droit des ententes : N. Petit - Association Française d'Etude de la ...
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L'ACTUALITE DU DROIT DES ENTENTES EN 2007 Nicolas PETIT( Introduction Le vent de la rupture aurait-il aussi soufflé, cette année, sur le droit
des ententes ? Lors de la dernière conférence annuelle de l'AFEC, Mme le Professeur
PRIETTO avait eu la chance de trouver dans l'actualité du droit des
ententes en 2006 un mouvement « d'approfondissement » de l'analyse des
effets, grace à l'impulsion du juge communautaire.[1] De notre recensement de l'actualité du droit des ententes en 2007, un
constat différent ressort: la Commission et le juge communautaire
s'occupent aujourd'hui essentiellement de querelles de chiffre, celles du
calcul des amendes infligées aux grands cartels internationaux. En pleine
effervescence, les autorités nationales de concurrence (« ANC ») - et le
Conseil de la concurrence au premier chef - se trouvent de leur côté
confrontées à un nombre croissant de questions de fond. En vérité, les raisons d'une telle évolution sont relativement simples. Les
réformes introduites par le Règlement 1/2003 (l'abrogation de la
notification obligatoire et la décentralisation du dispositif d'exemption),
hébergeaient, on le sait bien, une nouvelle architecture de compétence. En
ce qui concerne l'étage communautaire, tout d'abord, l'éviction de l'examen
des restrictions non flagrantes devait conduire la Commission, et par
ricochet le juge communautaire, à se concentrer sur les infractions
flagrantes, c'est-à-dire essentiellement les cartels à fort aspect
transnational.[2] En ce qui concerne l'étage national, ensuite, les
juridictions et autorités, devaient s'occuper des ententes flagrantes de
dimension domestique et, surtout, des restrictions « moins » flagrantes, au
régime juridique prétendument clair et stable.[3] Mais voilà : ce que l'on oublie souvent, c'est que cette spécialisation
engendre des conséquences de fond. Puisqu'en matière de cartels, les
problèmes substantiels et les problèmes de preuve sont bien résolus, c'est
un droit spécial de la sanction qui voit aujourd'hui le jour sous
l'impulsion de la Commission et la Cour de justice. En revanche, du côté des autorités et juridictions nationales, c'est de
droit matériel de la concurrence, dans toute sa diversité, qu'il est
question: en sus des restrictions flagrantes domestiques, l'analyse de
restrictions moins flagrantes, toujours âprement discutée en doctrine, a
fort occupé le Conseil et la Cour d'appel de Paris. C'est ici que l'on
retrouve la tendance à l'approfondissement de l'analyse des effets, mais
cette fois sous l'impulsion du juge national. Empiriquement, la rupture entre ces deux étages se vérifie aisément: à
l'exception de quelques arrêts préjudiciels,[4] ou des dernières décisions
issues de la procédure de notification du Règlement 17,[5] la vaste
majorité des interventions communautaires concerne des cartels et,
singulièrement, leur sanction.[6] En revanche, le Conseil et la Cour
d'appel (« CA ») de Paris ont eu à connaître de problématiques complexes,
comme les prix de revente imposés, la notion de concours de volonté, ou
enfin, l'échange d'informations en oligopole. L'objectif de la présente chronique est de brosser les grands traits de
cette double tendance : d'une part, la polarisation de l'activité
jurisprudentielle communautaire autour de la question de la sanction de
l'entente et, d'autre part, l'approfondissement au niveau national, de
l'analyse des effets de l'entente. I. L'étage communautaire - la sanction de l'entente Avant de dégager quelques tendances lourdes, au fond, de la jurisprudence
communautaire, il nous faut brièvement revenir sur quelques évolutions
marquantes du droit des ententes en 2007. A. Evolution de la matière 3.333.802.700 Euros... c'est le montant total, astronomique, des amendes
infligées en 2007 par la Commission européenne. Montant record, qui
s'accompagne d'autres records du même ordre: amende plus élevée jamais
infligée dans l'affaire des ascenseurs et escalators (992.312.200
Euros) ;[7] amende la plus élevée jamais infligée à une seule entreprise
pour une seule entente illégale dans l'affaire des appareillages de
commutation à isolation gazeuse (396 562 500 Euros).[8] Comme chacun le sait, l'augmentation vertigineuse du montant des amendes
infligées en matière d'ententes anticoncurrentielles (44.62% cette
année),[9] s'accompagne de la formation d'un contentieux de la deuxième
chance devant le TPICE, qui en vertu des articles 229 TCE et 31 du
Règlement 1/2003, jouit du pouvoir de réformer les pénalités imposées par
la Commission. Si ce contentieux a continué à occuper considérablement le TPICE,[10] qui à
quelques exceptions près n'a pas tranché de grandes questions de fond cette
année,[11] le fait le plus notable, en 2007, c'est l'ascension de cet aride
contentieux vers la CJCE.[12] Et la Cour, qui a veillé scrupuleusement à
évacuer les pourvois trop factuels,[13] a néanmoins été conduite à répondre
à des questions éminemment techniques:
> Exercice social à prendre en compte pour le calcul de l'amende dans
l'arrêt Britania Alloys & Chemicals Ltd. contre Commission (une autre
solution le point de désaccord avec le Conseil de la concurrence, dans
une Décision 07-D-47 du 18 décembre 2007 relative à des pratiques
relevées dans le secteur de l'équipement pour la navigation aérienne,
où le Conseil refuse de sanctionner deux entreprises ayant participé à
des ententes, au motif que celles-ci avaient un chiffre d'affaire nul
lors de leur dernier exercice) ;[14]
> Prise en compte obligatoire, ou optionnelle de la taille de
l'entreprise aux fins de calculer l'amende dans l'affaire Dalmine SpA
contre Commission ;[15]
> Statut contentieux des injonctions de payer les amendes adressées par
la Commission dans l'affaire Commission contre Ferriere Nord SpA ;[16]
On comprend bien, à la lumière de ces observations, que faire du droit des
ententes c'est de plus en plus « rendre des équations comptables et faire
des problèmes de mathématiques pour que tel ou tel bureau » à Bruxelles ou
à Luxembourg, « soit satisfait ».[17] B. Les grandes tendances de la jurisprudence Venons en maintenant aux grandes tendances de la jurisprudence. Tout comme
les décisions des agents économiques, celles des régulateurs et des
juridictions adressent des signaux au marché. Et, plutôt que de se
concentrer sur l'examen d'affaires particulières, il nous paraît utile ici
de dégager les principaux signaux émis - directement ou indirectement - par
la jurisprudence de la Commission, le Tribunal et la Cour. Nous pensons, en
particulier, pouvoir déceler trois signaux. Premièrement, malgré l'agressivité croissante de sa politique d'amendes, la
Commission observe en réalité un rôle relativement passif en droit des
ententes.[18] L'un des effets gênants de la clémence est en effet de
supprimer la nécessité, pour la Commission (et la possibilité, du fait de
l'augmentation du nombre d'affaires), de sélectionner des cibles et
secteurs prioritaires d'intervention, rôle qu'elle entendait pourtant
assumer au lendemain de la modernisation. On s'en convainc aisément en
parcourant les divers secteurs économiques concernés par ses 8 décisions de
2007: verre plat, fermetures et machines de pose à l'échelon, bitume,
bière, caoutchouc chloroprène... le droit communautaire des ententes est
plus que jamais un droit sans boussole. En outre, et plus fondamentalement, la disparition du mécanisme de
notification a déssaisi la Commission d'importantes questions de droit
matériel (et/ou la clémence l'empêche de s'y intéresser).[19] Cette
évolution n'est pas, à notre estime, des plus heureuses. La jurisprudence
de la Commission et de la Cour en matière d'accords notifiés a souvent
constitué un point de repère utile, pour les praticiens, autorités et
juridictions nationales. Et la Commission ne paraît toujours pas prête à
émettre les fameuses lettres d'orientation, évoquées au §38 du préambule du
Règlement 1/2003.[20]
Deuxième signal, la Commission et le juge paraissent engagés dans une
étroite collaboration, visant à améliorer l'effet dissuasif des amendes
infligées. A cet égard, la Commission peut d'abord compter sur le TPICE.
Malgré des divergences ponctuelles dans le calcul des amendes, le TPICE
semble soutenir l'adoption de principes juridiques particulièrement durs,
permettant à la Commission d'alourdir le montant des pénalités infligées
aux entreprises. Cela ressort nettement des deux arrêts Bolloré contre
Commission et surtout, Akzo Nobel contre Commission, où le juge accepte
d'engager, par simple « présomption capitalistique », la responsabilité des
entreprises mères pour les actions anticoncurrentielles de leurs
filiales.[21] Ce principe, qui a été appliqué de façon parfois opportuniste
dans le cadre de l'article 82 TCE - on a parlé en doctrine d'approche
« absurde » - est promis à un bel avenir dans le domaine des ententes:[22]
comme le rappelle le TPICE dans l'arrêt Akzo, le plafond de l'amende doit
alors être calculé sur le chiffre d'affaires global du groupe, composé de
la mère, ce qui ne peut qu'aider la Commission à poursuivre sa politique de
dissuasion par l'amende.[23] Mais cela n'est pas tout. La Commission semble aussi pouvoir compter sur le
soutien de la CJCE. On passera ici rapidement sur l'arrêt Holcim contre
Commission, dans lequel la Cour r