Evgeny Shokhenmayer - Hal-SHS

Comparez la circulation du Npr recatégorisé Chauvin dans la lexicographie : ...
doctrine politique ou sociale se refusant à l'examen parce qu'elle procède d'un ...

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Circulation du nom propre recatégorisé Evgeny Shokhenmayer Jeune Chercheur Associé, MoDyCo (Modèles, Dynamique, Corpus)
ED 139 « Connaissance, langage, modélisation »
Université Paris Ouest Nanterre La Défense (France)
RESUME. Cet article souhaite contribuer à la réflexion sur la circulation
du nom propre dans les textes. Il s'agit des exemples qui supposent une
recatégorisation, puisqu'il y a changement de classe grammaticale, par
"dérivation impropre": nom propre > nom commun. On peut donc parler d'un
nom propre recatégorisé. Nous visons à démontrer que la circulation du nom
propre recatégorisé, informative et associative par sa nature, favorise la
formation du mécanisme de l'allusion. Au cours de la circulation, le nom
personnel, en tant qu'unité lexicale, entre dans la classe des noms de
l'individu ; en discours, il établit une étroite corrélation avec la
personne désignée. C'est une sorte de figement. Le stéréotype circulant est
non seulement stabilisation mais aussi "travail" en texte d'une identité
collective qui se confronte à l'altérité d'un héritage qui est
herméneutique avant d'être culturel.
Mots-clés : onomastique, noms propres, recatégorisation, allusion. Circulation of Recategorized Proper Name ABSRACT. This contribution aims to develop proposal regarding the
circulation of Proper Names in texts. According to this view there is a
recategorization dealing with grammatical class change through "improper
derivation": Proper Name > Common Noun. In this way it's about
Recategorized Proper Name. We'll demonstrate how the circulation of such
proper name, informative and associative by its nature, forms the mechanism
of Allusion. During the textual circulation Personal Name as lexical unity
enter the class of individual names; in Discourse it establish a close
correlation with designated person. It's a sort of set expression. A
circling stereotype is not only stabilization but also "elaboration" in
text of a collective identity.
Key words : onomastics, proper names, recategorization, allusion.
1. Introduction
Cet article souhaite contribuer à la réflexion sur la circulation du nom
propre (désormais Npr) recatégorisé dans les textes. Le choix de la
terminologie suppose une précision maximale. Les diverses appellations ne
sont pas toutes bienvenues, et ne recouvrent sans doute pas exactement les
mêmes définitions. Sous les Npr recatégorisés nous entendons les
nominations secondes onomastiques polyréférentielles. Cela concerne les Npr
en voie de transformation en Nc, dont la structure sémantique est attachée
au monde des associations. Le passage en question s'effectue dans le cadre
de la nomination figurative, ou seconde.
L'appellation la plus usuelle en linguistique française est antonomase
du Npr : il s'agit d'un trope, d'une figure rhétorique en discours, qui
s'applique aussi aux Npr modifiés (un nouveau Mozart, les Napoléons de
demain, etc.). Déonyme serait acceptable, mais ce terme désigne toutes les
formes dérivées d'un Npr, ce qui est trop général. On peut de même écarter
l'étiquette Npr modifié, qui n'implique pas le changement de classe. On
pourrait retenir la dénomination d'antonomase lexicalisée ou encore celle
de nom propre substantivé. En fait, les exemples qui nous occupent
supposent une recatégorisation, puisqu'il y a changement de classe
grammaticale, par "dérivation impropre" : Npr > Nc. On peut donc parler
d'un Npr recatégorisé, en particulier d'un anthroponyme recatégorisé qui
désignera le Nom au cours du processus, tandis que le résultat de la
recatégorisation sera appelé déonyme.
Nous visons à démontrer que la circulation du Npr recatégorisé,
informative et associative par sa nature, favorise la formation du
mécanisme de l'allusion. L'allusion onomastique est un modèle cognitif
minimisé, ou crypté, de la situation culturelle, déterminé par le statut du
Npr allusif comme phénomène relatif à la sphère mnémonique mais faisant
pourtant partie du système de la langue. En Russie, la problématique du
phénomène prototypique (« phénomène de précédent » / precedent phenomena)
est étudiée par I. Kara'ulov, V. Krasnykh, G. Gudkov et autres. Par
exemple, le Npr de Marie-Rose peut être attribué à une personne, à des
parfums, à un shampooing ou à toute autre entité, mais cela est possible
car il y a déjà eu auparavant les nominations Marie-Rose des personnes,
donc, c'est une dénomination seconde. Ce défigement et re-fixement du Npr
sont dus aux mécanismes de circulation, de l'intertexte au sens large et au
phénomène du texte de précédent, à savoir texte cité.
2. Circulation du nom propre non-modifié
Du point de vue textuel, la sémantique/pragmatique du Npr se trouve en
mouvement et changement permanent. Nous distinguons trois étapes dans ce
processus : a) pré-onomastique (appellatif) ; b) onomastique proprement
dite (le nom circule dans le texte de l'?uvre) ; et c) post-onomastique
(« période post-textuelle »), à travers la circulation/citation,
l'intertextualité et l'appellativisation des Npr.
Circulant dans le texte littéraire en tant qu'unité sémantiquement
insuffisante, le Npr en sort sémantiquement enrichi et joue un rôle de
signal évoquant tout un complexe de co-sens associatifs. Ceux-ci forment
une structure associativo-sémantique locale, qui se fixe derrière un Npr
donné dans un contexte donné. C'est la signification individuelle et
littéraire du Npr. Quand le nom d'un personnage apparaît dans le titre de
l'?uvre (Eugène Onéguine, D'Artagnan et trois mousquetaires, Anna Karenine,
etc.), la circulation/sémantisation du Npr dans le texte se manifeste en ce
que :
a) Npr désigne le plus souvent le même référent sur l'étendue de tout le
texte. Cela n'est pas obligatoire et dépend la conception de l'auteur,
comme dans le théâtre de l'absurde où un nom est parfois partagé par
plusieurs personnages (Bobby Watson d'E. Ionesco) et dans les romans où un
personnage peut avoir plusieurs noms : Dr. Jekyll et Mr. Hide, de R.L.
Stevenson :
b) Npr acquiert une fonction de « tirant » textuel, par sa récurrence ;
c) Npr contribue à donner une cohésion générale, un caractère systémique et
anthropocentrique au texte ;
d) Npr dans le titre contribue à découvrir le sujet principal de l'?uvre,
et le projet d'auteur ;
e) le nom dérivé (p.ex., oblomov??ina dans le roman « Oblomov ») fonctionne
comme un concept-symbole complexe, qui s'actualise dans la composition
générale et l'architectonique du texte littéraire.
Il est important que dans le texte le Npr joue le rôle d'un
« assemblage » sémantique qui réunit toutes les nominations / descriptions
coréférentielles, pronominales, appellatives, anaphoriques associées à
l'individu dénoté.
Les travaux des psychologues confirment l'existence d'un lien entre Npr
et image sensitive, et aussi le caractère généralisé d'une image donnée,
comme un fait établi a priori dans l'usage de onoma [Zalevskaja, 2000]. À
un niveau cognitif, le stéréotype rejoint le prototype, puisque tous deux
visent à comprendre comment les hommes sélectionnent certains traits
signifiants du réel, afin de s'en donner une représentation et fonder les
catégories de sa désignation en langage [Siblot, 1993]. Pour ce qui
concerne le niveau textuel, le stéréotype s'extériorise sous forme de
citations dont la répétition à l'excès produit des véritables clichés.
Au cours de la circulation, le nom personnel, en tant qu'unité
lexicale, entre dans la classe des noms de l'individu ; en discours, il
établit une étroite corrélation avec la personne désignée ; donc
l'anthroponyme possède toutes les caractéristiques du sens des noms
mentionnées ci-dessus. C'est une sorte de figement. La problématique du
stéréotype croise l'étude linguistique des locutions et des expressions
figées. On appelle locution «tout groupe dont les éléments ne sont pas
actualisés individuellement» [Gross, 1996:14]. Le stéréotype circulant est
non seulement stabilisation mais aussi "travail" en texte d'une identité
collective qui se confronte à l'altérité d'un héritage qui est
herméneutique avant d'être culturel.
Comparez deux fragments de « Bel Ami » Maupassant : Quand la caissière lui eut rendu la monnaie de sa pièce de cent
sous, Georges Duroy sortit du restaurant. ... Lorsqu'il fut sur le
trottoir, il demeura un instant immobile, se demandant ce qu'il
allait faire. On était au 28 juin, et il lui restait juste en poche
trois francs quarante pour finir le mois. Cela représentait deux
dîners sans déjeuners, ou deux déjeuners sans dîners, au choix. [G.
de Maupassant, Bel Ami, 1885 : 7].
Il allait lentement, d'un pas calme, la tête haute, les yeux
fixés sur la grande baie ensoleillée de la porte. Il sentait sur sa
peau courir de longs frissons, ces frissons froids que donnent les
immenses bonheurs. Il ne voyait personne. Il ne pensait qu'à lui.
Lorsqu'il parvint sur le seuil, il aperçut la foule amassée, une
foule noire, bruissante, venue là pour lui, pour lui Georges Du Roy.
Le peuple de Paris le contemplait et l'enviait [ibid. : 434].
Indépendamment de l'évolution morphologique du Npr, on peut constater
que, dans le premier fragment, le sens situationnel de