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Puisque les questions de l'examen ne visent qu'à contrôler la maîtrise par les ....
Mais, le jour de l'examen, ils donnent parfois des sujets sur n'importe quelle ...
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Jacques AGNES Pour une autre réforme du collège...
Novembre 2004
Introduction en forme d'avertissement, ou l'inverse. La présente contribution est strictement d'initiative personnelle. Les
analyses et propositions qu'elle contient n'engagent que l'auteur et en
aucune façon une organisation syndicale ou l'une de ses sections. Pour
autant, cette réflexion s'est naturellement nourrie des discussions,
échanges et débats menés dans le cadre d'un engagement syndical militant,
comme elle s'est nourrie d'une pratique professionnelle de l'enseignement,
en collège comme en lycée, ainsi que de diverses expériences personnelles.
Elle ne saurait donc être confondue avec les mandats et propositions
collectivement élaborés dans telle ou telle structure syndicale, mais elle
a pour ambition de contribuer à l'existence d'un véritable débat sur
l'Ecole dans la société française et, pour cela, au sein de tous les
groupes constitués qui partagent la volonté et l'ambition d'une
transformation de la société, et donc de son Ecole, dans le sens de
l'égalité des droits : associations, partis politiques de progrès,
organisations syndicales et professionnelles, etc. Tous les aspects, analyses et propositions concrètes, peuvent en être
critiqués ou réfutés. D'autres propositions peuvent être faites, en
complément ou en opposition : c'est la règle essentielle de cette forme
d'intelligence collective que l'on appelle la démocratie. L'impossible réforme ? S'il est un sujet qui, dans notre pays, engendre des flots d'encre et
de salive, c'est bien celui de l'éducation. Ouvrages, articles,
témoignages, projets de réformes, rapports « d'experts », émissions
radiophoniques et télévisuelles déferlent, principalement aux alentours de
la rentrée scolaire, ou encore à proximité des choix d'orientation et des
examens de fin d'année. La catégorie la plus médiatisée est bien sûr celle des brûlots
polémiques : un titre accrocheur, « la vérité sur... », « ce qu'on vous
cache... » ; une démonstration d'autant plus convaincante qu'elle décrit
moins la réalité de l'Ecole et des pratiques pédagogiques que l'idée que
l'auteur s'en fait, ou plus exactement celle qu'il veut en donner. Sont
ainsi dénoncées, avec d'autant plus de véhémence qu'il ne se trouve
personne pour prendre la défense de telles caricatures, la « méthode
globale », qui, si elle a jamais été complètement mise en ?uvre, est
abandonnée depuis longtemps, « les cours magistraux », expression désuète
qui témoigne surtout de l'ignorance de l'auteur en fait de réalité des
pratiques pédagogiques, « les savoirs encyclopédiques », expression plutôt
incompréhensible, d'autant que cette accusation côtoie souvent celle de
« l'ignorance des élèves » ou de la « baisse du niveau ». Il est bien plus
facile de dénoncer des archaïsmes lorsque l'on décrit une Ecole qui, si
elle a jamais existé, est révolue depuis longtemps. En règle générale, ces
ouvrages s'en prennent également au conservatisme des enseignants et de
leurs organisations syndicales et concluent à l'impossibilité d'une
réforme de l'Education Nationale, comparée à l'ex « Armée Rouge », y
compris depuis la disparition d'icelle. Une seconde catégorie d'analyses est également largement médiatisée -
les émissions audiovisuelles, comme les ouvrages dont elles assurent la
promotion sont d'abord des produits commerciaux - il s'agit de celles qui
feignent la compassion vis à vis des enseignants confrontés à des
situations qui désormais les dépassent : diversité culturelle des élèves,
pertes de valeurs morales, disparition du respect de l'institution et de
ses personnels, actes de violence, etc. Ces ouvrages concluent généralement
à l'impossibilité du collège pour tous et à la nécessité d'évincer du
service public d'éducation un certain nombre d'enfants de façon précoce.
Ils sont plus pernicieux et plus dangereux que les caricatures de la
première catégorie, car, s'il ne décrivent pas la réalité générale, ils
correspondent à des réalités vécues ici ou là, y compris en s'appuyant sur
des expériences et témoignages d'enseignants. S'ils s'accordent
généralement sur l'idée que l'Ecole, telle qu'elle est, n'est pas adaptée à
certains élèves - d'aucuns avançant même la thèse redoutable que certains
adolescents ne seraient pas adaptés à l'Ecole - ils divergent sur les
solutions : structures spécifiques, orientation précoce (vers quoi ?),
apprentissage, etc. Chacun, et aussi chaque saison, délivre sa réponse. Quelle que soit l'entrée privilégiée, certains de ces théoriciens
imaginent parfois La Solution Miracle. Elle peut être structurelle :
aujourd'hui l'universelle panacée s'appelle « décentralisation », voire
autonomie des établissements. Aucune démonstration ni aucune argumentation,
un simple acte de foi : que les établissements, les personnels, les
familles, les collectivités territoriales s'emparent de la question
éducative et inventent chacun leurs réponses, l'Education cessera d'être
nationale et les responsables politiques du gouvernement seront délivrés du
fardeau... Autres réformes radicales, ce sont les vaticinations des chantres du
progrès technique : hier la télévision, aujourd'hui l'informatique et
Internet, demain les robots intelligents, auraient dû, doivent, devront
révolutionner l'enseignement, faire voler en éclat la classe archaïque.
Comme on n'est pas à un paradoxe près, on dénonce les cours magistraux, que
les enseignants ne pratiquent plus, pour imaginer des classes virtuelles où
un seul professeur s'adresserait à tous les élèves de France et de Navarre
par téléconférence vidéo et clavier d'ordinateur ! Ou encore ce pédagogue,
très imbu de lui-même et de ses travaux, publiant plusieurs ouvrages, seul
ou en collaboration, pour brocarder ceux qui ne savent qu'exiger des
« moyens » sur l'air des lampions, alors que la solution à tous les maux
dont souffre l'Ecole n'est à chercher que dans la relation pédagogique ;
celui-là aura au moins le mérite de faire sourire : nommé à la tête de
l'INRP[1], il en démissionnera très vite, considérant qu'il ne peut mener à
bien sa mission puisque on lui refuse... les moyens nécessaires. Enfin, quelques « laudatores temporis acti », célèbrent les mérites de
l'Ecole d'autrefois, mêlant la nostalgie des blouses grises, de l'odeur
d'encre violette et des plumes sergent-major à de véritables projets de
régression tels que la fin de la mixité ou encore l'éviction précoce vers
ce que plus personne n'ose appeler la « vie active ». Ceux-là semblent
oublier qu'à leur âge d'or, l'accès aux études secondaires était loin
d'être ouvert à tous, pour ne pas parler du baccalauréat et des études
supérieures. Les ministres successifs, de droite comme de droite[2], puisent dans
ce fatras d'analyses et de projets de réformes, à moins qu'ils n'en aient
suscité quelques-unes pour justifier par avance les décisions qu'ils
s'apprêtaient à prendre. La légende d'une Education Nationale impossible à
réformer n'est pas imputable aux personnels qui depuis des décennies ont su
adapter leurs pratiques professionnelles à toutes les évolutions
culturelles et sociales, aux générations nouvelles d'élèves et à
l'augmentation du nombre de ceux qui accédaient aux deux cycles du second
degré et aux études supérieures. En revanche la façon dont s'est illustrée
la volonté « réformatrice » du pouvoir n'est sans doute pas pour rien dans
la genèse de la légende. La méthode est connue et répétée : les difficultés et
dysfonctionnements sont relevés, mis en avant, ils ont parfois été
délibérément organisés, les succès et réussites sont ignorés ou niés ; le
ministre commande quelques rapports ; on laisse filtrer quelques unes des
mesures les plus extrêmes qui n'ont d'autres fonctions que celles de
chiffon rouge ; face à l'émoi suscité, le ministre rassure, et fait passer
le reste, préparé par les mêmes hauts fonctionnaires, restés en place
quelle que soit la couleur du gouvernement ; ce n'est plus une réforme
d'ensemble[3], le projet général existe, certes, mais il n'est jamais mis
en débat, on se contente de mesures ponctuelles, dont la cohérence
d'ensemble n'est pas immédiatement évidente ; cela touche à la gestion des
personnels, ou à des mesures pédagogiques limitées à un niveau
d'enseignement, d'abord présentées comme une expérimentation, très vite
ensuite généralisée, sans autre évaluation que l'affichage des effets que
l'on avait voulu a priori obtenir et parfois annoncés. Pour faire bonne
mesure, chaque ministre y va de sa marotte personnelle : l'enseignement
technique, les langues vivantes, l'usage de l'informatique, l'éducation
civique, « apprendre à apprendre » ; cela ne coûte rien, tout reste au
niveau de l'affichage, ce qui seul compte dans la démocratie du paraître.
Pourtant ces micro-réformes atteignent leur premier objectif : lorsque que
la profession se divise sur les « parcours diversifiés », « IDD », « TPE »,
« lycées des métiers », « nouvelles troisièmes », elle s'unit plus
difficilement contre la vraie réforme, celle qui n'est jamais dite, mais
qui progresse par petites touches. Depuis les années quatre-vingt, les mesures nouvelles, les programmes
et les instructions officielles qui les complètent, les décisions de
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