Le président des riches Enquête sur l'oligarchie dans la France de ...

Mathilde Agostinelli est directrice de la communication chez Prada. ..... La
réforme, le changement, la modernisation, la rupture : de la poudre aux yeux. ......
Y compris à l'étranger où il conseille le président de la Côte d'Ivoire, Laurent .....
Sa saisine par soixante députés et soixante sénateurs a conduit à l'examen du
texte ...

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Le président des riches
Enquête sur l'oligarchie dans la France de Nicolas Sarkozy
Michel Pinçon
Monique Pinçon-Charlot Remerciements
Nous remercions vivement toutes celles et tous ceux qui ont su nous faire
profiter de leurs connaissances dans tel ou tel domaine :
Arlette Charlot, Annie Mandois, Fabien Salvi, Alain Paker, Patricia
Blanchard-Bouvelot, Ariane Azema.
Merci à Jean-Pierre Brard d'avoir pris le temps de lire une première
version de ce texte et de nous avoir fait profiter de ses remarques
pertinentes.
Nous sommes infiniment reconnaissants à Simone Rendu de son soutien et à
Paul Rendu de sa lecture minutieuse, attentive et constructive, comme
toujours.
Ce texte doit beaucoup à Marieke Joly qui a donné sans compter son temps et
son énergie pour améliorer la lisibilité de nos analyses.
Merci à Grégoire Chamayou qui a su nous stimuler et nous convaincre de
pousser ce projet à son terme.
Enfin, notre gratitude va à François Gèze pour sa confiance et son aide
dans la mise au point définitive de ce texte.
À nos lecteurs dont le soutien nous est si précieux.
INTRODUCTION. DE LA LUTTE À LA GUERRE DES CLASSES
Jouissance et capitalisme : l'impératif du fun
« Il y a une guerre des classes, c'est un fait, mais c'est ma classe, la
classe des riches, qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la
gagner. » Warren Buffett, un des hommes les plus riches du monde, éclaire
avec un franc-parler rare l'état des rapports sociauxnote.
LE PRÉSIDENT SUR TOUS LES FRONTS
Depuis l'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, la
France est devenue l'un des champs de cette « guerre des classes » où les
combats se font nombreux et âpres. Dans la nuit du 6 au 7 mai 2007, un
grand conseil de guerre se réunit au Fouquet's Barrière, un nouveau palace
parisien. Nicolas Sarkozy y fête son élection au milieu de ses amis du
CAC 40. Une victoire qui est aussi celle de patrons de presse, de
politiciens, de vedettes du showbiz et de sportifs célèbres. Deux points
communs dans ce patchwork surprenant : la richesse des participants et
leurs liens avec l'ancien maire de Neuilly.
Le ton est donné. Dans les semaines et les mois qui suivent, les cadeaux
pleuvent. Symboliques, avec une généreuse distribution de médailles de la
Légion d'honneur. Plantureux, avec un renforcement du bouclier fiscal et la
défiscalisation des droits de succession. Opérationnels, avec des
nominations stratégiques au gouvernement et dans les entreprises publiques.
Indirects, en supprimant les recettes publicitaires de la télévision
publique avec l'espoir de leur transfert sur les chaînes privées.
Les puissances d'argent menant le combat, Nicolas Sarkozy s'attaque aux
poches de résistance. La politique d'ouverture induit des défections dans
le camp de la gauche. Les réformes mettent à mal les collectivités locales.
L'indépendance de la presse et celle de la justice sont touchées. Le
prolongement de La Défense menace le territoire de Nanterre, le Grand Paris
est convoité par les entreprises économiques et financières.
Mais le conquérant se heurte à des oppositions, parfois même dans son camp,
comme à Neuilly lors des élections municipales de 2008, où il veut imposer
le futur maire. Les facilités accordées à la famille de l'émir du Qatar
pour une rénovation importante de l'hôtel Lambert à Paris vont mettre en
émoi le monde du patrimoine historique. Si la candidature de Jean Sarkozy,
fils cadet de Nicolas Sarkozy, à la tête de l'établissement public qui gère
le plus grand centre d'affaires européen, La Défense, a été si mal
accueillie, y compris parmi les électeurs de droite, c'est peut-être parce
qu'il ne faut jamais vendre la mèche... L'arbitraire de la domination et le
népotisme ne doivent pas apparaître au grand jour pour laisser aux classes
dominées l'illusion que les qualités et le mérite sont bien à la base des
choix du président de la République.
La guerre sur le terrain s'accompagne d'une guerre psychologique, avec des
discours contradictoires et un double langage permanent renforcé à
l'occasion de la crise financière de 2008. Elle connaît quelques échecs,
lorsque le discours apparaît comme trop en contradiction avec la réalité.
Les fanfaronnades de celui qui prétendait vouloir « refonder » le système
capitaliste n'ont guère été suivies de mesures. Au contraire, les paradis
fiscaux, les fonds spéculatifs, les bonus des traders et les cadeaux aux
banques ont permis au capital financier de retrouver de sa superbe.
Mais la France, dont l'opinion est mesurée par les sondages, manifeste son
mécontentement. Le faible taux de participation aux élections révèle un
désarroi d'autant plus profond que l'on descend dans l'échelle sociale. Les
belligérants sont inégalement préparés au combat. Les classes populaires,
désarmées et désabusées par la désindustrialisation, voient leurs états-
majors politiques et syndicaux hésitants et divisés.
UNE « DRÔLE DE GUERRE »
Le brouillage idéologique n'est-il pas total ? Le capitalisme est proclamé
comme indépassable depuis les échecs du socialisme des pays de l'Est. La
loi du marché semble être devenue la forme sociale la plus achevée que
puisse atteindre l'humanité. La phase actuelle de cette guerre n'est-elle
pas semblable à celle de la « drôle de guerre » de 1939-1940, alors que, le
conflit n'étant pas déclaré, les forces populaires attendent, peu disposées
à retourner au carnage, tandis que les dominants s'entraînent et préparent
l'assaut final ?
Parmi les armes dont disposent les puissants, il faut ajouter, à la force
physique et à la propriété des moyens de production, le savoir et notamment
celui de la finance mathématisée. Le glaive et l'usine perdent de leur
efficacité au profit des logiciels, des mathématiques et des ordinateurs.
Financiarisé et mondialisé, le système économique ne profiterait-il plus
qu'à ceux qui possèdent les codes d'accès à cette nouvelle planète, unifiée
sous l'impérialisme de l'argent ? Les dirigeants français alignent leurs
revenus sur les plus élevés à l'échelle du monde, tout en délocalisant les
emplois industriels, puis tertiaires vers les zones où le travail est payé
au plus bas. Les ouvriers chinois ou philippins sont la référence et les
travailleurs français licenciés se voient proposer des emplois de
remplacement à des centaines ou des milliers de kilomètres de chez eux, au
tarif local, celui de la misère.
Mais, pour que cela soit accepté et acceptable, il faut encore que les
puissants du monde investissent dans les médias pour contrôler les
cerveaux. Dans le magma indistinct de la pensée contemporaine, la lutte des
classes est renvoyée aux poubelles de l'histoire. La notion de classe
sociale disparaît du langage politiquement correct. Les mouvements sociaux
sont dénoncés comme archaïques. Les droits arrachés de haute lutte par les
travailleurs, dans les combats du passé, deviennent des privilèges
inadmissibles pour les jongleurs de la finance qui, sur un coup de Bourse,
peuvent engranger quelques millions au détriment de l'économie réelle.
Les effets d'annonce et les man?uvres populistes d'un adversaire qui se
présente comme porteur d'un avenir meilleur brouillent les cartes. Dans
cette phase, Nicolas Sarkozy ne joue-t-il pas le rôle d'un sauveur qui va
pouvoir apporter par la « rupture » les moyens de faire reculer les nuées
menaçantes ? Cette bonne volonté simulée a pu séduire quelques
personnalités de la gauche que les errements du leader ont sans doute bien
vite refroidies. Il reste que ces dévoiements ont accentué le trouble et
les interrogations dans une opposition de gauche quelque peu déroutée par
l'agitation sarkozyste. Et inquiétée par une personnalisation du pouvoir
inusitée. La parole du chef de l'État s'infléchit et se contredit selon les
circonstances. Mais les ruptures ne vont-elles pas toujours dans le même
sens, celui d'un grignotage systématique des libertés et des acquis
sociaux ?
Le temps est lourd de menaces, mais on ne sait quand et comment l'orage va
éclater. La guerre des tranchées, celle de la société industrielle où
patrons et ouvriers étaient dans un face-à-face constant, parfois violent,
mais qui avait le mérite de permettre à l'échange d'exister, a laissé la
place à un conflit où ceux qui contrôlent la mondialisation, ses échanges
multiples et ses flux financiers dominent sans partage. L'arme atomique a
remplacé le fantassin. La suprématie aérienne de la haute finance, bien au-
dessus de l'économie réelle, empêche d'identifier l'ennemi, puissant mais
insaisissable. Ce sont les marchés qui attaquent. Mais qui sont les
marchés ? La force de frappe est impressionnante, mais on ne sait d'où
vient le coup.
CONNAÎTRE L'ADVERSAIRE
Ce combat incertain exige que soient dévoilés les moyens et les méthodes de
l'adversaire. Pour le vaincre, ne faut-il pas le connaître ? Aussi cet
ouvrage prétend-il ouvrir quelques portes. Dans un souci constant de
transparence et de lisibilité, nous donnons à lire des faits, des preuves,
nous multiplions les histoires et les exemples pour emmener le lecteur sur
la réalité du terrain, à La Défense, à Neuilly et dans les lotissements
chics où l'entre-soi permet la consolidation des réseaux. Les sources sont
indiquées : il faut vaincre l'opacité du pouvoir, l'un de ses remparts les
plus solides.
Il fut un temps où la légitimité était l'arme par excellence des
possédants. La culture, le caritatif, la simplicité apparen