sommaire - S2PB

Possible vers le master « Chimie et Biologie », après examen des requêtes par
..... Tables de cristallographie; Détermination structurale: les méthodes ; Lecture
...... PRINCIPES DE CRISTALLOCHIMIE ; APPLICATIONS DE LA DIFFRACTION.

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LE JOURNAL DU CNRS numéro 242 Mars 2010
TITRE : Nature SOMMAIRE : Linguistique : Du geste à la parole
Astronomie : Le trésor de la carte aux étoiles
Chimie : Le catalyseur est à l'intérieur
Médecine : Nouveau progrès contre la mucoviscidose
Glaciologie : L'atmosphère allégée en mercure
Agronomie : Le génome du maïs décodé
Anthropologie : Néandertal ressurgit du placard
Physique : Des photons attrapés au vol
Géophysique : Naissance d'un océan
Valorisation : Des inventions lucratives
Transports : Récupérer la chaleur des moteurs
Le temps des régions
Thomas Mariotti : Un grain de philo dans la finance
Minéralogie : Les joyaux de la Terre
Archéologie Préventive : Sous les chantiers, l'histoire
Sciences humaines et sociales : Des chercheurs sous protection
Mathématiques : Le site qui fait aimer les maths
Histoire : Les manuscrits renaissent de leurs cendres
Brèves
Yannick Mellier, astrophysicien : Traqueur de l'invisible
Laboratoire européen associé : Voyage au c?ur de l'os
Enquête : Sexualité, famille, maladie, mort : Ce que nous révèlent les
tabous
Linguistique : Du geste à la parole Au Laboratoire parole et langage (Unité CNRS Université de Provence) d'Aix-
en-Provence la multidisciplinarité n'est pas un vain mot. Cette diversité
permet de mener des recherches aussi innovantes qu'ambitieuses pour
décrypter la parole sous toutes ses formes. Il faut quelques minutes pour
s'habituer au silence étouffant de la chambre sourde. Pas très à l'aise,
les langues d'Armelle et Christine se délient petit à petit, puis la
conversation devient plus naturelle. Elles jouent les cobayes pour le
Laboratoire parole et langage (LPL) d'Aix-en-Provence. Leur dialogue est
filmé et enregistré pendant une heure. « Nous avons déjà tourné huit heures
de vidéo. Cet ensemble de données, ou corpus, nous permet d'étudier les
différents moyens de communiquer », explique Roxane Bertrand. La linguiste
et ses collègues s'intéressent aux sons (ou phonèmes), aux mots, aux
intonations, aux gestes, aux mimiques, mais aussi aux interactions entre
ces modes de communication. Bref, ce corpus rassemble de quoi satisfaire
toutes les spécialités de la linguistique. Une particularité à l'image de
ce laboratoire car le LPL, créé en 1972, est éminemment multidisciplinaire.
Les sciences du langage y sont étudiées en abordant tous les champs de la
linguistique : phonétique (sons), prosodie (rythme et intonation),
morphologie (forme des mots), syntaxe (structure des phrases), sémantique
(sens des mots et des énoncés), pragmatique (étude dans un contexte), mais
également d'autres disciplines comme la psychologie, les neurosciences, la
médecine, l'acoustique ou l'informatique. En tout, 86 membres permanents et
quelque 80 doctorants en font l'un des plus gros laboratoires d'Europe dans
son domaine. « Ici, nous avons la chance de tous partager un projet
scientifique commun, la compréhension des mécanismes de production et de
perception du langage et de la parole, mais aussi une approche scientifique
: la linguistique expérimentale », souligne Philippe Blache, directeur du
LPL. Ainsi, depuis quelques années, les scientifiques étudient des
conversations spontanées plutôt que des phrases ou des mots lus, comme ce
fut longtemps l'usage. Pour le directeur, « la linguistique est une
discipline relativement jeune et cette nouvelle approche, à la fois plus
expérimentale et plus ancrée dans le réel, est un signe de maturité. » D'où
les enregistrements audio et vidéo permettant de créer des corpus qui
constituent véritablement le banc d'expérimentation du linguiste. L'un
d'entre eux, le CID - pour Corpus of Interactional Data [corpus de données
interactionnelles, NDLR] - est un projet particulièrement important.
L'objectif est de rendre compte de tous les modes de communication à
l'?uvre dans une conversation. Par exemple, Roxane Bertrand observe sur la
vidéo comment, après une pause, Armelle et Christine reprennent la parole
exactement au même moment, « un peu comme si un silence ne pouvait pas se
prolonger au-delà d'un laps de temps qui serait le même pour tout le monde.
» L'étude du CID devrait permettre de déterminer les principes sous-jacents
qui régissent les conversations afin d'identifier les codes de
communication communs à chacun de nous, non seulement pour mieux les
comprendre... mais aussi pour développer par exemple des systèmes de
dialogue entre un homme et un avatar dans un environnement de réalité
virtuelle. Selon la chercheuse, « la prise en compte de tous les modes de
communication est au centre de l'analyse linguistique moderne. » Elle
indique comment se combinent les différentes ressources dont disposent les
locuteurs pour construire et véhiculer du sens. « Par exemple,
l'acquiescement que vous faites quand vous m'écoutez est ce qu'on appelle
un back channel. En réalité, c'est moi qui le provoque en ajustant le ton
de ma voix de telle sorte que vous ne m'interrompiez pas tout en m'assurant
que vous suivez bien ce que je vous dis. » Mais pour l'heure, ce CID n'est
pas simple à réaliser. La première difficulté est l'élaboration d'une
représentation de l'information commune à tous les champs de la
linguistique. Concrètement, les vidéos sont analysées par plusieurs
logiciels faisant apparaître à l'écran des sortes de pistes de lectures
synchronisées sur l'image et le son. Chacune de ces pistes contient des
annotations extrêmement détaillées pour tous les domaines linguistiques.
Par exemple, l'analyse des mimiques et des gestes utilise une piste pour le
regard, une pour les sourcils et quatre pour les mains. Une piste décompose
chaque phonème un à un, une autre, les syllabes, etc. Un ouvrage de Titan !
Heureusement, à l'étage en dessous, les informaticiens du LPL s'affairent
pour automatiser autant que possible ce fastidieux travail d'annotation.
Parmi eux, Stéphane Rauzy, ex-astrophysicien reconverti aux sciences du
langage. Les logiciels qu'il a développés décomposent et identifient
automatiquement certaines caractéristiques telles les informations
morphosyntaxiques d'un mot (nom commun, masculin, pluriel...), les syllabes
ou les intonations. Les bases de ces logiciels sont aussi précieuses pour
améliorer les correcteurs orthographiques ou les outils de traduction. Mais
l'application dont l'ex-astrophysicien est le plus fier est la plateforme
de communication alternative (PCA) destinée aux personnes handicapées dont
l'élocution est difficile et la motricité réduite. Il s'empresse de nous
faire une démonstration de ce logiciel d'aide à la communication : la PCA
fonctionne un peu comme le mode d'écriture automatique des SMS sur un
téléphone portable. Elle propose, grâce à un système de probabilité, une
liste de mots pouvant suivre ce qui vient d'être écrit et qu'il suffit de
sélectionner en un seul clic de souris. Car le but est justement de limiter
le nombre d'interaction pour rendre la communication moins fastidieuse. Par
exemple, la phrase « je dois prendre le train » peut être formulée en
seulement 6 clics ! Un premier pour sélectionner le « j », un deuxième pour
choisir « je » dans la liste de mots proposés, un troisième pour garder «
dois » dans la nouvelle liste qui s'affiche, et ainsi de suite. Autre volet
des recherches menées ici : l'étude des mécanismes physiques de production
de la parole. Alain Ghio du LPL rappelle qu'« émettre des sons
compréhensibles est l'une des actions les plus compliquées du comportement
humain, elle implique une centaine de muscles différents. » Le son est
produit par l'air des poumons qui passe entre les cordes vocales. Plus ou
moins aigu, il est alors modulé par l'ouverture de la mâchoire, des lèvres,
par la position de la langue ou du voile du palais pour aboutir à un
phonème. Alain Ghio jongle avec plusieurs appareils capables d'étudier tous
ces mécanismes. L'un des plus complets est le système d'évaluation vocale
assistée (Éva). Au premier abord, la machine ne paie pas de mine : un
simple cornet fixé sur un pied se place devant la bouche et un collier
s'attache autour du cou au niveau des cordes vocales. Le tout est relié à
un ordinateur. Mais Éva permet d'enregistrer les sons, leur hauteur, leur
intensité, de mesurer le débit d'air oral et nasal grâce à des capteurs de
pression et de visualiser le mouvement des cordes vocales par signaux
électriques. Aujourd'hui le dispositif n'est plus seulement un outil de
recherche, il est commercialisé par la start-up SQ-Lab, qui en a obtenu la
licence, auprès des hôpitaux comme une aide précieuse au diagnostic et à la
rééducation de la voix. « Éva permet des examens non invasifs. Par exemple
la mesure d'un débit d'air oral trop important peut révéler un mauvais
accolement des cordes vocales », explique l'ingénieur. Mais pour l'heure,
au LPL, ce sont des patients atteints de la maladie de Parkinson qui
viennent se prêter aux analyses d'Éva. Les chercheurs évaluent l'effet des
médicaments sur les troubles de la parole associés à cette maladie
neurodégénérative. « L'étude des dysfonctionnements liés à cette maladie
nous aide à comprendre les mécanismes d'élaboration des sons dans le
cerveau », précise Serge Pinto, neurophysiologiste au LPL. Le chercheur
travaille aussi à partir de l'imagerie par résonance magnétique
fonctionnelle (IRMf). Les images obtenues mettent en évidence les zones
activées dans le cerveau lors d'une action donnée. Grâce à elles, Serge
Pinto a mis en évidence un élément étonnant chez les patients atteints de
la maladie de Parkinson : les zones