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Regard sur le droit des aides d'État 2007[1] Michaël Karpenschif
Professeur de droit public à l'Université Lyon III
Avocat Associé CMS Bureau Francis Lefebvre Lyon Reconnaissons-le d'emblée, l'année 2007 n'a pas été marquée par
l'adoption de « grands arrêts » par les juges du plateau du Kirchberg. Bien
que particulièrement prolixe, l'activité juridictionnelle s'est surtout
bornée à confirmer une jurisprudence désormais solidement ancrée même si
l'on y trouve, ponctuellement, quelques précisions utiles.
L'activité normative, contrairement à l'année précédente[2], n'a pas
été non plus particulièrement riche. Certes, deux textes importants ont été
adoptés (« L'encadrement communautaire des aides d'Etat pour la protection
de l'environnement »[3] et le « Règlement n°1370/2007 du 23 octobre 2007
relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et
par route »[4]), mais l'essentiel du travail est à venir avec les suites
qui seront données : au « Projet de règlement général d'exemption par
catégorie » soumis à consultation jusqu'au 6 juin 2007 ; au « Projet de
règlement de la Commission sur les aides de minimis dans le secteur de la
production agricole » ; au « Projet de communication révisée de la
Commission sur l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides
d'État sous forme de garanties » (en remplacement de la très intéressante
et peu utilisée communication de 2000[5]) ; aux propositions de
modification de certaines règles pratiques (l'utilisation obligatoire du
système électronique de notification (SANI), l'introduction de deux
nouveaux formulaires de notification après l'adoption des nouvelles lignes
directrices sur le capital-investissement, la mise en place d'une nouvelle
méthode de calcul du taux d'intérêt applicable à la récupération des aides
illégales) ; au discours de Neelie Kroes du 21 septembre 2006[6] souhaitant
que l'analyse économique soit renforcée dans l'examen de compatibilité des
aides d'Etat. Sans oublier, la consultation publique que vient de lancer la
Commission (le 10 janvier 2008) pour réformer le contrôle des aides d'Etat
dans le secteur des services publics de diffusion (consultation ouverte
jusqu'au 10 mars 2008 et qui doit conduire à une actualisation de la
communication de 2001[7]).
Moins attendue donc que 2008, l'année qui vient de s'écouler mérite
toutefois quelques observations. Observations que nous formulerons en deux
temps. Ainsi, après des remarques ponctuelles sur la jurisprudence 2007
(I), nous nous arrêterons sur un problème récurrent au c?ur du droit des
aides d'Etat : la question de la récupération effective des aides illégales
et/ou incompatibles (II). I/Les points saillants de la jurisprudence 2007 : La lecture de la jurisprudence rendue cette année nous conduit,
arbitrairement, à dégager quatre tendances. La première, et c'est une constante, est que la notion d'aide d'Etat
reste complexe et difficile à circonscrire. On en donnera deux exemples
particulièrement illustratifs : l'un jugé, l'autre en passe de l'être. Le
premier concerne la contestation par un opérateur de téléphonie du montant
des redevances d'occupation domaniale réclamées par l'Etat en contrepartie
de l'octroi des fameuses licences 3 G. Cette affaire[8], qui renvoie
d'ailleurs avec d'autres à une question plus fondamentale encore consistant
à savoir si lorsque l'autorité publique attribue une telle licence elle se
comporte comme un opérateur économique soumis aux règles de concurrence ou
comme une simple autorité de régulation faisant usage de prérogatives de
puissance publique qui doivent être appréciées hors marché[9], est
l'occasion pour le Tribunal de première instance (TPICE ci-après) de
rappeler que l'octroi d'un avantage économique, et partant d'une aide
d'Etat, peut être caractérisé dans un nombre indéfini d'hypothèses. Ainsi,
en l'espèce, le Tribunal rejette clairement l'argument de la Commission
selon lequel l'octroi de ces droits exclusifs ne peut s'apprécier
financièrement en affirmant que : « (...) les licences UMTS, qui autorisent
l'exercice des activités économiques de prestations de services de
téléphonie mobile dans l'espace hertzien et s'analysent comme des titres
d'occupation du domaine public correspondant, ont une valeur économique que
le gestionnaire dudit domaine est amené à prendre en compte lorsqu'il
détermine le montant des redevances qui seront dues par les opérateurs
concernés » (pt 101). Certes, si la qualification d'aide d'Etat ne sera au
final pas retenue, spécialement parce que le requérant n'a pas été à même
de démontrer que les deux autres entreprises titulaires de cette licence
(Orange et SFR) ont bénéficié d'un avantage économique lié à l'octroi
antérieur desdites licences[10], il reste que la singularité de cette
espèce (c'était la simple modification par l'Etat du montant des redevances
exigées à tous les opérateurs de téléphonie qui était à l'origine de ce
contentieux) souligne le spectre large de l'article 87 §1 CE. C'est
d'ailleurs cette interprétation particulièrement extensive de la notion
d'aide d'Etat dans l'affaire de l'assistance logistique et commerciale de
la Poste à ses filiales qui conduira, dans les prochains mois, la Cour de
justice à trancher un point de droit particulièrement intéressant pour
circonscrire la notion d'aide d'Etat. L'année dernière, nous avions relevé
ici l'arrêt du TPICE du 7 juin 2006 par lequel les juges de premier ressort
avaient, notamment, estimé que la cession à titre gratuit de la clientèle
constituée par la Poste (alors qu'elle exerçait son activité de manière
monopolistique) à l'une de ses filiales constituait une aide d'Etat. Au
terme d'un raisonnement apparemment implacable, le TPICE avait en effet
jugé que cette clientèle (qui représente un actif incorporel ayant une
valeur économique), constituée grâce aux « ressources du monopole légal »
et transférée sur instruction du ministère des Postes sans aucune
contrepartie à SMFI-Chronospost, révélait l'octroi d'une aide d'Etat
prohibée[11]. Cette affaire, qui fait l'objet d'un pourvoi, vient d'offrir
à l'avocate générale Mme Sharpston l'occasion de revenir sur cette
importante question des conditions de la filialisation des activités des
opérateurs historiques. Ces conclusions rendues le 6 décembre dernier
éclairent utilement la question[12]. Rejetant tout parallèle avec une
opération de privatisation qui exige que la cession du capital s'accompagne
nécessairement d'une stricte contrepartie financière pour présumer
l'absence d'aides d'Etat[13], Mme Sharpston estime (selon nous à juste
titre) que la situation est fort différente dans l'hypothèse de la création
de SFMI-Chronopost. Cette filiale ne donne en réalité naissance à un aucun
opérateur nouveau sur le marché puisqu'elle reprend les activités
« internalisées » du service Postadex. En outre, le comportement de La
Poste doit être comparé à celui d'un investisseur privé en économie de
marché. Or, à bien y réfléchir, il est peu probable qu'un opérateur
souhaitant filialiser son activité fasse payer à cette filiale le prix de
cette liberté nouvelle au risque d'ailleurs non seulement de fragiliser
financièrement la nouvelle structure mais aussi, corrélativement,
d'affaiblir la valeur de la participation de La Poste dans cette filiale.
Plus largement enfin, l'avocate générale estime que la création de cette
filiale aura pour effet de clarifier les relations avec la société mère en
obligeant à davantage de transparence : mise en place d'une comptabilité
analytique, interdiction des subventions croisées... Si l'avocate générale
utilise des mots assez durs à l'encontre des juges de premier ressort en
affirmant que : « Le Tribunal de première instance s'est fourvoyé en
jugeant que, faute de contrepartie fournie à La Poste par la SFMI-
Chronopost, le transfert du service Postadex à la SFMI-Chronopost
constituait une aide d'Etat »[14], force est de relever que même si elles
sont suivies par la Cour de justice, ces conclusions sont loin de régler
(pour la seule problématique des aides d'Etat) toutes les questions posées
par la filialisation des activités des opérateurs historiques ; on pense
ainsi à l'utilisation des logos, des couleurs ou de « l'image de marque »
de l'opérateur historique[15] par les filiales. La deuxième tient à la recevabilité toujours délicate des recours
introduits par les entreprises pour contester les décisions de la
Commission. En dehors en effet des cas où l'irrecevabilité est
manifeste[16], on soulignera les difficultés persistantes pour celles qui
restent des tiers à la discipline des aides d'Etat (les entreprises)
d'accéder aux prétoires communautaires ; qu'elles agissent d'ailleurs de
manière individuelle[17] ou par le biais d'un syndicat ou d'une
fédération[18]. Deux remarques peuvent cependant être faites.
D'abord, les principes clairement posés dans la jurisprudence
Commission c/ Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentun de 2005[19] sont
désormais systématiquement repris par les juges du plateau du Kirchberg
pour apprécier la recevabilité des recours introduits par les concurrents
des entreprises récipiendaires d'aide d'Etat[20]. Dans tous les cas en
effet, il faut dorénavant s'intéresser à la base juridique sur laquelle la
décision de la Commission attaquée a été prise