par Gérard BERTOLINI, économiste, Directeur de Recherche au ...

Et, plutôt que de se concentrer sur l'examen d'affaires particulières, il nous .....
dans l'examen des effets des accords d'échange d'informations en oligopole. Soit
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Le marché des déchets : structures et acteurs, croissance, concentration et
recompositions par Gérard BERTOLINI, économiste, Directeur de Recherche au CNRS,
Université de Lyon Le marché des déchets est caractérisé par la précarité de la concurrence.
Le processus de concentration y apparaît irrépressible. Un phénomène qui
n'est pas nouveau, mais qui tend à s'accélérer et à changer d'échelle. Les
fusions - absorptions d'entreprises conduisent à des groupes multinationaux
qui se développent et se recomposent suivant des configurations variées.
Alors que les groupes américains sont spécialisés, les leaders européens,
en particulier français, sont diversifiés et l'essentiel de leur chiffre
d'affaires n'est pas assuré par les déchets, mais par l'énergie et l'eau.
Quel sera le nouveau paysage résultant des recompositions et quels impacts
sur la stabilité du secteur pourra avoir le rôle croissant joué par la
finance et les fonds d'investissement ?
La théorie économique traite surtout, en premier lieu, de formes pures de
marchés, notamment la concurrence « pure et parfaite » et, à l'inverse, le
monopole ou le monopsone. Cependant, la concurrence parfaite implique un
nombre très élevé de vendeurs et d'acheteurs, l'absence de barrières à
l'entrée, un bien homogène et une information parfaite ; il s'agit d'un cas
d'école, ces conditions n'étant à peu près jamais remplies. Les théoriciens
ont ensuite considéré des formes altérées telles que la concurrence
imparfaite, le monopole relatif et non plus absolu, le duopole et
l'oligopole, la concurrence monopolistique, l'oligopole différencié. Les
structures concrètes de marché sont en réalité beaucoup plus complexes.
Pour juger de l'état de la concurrence ou du caractère plus ou moins
monopolistique dans un secteur ou une branche d'activité économique, une
analyse approfondie est requise. Ainsi, comme l'a écrit Joan Robinson [1],
« le degré de concentration d'une branche industrielle, mesuré par le
pourcentage de sa production produite par, disons, les trois plus grandes
entreprises, ou le degré de monopole, indiquant l'étroitesse des liens qui
lient les entreprises les unes aux autres, peuvent avoir peu de rapport
avec le degré de monopole du marché desservi par la branche si on
s'intéresse à la maîtrise des prix. Une branche industrielle inorganisée et
non concentrée peut comporter un grand nombre de petits monopoles très
solides sur des biens particuliers, tandis qu'une autre, hautement
concentrée ou très organisée, peut rencontrer sur quelques-uns de ses
marchés, ou sur tous, la concurrence des produits des branches
industrielles rivales qui sont des substituts de ses propres produits ».
Elle ajoute : « De nos jours, la définition d'une branche industrielle
pèche par un autre côté. De plus en plus, les grandes entreprises ont non
seulement un pied dans de nombreux marchés, mais dans beaucoup de branches
industrielles, sur plusieurs continents ; les liens entre leurs diverses
activités ne relèvent ni du savoir-faire, ni du marketing, mais seulement
de la puissance financière ». Il en résulte « un monde de monopoles ».
Les déchets constituent un secteur - ou une branche d'activités - qui
correspond à des marchés segmentés, suivant plusieurs arguments.
- Il faut distinguer différentes catégories de déchets, qui renvoient à
leurs producteurs ou générateurs, ainsi qu'à leurs caractéristiques ;
notamment : déchets ménagers ou ordures ménagères (OM), déchets
industriels, dangereux (DID) ou non (DIND), et il ne s'agit là que d'une
forte simplification de la réalité, qui se traduit par des nomenclatures et
catégorisations plus fines.
- Le cas des déchets ménagers et assimilés (DMA) ou des ordures ménagères
(ces deux catégories ne coïncidant que pour partie) renvoie à un monopole
public local, qui opère un certain cloisonnement du marché.
- Il convient de considérer l'importance relative des coûts de transport et
les barrières aux échanges entre pays, qui contredisent la vision d'une
économie ponctiforme et le postulat de fluidité.
- La gestion des déchets comporte des stades successifs, notamment la
collecte et le traitement, avec plusieurs types de collectes et de
traitements. Pour les traitements, il s'agit d'une élimination ou d'une
récupération conduisant à un recyclage. S'y ajoutent des activités
d'études, d'ingénierie, de fabrication de matériels et équipements, etc.
- Dans tous les cas ou à peu près, les marchés des déchets, pour exister et
se développer, ont besoin de l'aide de la loi.
L'analyse et l'expérience montrent la précarité de la concurrence ; le
processus de concentration apparaît comme à peu près irrépressible. Le
phénomène n'est pas nouveau, touche la plupart des secteurs d'activités,
tend à s'accélérer et à changer d'échelle. Cependant, les secteurs sont
touchés à des degrés divers et suivant des histoires et trajectoires
singulières. L'enjeu consiste à examiner le cas des déchets, et ses
spécificités.
Les contours de la concurrence
Le degré d'ouverture à la concurrence est variable suivant les catégories
de déchets - ordures ménagères (OM) ou déchets industriels (DI) - et
suivant les pays. Le cas des ordures ménagères En France comme dans de nombreux autres pays, l'enlèvement des ordures
ménagères relève du service public ; c'est un service public local, placé
sous la responsabilité des collectivités locales ; un monopole local leur
est ainsi conféré. Cependant, les activités correspondantes sont
susceptibles d'être réalisées par les collectivités locales elles-mêmes, en
régie directe, ou bien sont confiées à des entreprises privées. On peut
observer, au moins depuis un siècle, une tendance au développement de la
privatisation.
En fait, ce qui est appelé privatisation recouvre des réalités variées. En
France, il s'agit surtout d'une gestion déléguée, dans laquelle
l'entreprise opère sous couvert de service public ; elle est rémunérée par
la collectivité locale, et non directement par les ménages. On est loin
d'une formule purement libérale, dans laquelle le ménage ferait appel à
l'entreprise de son choix et où cette dernière fonctionnerait complètement
à ses risques et périls.
Les formes de partenariat public - privé sont très diverses et renvoient
aux Droits nationaux. Notons que le concept de service public n'est pas
véritablement reconnu par les autorités de l'Union européenne, au profit de
celui de service d'intérêt général (SIG).
Selon l'Ademe [2], le service des déchets ménagers et assimilés (DMA) était
assuré en France, en 2002, pour 31,5 % en régie directe et 68,5 % par
délégation de service public. La délégation est davantage pratiquée pour le
traitement que pour la collecte, et pour les traitements faisant appel à
une plus grande technicité.
Un contrepoint est fourni par le Royaume-Uni. Dans ce pays, où le
socialisme municipal avait fait rage vers 1900, Margaret Thatcher a initié
un fort courant de privatisation. Le Local Government Act de 1988 a rendu
obligatoire la mise en concurrence, par le jeu d'appel d'offres, des
activités de collecte et de traitement des ordures ménagères ; dès lors,
dans ce pays, la régie directe n'existe plus. L'Irlande a pris, à son tour,
des dispositions du même type.
En Belgique, notamment en Région wallonne où de puissantes intercommunales
sont en place, le secteur privé se plaint de la concurrence qualifiée de
déloyale qu'elles exercent par le développement d'activités commerciales.
En France, la loi du 13 juillet 1992 a rendu obligatoire la perception
d'une redevance spéciale pour les déchets d'activités (au-dessus d'un
certain volume) enlevés par les collectivités locales, mais cette
disposition n'est encore que très partiellement appliquée. Aux déchets des
ménages s'ajoutent en effet des déchets assimilés, suivant une acception
plus ou moins large ; la question concerne la collecte ainsi que le
traitement, dans la mesure où il n'existe que peu d'installations
spécifiques de traitement des déchets industriels non dangereux, dits
banals.
Parmi les opérateurs français bénéficiant de délégation de service, on peut
en outre relever que Tiru, opérateur majeur pour l'incinération en région
parisienne, est une filiale d'Electricité de France, donc d'une entreprise
publique ; cette situation a été dénoncée par d'autres opérateurs. Le
capital de Tiru est en fait détenu pour 51 % par EdF, 25 % par Suez et 24 %
par Véolia.
De plus, la durée des contrats d'exploitation est souvent longue ; s'y
ajoutent des prolongations de durée, sinon des contrats de tacite
reconduction, ce qui réduit le nombre d'appels à la concurrence et profite
à l'entreprise en place. La loi Sapin de janvier 1993 et les dispositions
complémentaires de 1995 ont visé à renforcer la mise en concurrence, à la
fois par un recours plus systématique à des appels d'offres, assortis de
procédures préalables de publicité, et par une limitation de la durée des
contrats. Ce type de disposition a été, en outre, renforcé au niveau
européen. Cependant, ainsi que l'indique Nadia Donati [3], « un appel
d'offres ne fait pas la concurrence ». Le cas des déchets industriels Pour les déchets industriels, l'activité relève en principe du privé.
Toutefois, les entreprises qui produisent les déchets peuvent s'en occuper
elles-mêmes, en interne. Mais la tendance est plutôt à
« l'externalisation » (en anglais : outsourcing), l'entreprise productrice
préférant se centrer sur ses métiers de base. En France, en 1999, selon
l'Ademe, le traitement des déchets industriels non dangereux (DIND) a été
assuré pour 31 % par les entreprises qui les produisent, pour 63 % par des
prestataires privés et pour 6 % par des collectivités locales.
Pour le traitement des déchets industriels dangereux (DID), on peut
remarquer que Trédi, société spécialisée dans les traitements thermiques et
physico-chimiques, dépendait jusqu'en 2002 du groupe d'Etat Entreprise
minière et chimique (EMC), qui a pour autre filiale Caillaud, spécialisée
dans les sous-produits d'abattoirs. Pour le stockage des DID, rel