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Feuillet d'informations scientifiques et historiques | |
Les jardins du Diable des forêts d'Amazonie 1. Des fourmis inventent l'herbicide sélectif [pic]
En Amazonie, certains pans de la forêt sont presque entièrement peuplés par
une seule espèce d'arbre, le Duroia hirsuta. Une singularité qui a amené
les populations locales à attribuer au Malin ces jardins du Diable. La
réalité est bien sûr tout autre, comme vient de le démontrer une équipe de
chercheurs américains, dirigée par Megan Frederickson (biologiste à
l'université Stanford, Californie).
Comme ils l'expliquent dans la revue Nature du 22 septembre, ces étonnantes
futaies résultent de l'activité d'une fourmi jardinière Myrmelachista
schumanni qui colonise les tiges du Duroia hirsuta. Pour assurer sa
survie, cet insecte supprime systématiquement toute autre espèce d'arbre en
pulvérisant dessus l'acide formique qu'elle secrète.
Pour comprendre les modalités de ce phénomène, les chercheurs ont passé
quatre ans dans la station biologique de Madre Selva de Loreto, située dans
la forêt amazonienne du Pérou. Là, ils ont planté plusieurs exemplaires
d'un arbre commun de la forêt amazonienne, le cèdre espagnol, auprès des
colonies de cette fourmi herbicide.
Pour les besoins de l'expérience, les scientifiques ont enduit quelques
plants de ce cèdre d'un insecticide pour en éloigner les fourmis, laissant
les autres tels quels. Le résultat ne s'est pas fait attendre.
"Les fourmis ont attaqué promptement les plants non traités en injectant de
l'acide formique dans leurs feuilles. Vingt-quatre heures plus tard, celles-
ci étaient desséchées", mettant ainsi en péril la vie des arbres,
expliquent les chercheurs. Quant aux cèdres protégés, ils sont restés
intacts. "C'est la première fois, à notre connaissance, disent-ils, que
l'acide formique, connu pour être herbicide et fongicide, est utilisé comme
tel par les fourmis."
En tout cas, le traitement opéré par ces insectes est efficace. Un
recensement effectué entre 2002 et 2004 sur quelques jardins du Diable
chacun est occupé par une seule colonie de fourmis d'environ 3 millions
d'individus protégeant 15 000 reines montre que leur superficie a augmenté
en moyenne de 0,7 % par an.
"Selon nos estimations, précisent les chercheurs, le plus vieux jardin du
Diable de notre échantillon serait vieux de 807 ans." Christiane Galus
Le Monde. Article paru dans l'édition du 24.09.05 2. Entomologie. En Amazonie, un insecte élimine les plantes entourant
l'arbre où il habite.
La fourmi qui passe sa cité au Kärcher
Par Sylvie BRIET
Libration
Jeudi 22 septembre 2005
C'est un couple diabolique qui vit en Amazonie et donne parfois à la forêt
d'étranges allures. Aussi assassine que minuscule, la fourmi Myrmelachista
schumanni, véritable herbicide sur pattes, fait le vide autour d'elle,
élimine toutes les plantes excepté son arbre favori, celui dans lequel elle
niche : le Duroia hirsuta. L'empoisonneuse vient d'être mise en examen.
Certaines zones de la forêt amazonienne se réduisent bizarrement à une
seule espèce d'arbre, qui tranche avec la luxuriance des alentours. Les
habitants ont surnommé ces endroits «les jardins du diable». Selon la
légende, ils sont hantés par un esprit diabolique de la forêt. Des
chercheurs penchaient plutôt pour une aptitude du Duroia hirsuta à empêcher
toute autre espèce d'arbre de pousser à proximité. Mais l'équipe américaine
de Megan Frederickson (1) s'est livrée à une petite expérience pour
vérifier qui, de l'arbre ou de la fourmi, est le coupable. Elle a planté
une espèce commune en Amazonie, des cèdres Cedrela odorata, à l'intérieur
et l'extérieur de ces jardins du diable. Les redoutables tueuses se sont
jetées sur les pousses de cèdres, injectant leur venin, de l'acide
formique, dans les feuilles : celles-ci ont développé une nécrose en 24
heures et sont tombées en cinq jours. Les cèdres préservés des fourmis se
sont, eux, développés normalement.
Beaucoup de fourmis fabriquent de l'acide formique, les rousses par exemple
l'utilisent pour tuer leur proie, «mais c'est la première fois que nous
rencontrons une espèce de fourmi qui l'utilise comme herbicide», note Megan
Frederickson. Chaque jardin du diable est occupé par une colonie de fourmis
: pas moins de 3 millions d'ouvrières et 15 000 reines. Le plus ancien des
jardins connus a 807 ans.
http://www.liberation.fr/page.php?Article=325547