Dépendance asymétrique dans les partenariats verticaux - Hal-SHS

Lorsque l'interdépendance des partenaires est asymétrique, l'alliance .... de l'
agence permet l'examen de toute relation de coopération (Charreaux, 1999) .....
Le tableau 1 propose une synthèse des situations de dépendance des cas
retenus.

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Dépendance asymétrique dans les alliances verticales :
Comment un client vassal contrôle-t-il ses fournisseurs ?
Carole DONADA
Professeur Associé - ESSEC
BP 105 - 95021 Cergy Pontoise Cedex
France
donada@essec.fr
01.34.43.30.68 Gwenaëlle NOGATCHEWSKY
ATER - CREFIGE - Université Paris-Dauphine
Place du Maréchal de Lattre de Tassigny - 75116 Paris
France
nogatchewsky@voila.fr
01.40.86.06.22
Résumé
L'objet de cette étude est d'analyser l'exercice du contrôle au sein
d'alliances verticales marquées par une forte asymétrie de dépendance entre
des partenaires. Deux études de cas sont réalisées et portent sur le
contrôle que des clients dépendants de leurs fournisseurs partenaires
peuvent exercer sur ces derniers. Nos observations sont mises en
perspective avec des propositions issues de l'approche transactionnelle, de
l'approche de l'échange social, de l'approche par le pouvoir et la
dépendance et de l'approche par les ressources et les compétences. L'étude
suggère que les clients fortement dépendants de leurs fournisseurs (appelés
ici clients vassaux) ne peuvent imposer à ces derniers des contrats stricts
ni les influencer de manière coercitive. Ils privilégient alors un contrôle
plus informel et cherchent à développer une influence « affective » sur
leurs fournisseurs. Cette influence est fondée sur la confiance et les
normes relationnelles.
Introduction
Les entreprises ne sont pas autosuffisantes. Elles dépendent de partenaires
externes qui leur fournissent les ressources dont elles ont besoin pour
fabriquer et vendre leurs produits. Elles développent ainsi des relations
d'échange qui prennent des formes plus ou moins coopératives :
transactions uniques sur des achats discrets non répétitifs, opérations de
sous-traitance ou partenariats de longue durée. On parle de partenariat ou
d'alliance verticale lorsqu'un client et un fournisseur coopèrent à long
terme pour concevoir et/ou réaliser un produit (et/ou un process) en
coordonnant leurs compétences et leurs ressources (Donada, 1997). Les
partenaires d'une telle alliance sont dépendants les uns des autres. Le
niveau de leur dépendance est proportionnel à leurs besoins de ressources
et inversement proportionnel à la disponibilité de ces mêmes ressources en
dehors de l'alliance (Emerson, 1962). Lorsque l'interdépendance des
partenaires est asymétrique, l'alliance verticale est dite asymétrique.
Au cours des vingt dernières années, la croissance des pratiques
d'externalisation a eu pour effet d'augmenter la dépendance client-
fournisseur. Dans certains secteurs industriels comme l'automobile,
l'électronique ou l'informatique ainsi que dans la plupart des activités de
services, la performance économique des entreprises est en grande partie
sous la responsabilité de leurs fournisseurs qui contribuent à près de 80%
de la valeur ajoutée des produits vendus. Dès lors, la réussite des
stratégies d'externalisation découle largement de la capacité des
entreprises à maîtriser leurs fournisseurs, à les contrôler. Le développement des alliances verticales s'est logiquement accompagné
d'une multiplication des travaux sur leur mode de contrôle. Ces travaux ont
principalement porté sur des situations d'interdépendance client-
fournisseur ou sur des situations de dépendance asymétrique favorables aux
clients (Frazier, Gill et Kale, 1989 ; Gundlach et Cadotte, 1994 ; Heide et
John, 1988 ; Skinner, Gassenheimer et Kelley, 1992). Les chercheurs ont peu
étudié les cas d'alliances verticales asymétriques dans lesquelles les
clients sont les vassaux de leurs fournisseurs partenaires. Ces cas sont
pourtant très fréquents dans le monde des affaires. Les modes de contrôle
développés par les clients dans ces situations méritent d'être examinés et
sont peut-être spécifiques à ces situations. L'objet de cette étude est
ainsi d'analyser l'exercice du contrôle dans les alliances verticales
asymétriques dans lesquelles les clients sont les vassaux de leurs
fournisseurs partenaires. Le contrôle d'un client sur son fournisseur est défini comme étant le
processus par lequel le client influence les actions de son fournisseur
dans le sens de ses attentes. Comme l'exercice du pouvoir, le contrôle ne
se situe jamais d'un seul côté. Il s'inscrit dans une réciprocité. Ainsi,
un partenaire dominé peut exercer un contrôle sur un autre, même si son
influence est limitée. L'influence est offensive lorsqu'elle vise à amener
l'autre à accomplir certaines actions. Elle est défensive lorsqu'elle a
pour objectif de se préserver du contrôle que l'autre pourrait exercer
(Friedberg, 1993). Les modalités du contrôle (c'est-à-dire, la manière dont
il s'exerce), qu'elles soient offensives ou défensives, recouvrent à la
fois des dispositifs formels et des processus plus informels liés aux
relations transverses et évolutives entre les acteurs. Cette recherche s'appuie sur deux études qualitatives d'alliances
verticales asymétriques. Bien que dans ces alliances les clients coopèrent
à long terme avec leurs fournisseurs sur le développement et la conception
des produits, ils sont fortement dépendants de leurs fournisseurs et cette
dépendance n'est pas réciproque. Cette recherche vise à comprendre les
modalités du contrôle que ces clients vassaux mettent en ?uvre vis-à-vis de
leurs fournisseurs partenaires. Elle permet également d'étudier les
réactions et les stratégies des fournisseurs « seigneurs » qui profitent de
leur situation favorable de dépendance asymétrique. L'article est structuré en deux parties. La première partie présente le
cadre de l'étude. Nous examinons les approches théoriques les plus
utilisées dans les recherches sur les alliances verticales qui permettent
de rendre compte des situations de dépendance asymétrique : l'approche
transactionnelle, l'approche de l'échange social, l'approche par le pouvoir
et la dépendance et l'approche par les ressources et les compétences. Nous
exposons les fondements conceptuels, les problématiques explorées et
formulons des propositions théoriques sur le contrôle que peut exercer le
partenaire a priori dominé dans les alliances asymétriques. La deuxième
partie est consacrée à l'étude empirique. Nous présentons la méthode de
recherche et les cas étudiés : deux entreprises clientes vassales de leurs
fournisseurs partenaires (Airindustrie dans le secteur aéronautique et
Pharmacop dans le secteur pharmaceutique). Nous interprétons ensuite les
résultats et les discutons au regard des propositions théoriques.
Cadre conceptuel Les cadres théoriques qui appréhendent les conditions d'asymétrie de la
dépendance dans les alliances verticales sont extrêmement variés.
Toutefois, les quatre approches les plus mobilisées par les chercheurs pour
décrire et expliquer l'exercice du contrôle dans ces situations sont :
l'approche transactionnelle, l'approche de l'échange social, l'approche par
le pouvoir et la dépendance et l'approche par les ressources et les
compétences. A l'exception des théoriciens du pouvoir et de la dépendance,
les auteurs des trois autres approches n'utilisent pas explicitement
l'expression « dépendance asymétrique ». Il apparaît néanmoins que les
concepts utilisés dans les modèles permettent d'appréhender des situations
d'alliances asymétriques.
Dépendance asymétrique et approche transactionnelle Au sein de l'approche transactionnelle, la théorie des coûts de transaction
et la théorie de l'agence constituent les deux principaux courants qui
permettent d'étudier les alliances asymétriques.
Développée par Williamson (1975), la théorie des coûts de transaction (TCT)
indique que les caractéristiques de la transaction (son incertitude, sa
fréquence, le degré d'actifs ou d'investissements spécifiques qui lui sont
nécessaires) ainsi que le contexte dans lequel celle-ci se déroule (le
nombre d'acteurs, leur opportunisme ou leur degré de rationalité)
entraînent des coûts de transaction. Pour limiter ces coûts, il convient de
choisir les formes d'organisation et de contrat les mieux adaptées : le
marché (contrat classique), la forme hybride (contrat néo-classique) ou la
hiérarchie (contrat personnalisé). S'inscrivant entre le marché et la
hiérarchie, l'alliance est une forme hybride dont la gouvernance repose sur
l'assistance d'une tierce partie (par ex. état ou autorité légitime) dans
la résolution des conflits et l'évaluation de l'exécution des contrats.
L'alliance est asymétrique lorsqu'un allié réalise de manière unilatérale
des investissements spécifiques à l'alliance et se retrouve ainsi l'otage
de l'autre. En proie à l'opportunisme de son partenaire, l'otage risque
l'appropriation de ses actifs ou de leur rente (Klein, Crawford et Alchian,
1978). Pour se protéger, il doit mettre en place des mécanismes de
sauvegarde (par ex. contrats d'exclusivité) qui renforcent sa non-
remplaçabilité dans l'alliance ou, tout au moins, augmentent les coûts de
son changement. Heide et John (1988) proposent également le développement
d'« investissements de compensation » de nature relationnelle (par ex. des
équipes spécifiques dédiées au partenaire) visant à renforcer l'alliance et
limiter les effets négatifs d'une trop grande asymétrie entre les
partenaires.
Toujours au sein de l'approche transact