'ensemble de l'ADN et d'engendrer une grande partie des remaniements.
En totale opposition à l'idée tenace de fixité des espèces (héritée des
enseignements philosophiques ou religieux ancestraux), la perception de
cette souplesse de l'ADN constitue le fondement conceptuel et, dans une
certaine mesure, la légitimité biologique du transfert de gènes. Pour
toutes les espèces végétales, il est expérimentalement possible de leur
transférer les séquences codantes d'une autre plante ou d'un autre
organisme (le transgène), et d'en cibler l'expression à l'aide de séquences
régulatrices adaptées.
Si les mécanismes d'intégration des transgènes ne sont pas encore
totalement élucidés, ils s'apparentent aux processus de réparation et de
recombinaison de l'ADN. Il n'y a donc pas de différence entre les
mécanismes de transfert de gènes et ceux de la recombinaison propres aux
phénomènes naturels de brassage des gènes dus à la sexualité ! Notion
fondamentale souvent oubliée. Le transfert de gènes n'induit donc pas de
désordre dans l'ADN receveur, sinon de fait il ne fonctionnerait plus ; son
développement serait bloqué plus ou moins rapidement, à l'instar des
combinaisons non viables résultant de la sexualité.
En outre, pour les plantes transgéniques cultivées qui font l'objet de
demandes de mise sur le marché, les vérifications ont été généralement
poussées beaucoup plus loin. Les descendants sexués de la plante
transformée sont soumis à de longues expérimentations en différents sites
et dans des conditions de culture variées. Ces essais, classiques dans tous
les programmes de création variétale, visent à s'assurer que la nouvelle
variété ne présente pas de modifications insoupçonnées au cours de ces
vérifications agronomiques, il va de soi que les caractéristiques
alimentaires, de qualité et de sécurité, sont très précisément analysées
avant toute autorisation de mise sur le marché.
. Les plantes transgéniques en agriculture
Certaines plantes transgéniques sont en expérimentation contrôlée depuis
1985 (cf. comptes rendus d'activité annuels de la Commission du Génie
Biomoléculaire). Le bilan de ces dix ans pour la France (comme d'ailleurs
pour les autres pays), fait clairement apparaître trois grandes catégories
d'objectifs :
- la création de résistances aux herbicides totaux ;
- la création de résistances aux agents pathogènes et prédateurs des
plantes cultivées ;
- la création de caractéristiques diverses, souvent destinées à faciliter
le travail des sélectionneurs.
Considérons, à titre d'exemple, la résistance du maïs à un herbicide total
le Round up (matière active : glyphosate), proposée par la société Monsanto
USA, inventeur du produit.
Le maïs est désherbé de façon sélective par un produit herbicide :
l'atrazine (et ses dérivés). Ce produit a également été utilisé comme
désherbant total sur d'autres cultures (fruitiers, vignes...).
La capacité de résistance du maïs à l'atrazine est due à un système de
détoxication impliquant le gène de la gluthation-S-transférase.
Cette situation est intéressante car, bien que naturelle, elle mime les
situations qui résultent des transfert de gènes de résistance. En dépit de
l'utilisation répétée de l'atrazine dans le monde entier et depuis plus de
quarante ans, et le gène du maïs n'a jamais été transféré à d'autres
plantes !
Cependant, cette utilisation a conduit à la sélection de plantes
résistantes à l'atrazine, dans pratiquement toutes les familles botaniques
(la mutation de résistance concerne dans tous les cas la cible de
l'herbicide, une protéine chloroplastique transporteur d'électrons).
L'utilisation de l'atrazine se heurte aujourd'hui à deux difficultés, d'une
part son inefficacité, du fait des mutations de résistance amplifiées dans
les populations de plantes adventices, qui impose de l'utiliser en mélange
avec d'autres produits, et, d'autre part, la relative résistance de la
molécule d'atrazine qui, non fixée dans les couches superficielles du sol,
lui permet d'être entraînée par lessivage pour s'accumuler dans les nappes
phréatiques. Ces deux problèmes conduisent aujourd'hui à l'interdiction de
l'usage de l'atrazine dans de nombreux pays.
La solution proposée par Monsanto est de transférer au maïs des gènes de
bactéries du sol capables de dégrader le glyphosate, ce qui permettrait
d'apporter une solution propre au problème du désherbage des cultures de
maïs. Sous réserve des vérifications agronomiques à grande échelle, on peut
avancer que le désherbage du maïs par le glyphosate constitue un réel
progrès non seulement pour les agriculteurs, mais aussi pour la
collectivité puisque le glyphosate, utilisé dans le monde entier comme
herbicide total, est connu pour sa très faible toxicité et surtout pour
être très rapidement dégradé par les bactéries du sol. Ce produit ne
présente donc pas les défauts de l'atrazine.
Enfin, s'agissant de maïs, les gènes de résistance ne risquent pas d'être
transmis à d'autres plantes, le maïs ne se croisant qu'av