Avis et recommandations - ohchr

La plupart rappelle que le doute, au vu des conclusions de l'examen médical,
doit ... primo arrivants, malgré leur grand manque de fiabilité et de précision.

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Avis et recommandations.
La pratique de l'expertise osseuse aux fins de détermination de l'âge des
mineurs isolés étrangers n'est pas nouvelle, son manque de fiabilité et les
questions éthiques qu'elle soulève sont dénoncés depuis longtemps, en
France et en Europe.
Dès 2004, le Comité des Droits de l'Enfant auprès du Haut Commissariat aux
Droits de l'Homme auprès des Nations Unies recommande à la France d'adopter
d'autres méthodes pour déterminer l'âge des mineurs étrangers.
En novembre 2004, la Défenseure des Enfants, Claire Brisset, saisit le
Comité Consultatif National d'Ethique (CCNE) pour qu'il prenne position.
C'est l'avis 88 du 23 juin 2005, se concluant ainsi :
« [...] Si la justice ne peut s'abriter derrière la médecine, elle doit en
revanche assumer sa responsabilité de respecter avant tout la dignité des
personnes soupçonnées d'infraction, et en particulier, à ce moment de la
vie sans frontières réelles autres que celles établies par une date de
naissance [...] Ainsi, pour répondre aux questions posées, le CCNE confirme
l'inadaptation des techniques médicales utilisées actuellement aux fins de
fixation d'un âge chronologique. » A la suite du Comité d'Ethique, de multiples institutions nationales et
internationales sont sollicitées. De manière quasi unanime, malgré des
nuances d'appréciation, et des recommandations variables, elles se
prononcent dans le même sens, mettant en avant le peu de fiabilité de la
méthode.
Tour à tour, l'Académie nationale de médecine, le Comité des droits de
l'Enfant des Nations unies, l'ancien commissaire aux Droits de l'Homme du
Conseil de l'Europe, le Haut Conseil de la santé publique, le Défenseur des
Droits, ont émis les plus expresses réserves.
L'avis du Haut Conseil de la Santé Publique en date du 23 janvier 2014,
dernier en date, résume la teneur générale de ces conclusions :
« La détermination d'un âge osseux ne permet pas de déterminer l'âge exact
du jeune lorsqu'il est proche de la majorité légale. La détermination d'un
âge physiologique sur le seul cliché radiologique est à proscrire. »
La plupart rappelle que le doute, au vu des conclusions de l'examen
médical, doit bénéficier au jeune.
Rapport de l'UNICEF sur la situation de l'Enfant en France 2015
« Le Comité des droits de l'enfant des Nations unies renouvelle sa
recommandation précédente et demande instamment à la France d'introduire
des méthodes récentes de détermination de l'âge qui se sont avérées plus
précises que les examens osseux actuellement utilisés.
Selon l'avis de la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme
(CNCDH) de juin 2014, «des tests osseux continuent à être systématiquement
ordonnés dans le ressort de nombreux tribunaux de grande instance, alors
même que les jeunes isolés étrangers sont en possession d'un acte d'état
civil ou d'une pièce d'identité».
Malgré l'important plaidoyer déployé par les associations de terrain et des
institutions indépendantes depuis plusieurs années, appuyé par l'expertise
du Comité Consultatif National d'Éthique, de l'Académie nationale de
médecine ou encore du Haut Conseil de la Santé Publique dans une note mise
à jour en janvier 2014, les tests osseux restent le dispositif privilégié
par les pouvoirs publics pour décider du sort de ces adolescents, primo
arrivants, malgré leur grand manque de fiabilité et de précision.
Au-delà d'une méthode totalement inadaptée, faire subir des examens osseux
ou d'autres examens uniquement physiologiques à des adolescents isolés,
vulnérables, sans explication, reste traumatisant. De plus, ces jeunes se
plient bien souvent à cette expertise sans que leur accord ait été
recueilli et sans accompagnement... Pour dénoncer une nouvelle fois cette
situation, l'UNICEF France a rejoint l'appel collectif initié par Réseau
Éducation Sans Frontières (RESF) pour dénoncer ces pratiques, en janvier
2015. »[1]
Ceux qui accompagnent au jour le jour les MIE dans leurs galères
quotidiennes, enseignants, associations, collectifs de soutiens, n'ont de
cesse de réclamer que ces avis soient enfin suivis, que la pratique des
tests soit abandonnée, définitivement et complètement. IV. 2. Médecins et magistrats s'engagent sur le terrain
Le recours aux tests osseux sur le terrain est loin de faire l'unanimité.
Des unités médico-légales, de radiologie, des équipes de médecins ne
cachent pas leur opposition et lorsqu'ils ne sont pas en mesure de refuser
de les pratiquer, développent des stratégies qui aboutissent à en annuler
l'impact.
Ainsi, en Ille et Vilaine, juristes, chercheurs et médecins ont mené en
2011-2012 une action d'ensemble auprès du Comité d'Ethique du CHU de
Rennes, du Conseil départemental de l'Ordre des Médecins et de la Société
française de santé publique. Le médecin expert, s'il ne peut pas refuser la
réquisition qui émane du Procureur peut faire valoir le doute scientifique
(au vu des textes du CCNE, de l'Académie de Médecine, du Comité d'Ethique
du CHU et des quelques textes scientifiques sur le sujet). Au vu des
conclusions rendues par les radiologues du CHU, « examen compatible avec un
âge supérieur à 17 ans », les demandes d'examen se sont peu à peu arrêtées. « Il n'est pas éthique de solliciter un médecin pour pratiquer et
interpréter un test qui n'est pas validé scientifiquement et qui en outre
n'est pas mis en ?uvre dans l'intérêt thérapeutique de la personne. Dans le
cas de doute, une décision éthique doit toujours privilégier l'intérêt de
la personne la plus fragile, en l'occurrence le jeune. »[2] Du côté des magistrats, on constate des positions identiques. Certains
procureurs ne requièrent pas cet examen. Mais en cas de mutation, la
situation des MIE peut complètement basculer.
Le Syndicat de la Magistrature a rappelé à l'Etat français ses engagements
en tant qu'état signataire de la CIDE et fin 2014, « demande fermement
l'interdiction du recours à des examens pseudo-scientifiques pour
déterminer la minorité ou la majorité du jeune isolé et le respect des
dispositions de l'article 47 du Code civil qui établit une présomption de
validité des actes d'état-civil.» [3] -----------------------
[1] Ce rapport consacre une partie à la situation des mineurs isolés
étrangers. http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20150609.OBS0396/la-
france-protege-mal-ses-enfants-denonce-l-unicef.html
[2] Avis rendu 10-25 concernant l'utilisation des tests radiologiques
osseux pour l'évaluation de l'âge. CHU de Rennes. Comité d'Ethique. Séance
du mardi 23 novembre 2010 [3] Motion adoptée à l'unanimité lors du 48ème congrès du Syndicat de la
Magistrature. Paris. 30 novembre 2014.
www.syndicat-magistrature.org/mineurs-isoles-étrangers.html