Fernand Grenier - Au pays de Staline - Archives - Chez

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Introduction aux espaces de Sobolev : Hm et H0m, notions de trace, les ...

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VIVE LE
MARXISME-LENINISME-MAOÏSME !
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FERNAND GRENIER AU PAYS DE STALINE « C'est au bord de la Neva, de la Vistule et de la Volga
que se décide en ce moment le sort de l'Europe nouvelle et
de l'humanité future... »
« Nos pères de 89 ont enseigné à l'Europe la révolution
bourgeoise et voici qu'en retour, les prolétaires russes
nous donnent des leçons de révolution sociale. » (Anatole
France, 1905) « Le c?ur battant, je pénétrai dans ce monde nouveau,
voulu par les travailleurs et façonné par eux. » (Maurice
Thorez, Fils du peuple.)
|Sommaire : |
|Chapitre I - Premier contact (p. 2) |
|Chapitre II - Rattraper et dépasser (p. 5) |
|Chapitre III - Le socialisme à la campagne (p.|
|12) |
|Chapitre IV - Le niveau de vie (p. 20) |
|Chapitre V - L'homme nouveau dans un monde |
|nouveau (p. 28) |
|Chapitre VI - Deux géants de la pensée et de |
|l'action (p. 31) |
|Chapitre VII - Du passé, faisons table rase |
|(p. 45) |
|Chapitre VIII - Oui... mais la liberté ? (p. |
|53) |
|Chapitre IX - Le bastion de la paix (p. 60) |
|Chapitre X - L'U.R.S.S. et la France (p. 67) |
|Chapitre XI - L'antisoviétisme contre la |
|France (p. 78) |
|Chapitre XII - Le devoir (p. 98) |
|Chapitre XIII - En manière de post-scriptum |
|(p. 102) | Chapitre I - Premier contact
C'était le 3 novembre 1933. Depuis près de quarante heures, le rapide nous
emportait vers la Russie soviétique. Nous - c'étaient des ouvriers et des
paysans de France mandatés pour « aller voir ce qui s'y passe » et dont le
voyage avait été payé, franc par franc, par d'autres ouvriers ou paysans.
Nous étions vingt. Il y avait des métallos parisiens : un délégué de chez
Lavalette (une usine de Saint-Ouen), intelligent mais râleur ; un deuxième,
anarchiste, tourmenté, rêveur d'absolu, envoyé par les ouvriers de l'usine
Hotchkiss de Saint-Denis ; un troisième de chez Citroën à Clichy, un peu
hâbleur. Des gars du Nord : un docker de Dunkerque, infatigable joueur
d'harmonica, un jeune de Boulogne-sur-Mer, insouciant et gamin au possible.
Un ouvrier de la chaussure de Romans, - au tempérament « anar », lui aussi,
trouvant toujours un malin plaisir à contredire, mais qui devait souscrire
un mois plus tard, et le plus généreusement, à l'emprunt du second plan
quinquennal. Un métallurgiste de Marseille au nom chantant de Paniate, mais
qui, peu loquace, faisait mentir la tradition qui veut que le Marseillais
soit conteur d'anecdotes et toujours boute-en-train. Un infirmier de Paris
qui avait beaucoup lu et, surtout, beaucoup retenu. Et puis un magnifique
groupe de paysans : un jeune ouvrier agricole du Loir-et-Cher, Robert
Paumier, volontaire, ardent, qui devait devenir à son retour un des
meilleurs propagandistes des « Amis de l'U.R.S.S. » ; le père Creuzier, de
l'Allier, dont la barbe fleuve devait connaître un beau succès en U.R.S.S.,
surtout chez les kolkhoziens ; le Corrézien Paucard qui allait remplir de
gros carnets de notes et qui s'en servirait au retour pour rédiger un gros
livre ; un vigneron, maire d'une petite commune du Gard et le fameux Simon,
un petit propriétaire de Carnoules, dans le Var, « avé l'assent », son
inénarrable bonnet de coton, ses économies placées dans un sachet dissimulé
sur sa poitrine, sa lourde couverture, ses valises invraisemblables, - «
comme s'il faisait un voyage autour du monde » plaisantaient les autres. -
Pour compléter notre caravane, un grand géant aux moustaches de Gaulois et
au nom de Moineau, originaire d'Epernay ; un délégué des coopératives,
compatriote de Marcel Cachin ; un postier de Rouen ; un artisan de Cadenet,
dans le Vaucluse, membre du Parti socialiste et un cheminot communiste de
Lyon.
Telle était la délégation qui, depuis deux jours et deux nuits, n'avait
quitté les banquettes de bois des troisièmes classes que pour aller au
wagon-restaurant, où nous faisions d'ailleurs scandale parmi les gros
bourgeois allemands portant insigne à croix gammée ou les officiers
polonais rutilants ; scandale parce que nos vêtements et nos allures
dénotaient notre classe sociale ; scandale aussi parce que les Français, ça
s'interpelle, ça raconte des histoires, ça fait toujours assez de bruit...
Nous avions traversé de bout en bout l'Allemagne et vu ses gares propres
mais vides, ses cheminées éteintes, ses usines mortes, ses policiers nazis
inquisiteurs et arrogants s une lourde atmosphère de chômage, de misère et
de terreur, personne n'osant nous parler. Hitler régnait depuis près d'un
an.
De notre wagon, nous avions fait connaissance avec la Pologne, plaines
vastes et pauvres, misérables masures des paysans groupées autour de
l'écrasante église, seul bâtiment de pierres ou de briques, paysages gris
et monotones. Nous arrivions enfin à la dernière gare polonaise : Stolpce.
L'animation de nos compartiments s'était brusquement arrêtée : plus
d'harmonica, ni de parties de belote, ni de discussions. Plus un seul
d'entre nous ne ressentait encore la fatigue de deux nuits sans sommeil.
Car la curiosité était également vive chez tous ces hommes qui, l'avant-
veille, ne se connaissaient pas mais qu'avaient rapproché deux jours de
voyage en commun. La curiosité et la joie d'arriver. Notre patience devait
être mise à dure épreuve, - une heure d'arrêt pour les diverses formalités
de sortie du territoire polonais. Après soixante minutes d'attente, le
train reprenait sa course, mais nous en avions encore pour un quart d'heure
avant d'atteindre la frontière. De chaque côté de la voie, une forêt
épaisse ; nous arrivions à l'extrême limite des deux pays. A nouveau un
arrêt - ça ne finirait donc jamais ? - Les gendarmes polonais descendaient
à même la voie, gardée de chaque côté par une sentinelle, baïonnette au
canon. Nous apercevions, filant à l'horizon, à perte de vue, une double
rangée de fils de fer barbelés. En face de nous, la fameuse porte d'entrée
avec au fronton le drapeau rouge et les grandes lettres C.C.C.P.
(U.R.S.S.). Le train - enfin ! - repartait lentement, et dès l'arc franchi,
nous apercevions les premiers citoyens soviétiques : un groupe d'une
douzaine de soldats vigoureux, bonnet mongol, longue capote grise et avec
eux, autant de jeunes filles, dorées comme les champs d'Ukraine avant la
moisson, nous souriant gentiment et nous faisant de la main un signe
amical. Alors, il se passa ceci : spontanément, notre groupe entonna
l'Internationale.
Nous avions tous la gorge serrée et des larmes plein les yeux. Les soldats
se mirent au garde-à-vous et, avant que nous eussions terminé, ils
reprirent l'hymne, plus lentement, et leurs belles voix graves montèrent
dans la nuit qui bleuissait déjà les choses et les gens.
Le monde va changer de base...
Nous ne sommes rien, soyons tout !
L'émotion était à son comble. D'une voix puissante, l'un des soldats cria :
« Salut, frères! » et nous-mêmes poussâmes un hourra retentissant...
Quelques minutes plus tard, nous arrivions à Niégoréloïé : la population de
la petite station frontière nous attendait avec ses pionniers, ses
drapeaux, son orchestre. Le délégué des cheminots nous salua d'un vigoureux
discours. « Vous êtes ici chez vous ! » Notre joie était telle que nous
aurions embrassé tout le monde. Une heure plus tard, après un copieux
repas, nous étions installés sur nos couchettes en route pour Moscou. Tel
fut notre premier contact avec les bâtisseurs du monde nouveau. Cinq fois,
j'ai repassé la frontière avec d'autres ouvriers, d'autres paysans. Une
fois aussi avec des instituteurs et professeurs. Une autre fois encore avec
des touristes. Je mentirais en disant que l'enthousiasme atteignait chez
tous le même degré. Je n'ai cependant vu personne rester indifférent.
Comment expliquer cet attrait de l'Union soviétique ? Pour les ouvriers,
rien de plus simple. Ils ont le sentiment de la solidarité prolétarienne.
Cette solidarité, ils l'ont apprise dès l'entrée à l'usine - où il faut se
serrer les coudes si l'on veut défendre les intérêts qui sont communs au
voisin d'établi. Ils l'ont complétée dans les manifestations où l'on ne
forme plus qu'un seul c?ur, une seule volonté, une seule masse de
combattants pour la même idée. Ce sentiment, ils l'ont ressenti souvent et
profondément dans leur rude existence en versant leur obole pour les
camarades en grève, en cessant le travail par solidarité pour une
corporation en lutte, en se levant pour arracher au bagne les marins de la
mer Noire, en allant collecter - en 1920 - de porte en porte pour les
affamés de la Volga, en se levant pour protester contre l'exécution de
Sacco et Vanzetti. Ce sentiment, ils l'éprouvaient intensément quand ils
suivaient avec passion la lutte opiniâtre de Dimitrov contre les juges
nazis de Leipzig, quand ils partaient combattre dans les brigades
internationales à la fois pour la liberté du peuple espagnol et la sécurité
de la France ou quand