Cosmologie et matière quantique - Hal-SHS
Or voici que, depuis un certain temps, la cosmologie et la physique se sont ... se
confond avec une partie fondamentale de la physique subatomique, qui ... L'
examen épistémologique de chacune des deux disciplines, de leurs objets et de
...
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in Seidengart, Jean et Sczeciniarz, Jean-Jacques (éds.), Cosmologie et
philosophie. Hommage à Jacques Merleau-Ponty, numéro spécial de
épistémologiques, philosophie, sciences, histoire ; philosophy, science,
history (Paris, São Paulo) 1, n°1-2, janvier-juin 2000, 219-249.
Cosmologie et matière quantique :
CONVERGENCES CONCEPTUELLES*
Michel Paty** Résumé Les représentations théoriques de l'ultra-macroscopique, régi par la
force de gravitation, et de l'ultra-microscopique, domaine de la physique
quantique infra-atomique, deux régions extrêmes de la structuration de la
matière longtemps pensées comme déconnectées, sont mises désormais en
rapport par la physique elle-même, qui établit une convergence et un
recouvrement partiel de leurs objets. Les phases primordiales de l'Univers
en expansion qui déterminent les premières impulsions de la dynamique du
cosmos en imposant les contraintes physiques "initiales" de la cosmologie,
coïncident avec l'objet de cette partie fondamentale de la physique
subatomique qui concerne les symétries des champs et leurs brisures.
Cette rencontre entre la cosmologie et la matière quantique
s'effectue par deux voies : celle des lois de la nature, et celle de la
constitution de la matière, que l'on peut suivre aussi bien en étudiant les
circonstances historiques de ces convergences conceptuelles et théoriques
(mais aussi factuelles) qu'en analysant leurs conditions épistémologiques.
L'Univers primordial de la cosmologie est considéré comme laboratoire
virtuel de la physique des champs à symétrie de jauge dans la région
asymptotique de leurs unifications. La pensée de la matière semble portée
dans cette direction par un mouvement vers l'indifférenciation, qui part de
l'identité des indiscernables constitutive de la physique quantique et va
vers une identification progressive des divers genres d'états physiques
(indifférenciation croissante par les symétries dynamiques d'ordres plus
élevés). Le sens physique acquis désormais par de tels concept théoriques
incline à y voir l'indice d'une objectivation plus grande de la théorie
physique, qui ne décrit pas seulement le comportement de ses objets, mais
les détermine et les constitue eux-mêmes de plus en plus étroitement.
La descente au fond de la matière ne s'effectue désormais pas tant
dans les dimensions spatiales, que dans une plus grande indifférenciation
des particules de la matière quantique : et de même pour la remontée vers
"l'origine du temps". Cette dernière question s'éclaire par une analyse du
rapport entre le temps et les théories physiques, notamment dans la
perpective du temps cosmologique.
Abstract. Cosmology and quantum matter : Conceptual convergences The theoretical representations of the ultra-macroscopic, governed by
the force of gravitation, and of the ultra-microscopic, domain of infra-
atomic quantum physics, two extreme regions of the structuration of matter
that were for long thought as being disconnected, are put henceforth in
relation by physics itself, establishing convergence and partial recovery
of their objects. The primordial phases of the Universe in expansion, that
determine the first impetuses of the dynamics of the cosmos by imposing the
"initial" physical constraints of cosmology, coincide with the object of
this fundamental part of subatomic physics that concerns symmetries of
fields and their breakings.
The encounter between cosmology and quantum matter happens by two
ways, that of the laws of nature, and that of the constitution of matter,
as one can trace it as well by studying the historical circumstances of
these conceptual and theoretical (and also factual) convergences as by
analyzing their epistemological conditions. The primordial Universe of
cosmology is considered as a virtual laboratory for the physics of gauge
symmetry fields in the asymptotic region of their unifications. The thought
of matter seems to be oriented in this direction through a movement towards
indifferentiation, that starts from the identity of the indistinguishables
which is constitutive of quantum physics and goes towards a progressive
identification of the various genders of physical states (growing
indifferentiation through dynamic symmetries of higher orders). The
physical content acquired henceforth by such theoretical concept inclines
us to see there an indication for a greater objectivation of physical
theory, that does not only describe the behavior of its objects, but
determines them and constitutes themselves closer and closer.
The descent down to the bottom of matter is henceforth not so much a
descent down toward infinitely small spacial dimensions, than a descent
towards a greater indifferentiation of quantum matter particles : and
similarly for the ascent to the "origin of time". This last question is
enlightened by an analysis of the relationship between time and physical
theories, notably in the perpective of cosmological time.
"Alors, je vis l'aleph."
"... Le diamètre de l'Aleph devait être de deux ou
trois centimètres, mais l'espace cosmique était là,
sans dimension de volume."
"... J'eus le vertige et je pleurai, car mes yeux
avaient vu cet objet secret et conjectural, dont les
hommes usurpent le nom, mais qu'aucun homme n'a
regardé : l'inconcevable univers".
Jorge Luis Borges, L'Aleph.
Nous ne voyons ni l'Univers ni la matière élémentaire, mais nous
pouvons les concevoir, comme dirait Descartes (nous n'imaginons pas
l'infini, écrivait-il[1]). Et, au fur et à mesure que notre vision se
précise, nous les voyons en partie se confondre, se pénétrer l'un l'autre.
Du moins l'un nous aide-t-il à concevoir l'autre. C'est à quelques
réflexions sur ces données de la science contemporaine que ce qui suit
voudrait inviter, en nous questionnant sur les circonstances de raison qui
ont rendu possible un tel éclairement mutuel inattendu.
L'Univers considéré dans son ensemble, comme une totalité, et la
"constitution intime" de la matière, aujourd'hui qualifiée comme la matière
quantique, atomique et subatomique, pouvaient assez paraître correspondre,
jusqu'à une époque récente, aux deux immensités de Pascal, celle de
l'infinie grandeur et celle de l'infinie petitesse[2]. En les invoquant,
l'auteur des Pensées n'envisageait pas qu'il fût possible ni même seulement
pensable d'en faire jamais le tour, lui qui les voyait s'enfuir vers plus
d'infini à chaque approche. Du moins nous reste-il de la question
pascalienne, indépendamment des dimensions physiques de l'univers et de
l'atome, l'interrogation sur les soubassements de notre pensée du monde,
qui paraissent bien devoir continuer à tenir, quels que soient nos efforts,
"le milieu entre tout et rien". Un peu plus près de nous, ces deux
domaines, celui de l'univers et celui de l'atome, étaient situés tous deux
naguère parmi les terres interdites du positivisme, échappant par nature à
la connaissance scientifique, à la connaissance positive.
Or voici que, depuis un certain temps, la cosmologie et la physique
se sont attelées avec quelque succès à la tâche, peut-être enfin lavée de
la malédiction de Sisyphe, de connaître les objets physiques le plus grand
et le plus petit qui soient concevables. Ceux-ci, d'ailleurs, ne seraient
plus infinis, si l'Univers bien qu'illimité reste fini, selon la théorie de
la relativité générale et la conception des espaces riemaniens, et si les
particules élémentaires nous font toucher la limite de leur extension
spatiale (les leptons et les quarks seraient des particules ponctuelles, de
dimension inférieure à [pic] cm), selon la théorie quantique des champs
(électrodynamique quantique, théorie de jauge électrofaible,
chromodynamique quantique) dans son accord aux expériences[3]. Cela, du
moins, avec d'autres conditions, permettait plus facilement de les
concevoir selon l'approche scientifique. A propos de la limite possible de
signification physique d'un accès aux distances de plus en plus petites, on
peut avancer que la descente au fond de la matière ne s'effectue désormais
pas tant dans les dimensions spatiales, que dans une plus grande
indifférenciation des particules de la matière quantique (nous y
reviendrons).
Ces deux domaines, celui de l'Univers dans sa totalité, et celui des
particules quantiques les plus élémentaires, ont été longtemps pensés comme
déconnectés, relatifs à des conditions physiques qui semblaient à l'opposé
les unes des autres, et relevant d'approches sans commune mesure : l'ultra-
macroscopique, régi par une force de gravitation entre les masses agissant
dans un espace-temps continu, et l'ultra-microscopique, soumis aux
interactions quantifiées de la physique infra-atomique. Les représentations
théoriques correspondantes, développées depuis les années vingt de ce
siècle, sont aussi différentes que possible et, comme l'écrivait Einstein
lui-même, "semblent peu se prêter à une unification"[4] : la théorie de la
relativité générale est une théorie déterministe et causale du champ
continu, alors que la théorie quantique est une théorie de la
discontinuité, faisant intrinsèquement appel aux probabilités, qui
permettent de raccorder la discontinuité des grandeurs caractérisant un
état à des équations différentielles pour les fonctions d'état qui
décrivent les systèmes physiques (ces fonctions ayant les propriétés
d'amplitudes de probabilité).
Ces deux domaines limites de la structuration de la matière
universelle étaient traditionnellement pensés du point de vue théorique,
notamment depuis la connaissance de la matière atomique (quantique), comme
disjoints. Ils ne sont plus conçus aujourd'hui sans connexions, celles-ci
ayant été appelées tout d'abord par la cosmologie physique, qui impliquait
au départ la dynamique d'agrégats de matière, et qui impliqu