Xavier Malbreil, Naissance d'une critique des littératures ... - UTC

UN EXAMEN DE LA LITTÉRATURE ÉCONOMIQUE. Quelques précisions
terminologiques ... Les sept géants. 1.1. Aol Time Warner. 1.2. Bertelsmann. 1.3.

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Naissance d'une critique des littératures informatiques La liste de discussion E-critures existe depuis octobre 1999. Elle réunit
des auteurs, des universitaires, des journalistes, des lecteurs, qui tous
sont concernés au plus près par les « littératures informatiques ». Parmi
les sujets évoqués au fil des discussions de cette liste non modérée,
figure en bonne place l'examen des ?uvres de littérature informatique.
Qu'il s'agisse des nouveaux inscrits, attirés vers ce lieu d'expertise, qui
sollicitent d'emblée un regard critiques sur leurs ?uvres, ou bien des
auteurs plus établis, qui au fil de leurs nouvelles ?uvres, vont demander
un regard de leurs pairs sur leur travail, ils ont été suffisamment
nombreux ceux qui ont suscité des échanges critiques, les propos ont été
suffisamment argumentés autour d'?uvres de littérature informatique pour
pouvoir sinon disposer d'un matériau propice à l'analyse, tout du moins
pour établir de premières constatations.
L'examen de ces phases critiques, au cours desquelles la liste E-critures
se sera penchée sur les ?uvres, au cours desquelles les uns et les autres
auront fait assaut d'arguments, permettra-t-il de constater la naissance
d'une critique des littératures
informatiques, c'est la question que nous serons amenés à nous poser.
Pour cerner encore plus tôt notre propos, et le poser dans sa forme la plus
essentielle, nous pouvons le formuler ainsi : devant un objet artistique et
littéraire inédit, comment peut naître un regard critique ? Le lecteur
érudit va-t-il convoquer des savoirs plus anciens, et si oui lesquels :
littérature, philosophique, arts plastiques, jeux vidéo, informatique ? Du
dialogue critique autour de quelques ?uvres proposées par leur auteur, une
méthodologie va-t-elle se dégager ?
Enfin, la constitution d'un regard critique verra-t-elle l'occasion de
définir l'objet même de la liste, et encore mieux la nature même de(s) la
littérature(s) informatique(s).
En examinant trois phases précises, au cours desquelles la liste se sera
penchée sur l'examen d'?uvres de littérature informatique, nous allons voir
comment ces moments privilégiés sont l'occasion de mettre en lumière des
modes d'approche critique, des typologies, des problématiques - mais
également des lignes de partage, qui se révèleront aussi lignes de
fracture.
Enfin, nous serons notablement attentifs aux systèmes d'approche
privilégiés par les « critiques » de la liste. Selon quels critères
abordent-ils les ?uvres ? Quel type de lecture vont-ils faire ?
Instrumentale ? Formelle ? Sémantique ?
C'est la nouveauté de cette critique, par rapport à la critique littéraire
traditionnelle, que de devoir se soucier de trois critères pour asseoir son
discours :
- un critère technologique (l'?uvre fonctionne-t 'elle bien ? et que disent
les choix technologiques opérés) ;
- un critère formel (comment l'?uvre est-elle organisée d'un point de vue
de la navigation, et de l'emploi des comportements) ;
- un critère sémantique ;
Alors que les deux derniers critères pourraient trouver des points de
comparaison avec la critique traditionnelle, c'est l'apparition du premier
critère qui fait toute la spécificité de cette nouvelle critique. Nous
allons voir comment les trois critères peuvent se mêler, jouer les uns par
rapport aux autres, et comment les participants de la liste, en fonction de
leurs compétences et de leurs acquits culturels vont se situer par rapport
à ces trois critères.
1- De l'esthétique du test au test des esthètes.
Le premier des cas de figure étudié sera celui de Marc Mahé Petska, un des
auteurs les plus anciennement inscrits[1] sur la liste, qui se fait
connaître depuis de nombreuses années sur le Net sous le pseudonyme de E-
troubadour Marco[2].
Dans son message daté du 30 mai 2002, il demande à ses co-listiers de bien
vouloir l'aider dans une entreprise de « débogage » de son ?uvre.
Pourquoi la présente-t-il ainsi, c'est ce que nous allons examiner, après
avoir donné un aperçu de son message initial[3] :
«
salam,
en attendant la mise en ligne officielle, certains d'entre vous peuvent-ils
aller faire un tour là : http://e-troubadourz.org/marco/t2r/
et me signaler les erreurs éventuelles, les configs qui ne passeraient pas,
les
choses qui pourraient être améliorées, etc... ?
En échange, promis, je rattrape tout mon retard de discussion sur la liste
;)
Merci d'avance
marco » Le terme « Débogage » figure dans le champ « objet » de son message, et
nous devons l'expliciter.
Débogage (en anglais : debugging) est formé sur le mot « bug », qui désigne
un incident informatique. Le débogage indique des procédures de lecture et
de vérification aux termes desquelles d'éventuels problèmes liés au
fonctionnement du programme auront été identifiés par les testeurs et
corrigés par le programmeur.
Le terme « débogage » est un terme lié à l'informatique, et d'apparition
récente dans le vocabulaire.
Nous soulignons le fait que E-troubadour Marco ne demande pas une lecture
de son ?uvre, mais une procédure de vérification. Le fait que cet auteur
provienne du milieu du jeu vidéo, et qu'il soit un concepteur de jeu
professionnel, influence évidemment sa formulation. On pourrait également
parler d'une « démarche qualité », procédure bien connue dans le milieu de
l'industrie, mais peu courante dans le domaine de la littérature ou des
arts plastiques. Cela évidemment nous informe sur la nature de la
littérature informatique : elle véhicule un contenu, bien entendu, mais
elle a besoin d'une technique avancée qui en elle-même véhicule des
contenus. Un livre a également besoin de technique pour être produit,
certes, mais cette technique disparaît de l'objet final, le livre, tandis
que la technique informatique est presque autant présente dans la réception
que dans la conception, ce qui change bien des choses. Le lecteur, et cela
a déjà été beaucoup souligné, se trouve en effet dans la même configuration
que l'auteur, pratiquement en face des mêmes appareils , disposant des
mêmes logiciels. La relation entre les deux, auteur et lecteur, s'en trouve
forcément modifiée.
Cette technique, omniprésente, mais néanmoins pas encore totalement
stabilisée, et qui pose souvent des problèmes de compatibilité entre
différents systèmes, a donc besoin d'être éprouvée. C'est ce que demande E-
troubadour Marco.
Signalons tout de suite, pour mettre en perspective cette étude de cas,
l'article d'Olivier Séguret dans le journal Libération, intitulé
« L'esthétique du test » [4], où l'auteur pointe l'absence d'un discours
critique spécifique en matière de jeu vidéo. Dans son analyse, le
journaliste souhaite l'avènement d'une critique enfin « adulte » qui se
concentrerait sur les contenus, davantage que sur des notions d'opérabilité
et de jouabilité. Ce point de vue pourrait servir de préambule à notre
propos.
Dans son message initial, E-troubadour Marco demande également de tester
les « configs qui ne passeraient pas ». Le terme « config » abréviation du
mot « configuration » désigne le mode de réception de l'?uvre, en fonction
du matériel (PC ou Apple) et des logiciels utilisés. L'?uvre informatique
n'est donc pas universelle, loin s'en faut. Elle est étroitement dépendante
de formats, de choix techniques, qui par ailleurs dessinent des clans (les
pro-PC, les pro-Apple, Pro-Linux, Pro-Windows, etc...), des appartenances
socio-professionnelles (Apple apprécié par les professionnels de la filière
graphique, et journalistique, PC adopté par l'immense masse des
utilisateurs pour sa simplicité et sa ...popularité, gage de
compatibilité).
Nous notons également que l'emploi d'une forme abréviée, signe de
reconnaissance entre personnes partageant les mêmes acquits culturels, est
tout à la fois un facteur de resserrement du champ, par la création de
cette connivence, et une façon d'induire un certain type de commentaire,
tout à la fois bienveillant et orienté vers l'examen technique. Après que
Marco aura posté son message initial, pas moins de 18 messages suivront,
qui feront le point sur l'?uvre proposée. Mais avant d'analyser la teneur
de ces messages, présentons l'?uvre de Marco, qui est restée en ligne à la
même adresse : http://e-troubadourz.org/marco/t2r/ Les trois derniers signes de l'URL, « t2r », donnent de façon phonétique,
et à la mode anglo-saxonne, le titre de l'?uvre « Technique de
résistance », le « 2 » se lisant « two ». « Techniques de résistance »,
donc, se présente comme une suite de questions et de réponses dessinant ce
que l'on pourrait appeler un « livre de sagesse ».
Deux parties composent ce parcours : « Techniques usuelles » et
« Techniques secrètes ». Le lecteur doit répondre à un certain nombre
d'énigmes, et placer dans des « champs de texte » des codes qu'il devra
trouver à l'intérieur de l'?uvre.
Il paraît donc évident que cette ?uvre n'est nullement un jeu vidéo. De ce
dernier elle emprunte seulement quelques modes opératoires, comme le fait
de devoir passer par un certain nombre de paliers pour atteindre un
résultat final. Bien que l'auteur ne l'ait pas demandé explicitement, il
apparaissait comme certain que les membres de la liste allaient tester le
parcours en lui-même, et non seulement la première page de l'interface.
Pour tester ce parcours, ils ne pouvaient se mettre qu'en position de
lecteur ! C'est donc bien à une lecture de son ?uvre que E-troubadour Marco
invitait, sous couvert de test.
Voyons si les lecteurs auront fait leur travail de lecteur !
Le premier message de réponse sera le 1374[5], en provenance de l'auteur de
cet article : « Salut Marco,
j'ai essayé "techniques usuelles" et j'ai eu une succession de pop-up av