L'ETAT ANTERIEUR

par l'examen clinique : cicatrice opératoire, déformation d'un segment de
membre? ; ... Aussi, avant de caractériser un état préexistant et de le retenir
dans le calcul du taux .... «Fracture de la styloïde radiale non déplacée +
tassement de L1».

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L'ETAT ANTERIEUR
Par le Dr Denis DAUPLEIX
(Spécialiste agréé, expert près la Cour d'appel de Paris) On entend par état antérieur, toute affection pathologique ou
prédisposition, connue ou non, congénitale ou acquise, dont est atteint un
individu au moment où survient un accident. Cette définition exclut les simples notions de terrain et de facteur
prédisposant. Il n'est pas rare que dans un cadre médico-légal, la victime d'un accident,
ici d'un accident de service, évite de faire un récit exhaustif du passé
pathologique susceptible d'interférer avec les conséquences corporelles de
cet accident. La première difficulté pour l'expert est donc de reconnaître cet état
antérieur, de définir ses limites, ses répercussions douloureuses et
fonctionnelles avant que ne soit survenu l'accident. En outre, le fait que cet état antérieur soit connu et même parfois évident
n'empêche pas l'expert de rencontrer d'autres embûches : - il n'existe pas toujours de parallélisme entre les renseignements
fournis, notamment par l'imagerie, et le retentissement fonctionnel de
la pathologie antérieure,
- il peut être difficile d'obtenir des informations fiables sur cet état
antérieur de la part du blessé qui peut avoir intérêt à le masquer ou à
en nier les conséquences. On peut ainsi se heurter à la difficulté d'obtenir des documents médicaux
comportant des renseignements relatifs à l'état antérieur, comme un compte-
rendu d'hospitalisation ou un certificat du médecin traitant. RECONNAITRE L'ETAT ANTERIEUR
Pour le reconnaître il faut le rechercher : - par l'interrogatoire ;
- par l'examen clinique : cicatrice opératoire, déformation d'un segment
de membre... ;
- par l'étude de la mission et du dossier produit par l'Administration,
faisant éventuellement référence à d'autres accidents de service
antérieurs ;
- par les documents médicaux apportés par l'accidenté, notamment
certificats, comptes rendus et radiographies. Il n'est pas rare que
l'assuré apporte l'ensemble de son dossier radiologique qui concerne
non seulement l'accident de service, objet de la mission, mais aussi
des radiographies antérieures. INTERFERENCES ENTRE L'ETAT ANTERIEUR ET LES CONSEQUENCES PROPRES A
L'ACCIDENT DE SERVICE L'expert doit se poser trois questions essentielles : - Quelle aurait été l'évolution des lésions traumatiques en l'absence
d'état antérieur ?
Une gonarthrose préexistante peut ainsi générer après une simple
contusion un épanchement synovial qui ne serait probablement pas
survenu s'il n'y avait pas eu une gonarthrose.
- Quelle aurait été l'évolution de l'état antérieur en l'absence
d'accident ? L'accident peut avoir ainsi révélé, aggravé ou "dolorisé"
un état antérieur.
- Quel est le résultat de l'interaction entre état antérieur et lésions
traumatiques ?
La survenue d'un traumatisme sur un état antérieur peut avoir
schématiquement deux effets aggravants :
1. Une aggravation lésionnelle, le traumatisme touchant directement la
structure anatomique, siège de l'état antérieur : par exemple,
fracture du poignet sur poignet rhumatoïde, fracture ou entorse
cervicale vraie sur cervicarthrose évoluée, fracture du plateau
tibial sur gonarthrose préexistante. 2. Une aggravation fonctionnelle plus globale touchant la même
fonction : fracture du poignet sur séquelles de poliomyélite du
membre supérieur homolatéral, fracture du plateau tibial du même côté
que les séquelles d'une fracture du calcanéum. L'aggravation induite par l'accident de service peut cependant être
transitoire (poussée douloureuse) avec retour à l'état antérieur qui évolue
pour son propre compte.
LE PROBLEME DE L'ETAT ANTERIEUR « ASYMPTOMATIQUE » L'état antérieur peut être révélé par l'accident. Ailleurs il n'est pas
aussi symptomatique que veut bien le dire le déclarant de l'accident de
service. A titre d'exemples : - une dysplasie fémoro-patellaire peut être purement radiologique et
asymptomatique,
- il en est de même d'une cervicarthrose et on connaît des
cervicarthroses indolores, même relativement évoluées (en revanche les
lombarthroses sont souvent rapidement symptomatiques),
- des calcifications péri-articulaires peuvent être le signe d'une
périarthrite calcifiante avec gêne fonctionnelle douloureuse, mais
peuvent également être une découverte radiologique,
- une omarthrose est quasiment toujours douloureuse,
- une lyse isthmique, dont on rappellera qu'elle n'est jamais
traumatique, est souvent asymptomatique, sauf s'il elle s'accompagne
d'une discopathie sous-jacente. L'état antérieur, même s'il est asymptomatique, révélé par l'accident, peut
cependant interférer avec les données d'examen clinique. Ainsi une
cervicarthrose, même indolore, entraîne habituellement une réduction de la
mobilité du cou dont il faudra tenir compte dans l'interprétation de la
limitation de la mobilité cervicale. ETAT ANTERIEUR ET CONDUITE DE L'EXPERTISE
Malgré ces difficultés, il est du devoir de l'expert d'approcher le plus
près possible la réalité de l'état antérieur et de ses conséquences, de
« débrouiller » son intrication avec les séquelles dans la constitution du
dommage. Il lui reviendra de définir les limites de cette intrication en
établissant ce qui revient à l'un et à l'autre et en tentant de tracer ce
qu'aurait été l'histoire naturelle de la pathologie préexistante dans son
pronostic si l'accident n'était pas survenu. Il devra ainsi décrire l'état
physiologique de la victime avant et après l'accident de service, ce qui
lui permettra de chiffrer le taux d'incapacité permanente qui en résulte.
Ceci est rappelé dans sa mission. Nous ne citerons que la partie de la mission ayant trait à l'état
préexistant :
Etat préexistant à l'événement reconnu imputable Un état préexistant n'est pas forcément invalidant par rapport à
l'affection pour laquelle l'agent formule une demande d'indemnisation.
Aussi, avant de caractériser un état préexistant et de le retenir dans le
calcul du taux, il convient d'indiquer s'il existe un rapport d'aggravation
entre les séquelles présentées et l'affection antérieure et de préciser la
nature du lien d'aggravation. En conséquence, il convient de se poser les questions suivantes :
Les séquelles directement imputables sont-elles indépendantes de
l'affection antérieure ?
Si tel n'est pas le cas :
. ces infirmités atteignent-elles le même membre ou le même organe et
altèrent-elles la même fonction (ce qui correspond à un lien
fonctionnel d'aggravation) ?
Si oui : préciser le taux intrinsèque d'aggravation et le taux initial de
l'état antérieur.
. En l'absence de lien fonctionnel d'aggravation, existe-t-il une
relation médicale d'aggravation ?
Si tel est le cas, cette aggravation est-elle médicalement séparable de
l'affection initiale ?
Si oui : préciser le taux intrinsèque d'aggravation et le taux initial de
l'état antérieur.
Si non : chiffrer le taux global d'invalidité est estimer le taux initial
de l'infirmité préexistante.
Trois points sont à retenir dans cette mission : - établir le lien de causalité certain, exclusif ou non avec l'accident,
- noter l'existence d'un état antérieur et s'il interfère avec les
séquelles,
- chiffrer le taux de cet état antérieur : ce chiffrage n'existe pas dans
l'expertise en droit commun où l'on se contente de décrire l'état
antérieur et de chiffrer l'IPP imputable. Ici on doit chiffrer l'état
antérieur, en pourcentage, ce qui constitue une originalité de cette
mission. Comment chiffrer cet état antérieur ?
Si la victime déclare que cet état était parfaitement asymptomatique ou
qu'il n'existait pas, et que la clinique et les examens complémentaires
concourent à le confirmer, le taux relatif à l'état antérieur est nul. S'il existait un état antérieur symptomatique, il conviendra de le chiffrer
comme on le fait pour le taux d'invalidité permanente imputable, suivant le
barème indicatif d'invalidité annexé au Code des Pensions civiles et
militaires de retraites.
EXEMPLES DE CAS CLINIQUES
Premier cas : Séquelles imputables sans rapport avec l'état antérieur. Mme VEL..., née le 12/11/61, ASEM.
Le 04/01/05, butte sur un obstacle dans l'école et se tord le pied droit.
CMI : «fractures 2ème + 3ème métatarsiens pied droit».
Arrêt jusqu'au 10/03/05 + soins.
Antécédents :
* Fracture du poignet gauche en 2004,
* ulcère gastrique en 1999,
* colique néphrétique en 2002.
Consolidation par le médecin agréé le 03/09/2005 :
IPP imputable de 2% + état antérieur de 6% n'interférant pas avec les
séquelles de l'accident.
Remarque : il faut éviter de faire figurer les antécédents sans rapport
avec l'accident de service. Deuxième cas : Séquelles imputables non indépendantes de l'affection
antérieure.
Mr MAR..., né le 18/06/57, agent d'entretien (espaces verts).
Le 28/10/04, il glisse : pied et jambe droite passent à travers une grille
d'entourage de pied d'arbre.
CMI : «Hématome + contusion du genou droit. Arrêt jusqu'au 05/11/04».
Arrêt longuement prolongé jusqu'au 13/02/05, suivi de soins.
Antécédents :
* Entorse grave genou droit en 97, d'où ligamentoplastie du croisé
antérieur.
Examen : genou droit sec, stable, freiné en flexion, discret tiroir
antérieur, amyotrophie modérée de cuisse droite.
Consolidation le 13/02/05 : état antérieur non imputable : 5% et IPP
imputable 0%