Zatopek N° 2 - Zatopek Magazine

... (cuir et caoutchouc) assez peu déformables (maximum 30%) ce qui signifie
que le pied lancé à pleine ..... des chaussures qui guident le déroulement du
pied sur le sol plutôt que de le contraindre. ... L'examen statique terminé, il faut
courir.

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Zatopek N° 2 - Avril 2007
par Gilles Goetghebuer Comment trouver chaussure à son pied? Pour le coureur, le choix d'une chaussure constitue la première étape
vraiment cruciale de l'entraînement. Et ceux qui se trompent risquent de le
regretter longtemps! Rien que sur un pays petit comme la Belgique, on trouve des chaussures de
jogging dans un peu plus d'un millier de boutiques. Chacune d'elles propose
plusieurs dizaines de modèles déclinables en multiples versions et
pointures. Face à cette abondance de biens, la probabilité qu'il existe sur
le marché un modèle parfaitement adapté à votre pied est très élevée.
Toutefois, la probabilité de tomber sur cette chaussure idéale est
quasiment nulle. Sauf évidemment à conditionner son choix à un gros travail
de réflexion. Un petit bijou architectural Commençons par un constat: le pied humain est un trésor d'ingéniosité
architecturale avec 26 petits os reliés par 32 petits muscles qui
maintiennent une structure en forme de voûte capable de résister à un
écrasement de plusieurs tonnes. Une bonne chaussure de jogging doit
évidemment préserver la robustesse naturelle de cette armature. Une
mauvaise, en revanche, risque de tout faire s'effondrer. Pour bien
comprendre les enjeux, un petit calcul en dit plus que n'importe quel long
discours. Lorsqu'on court, le pied encaisse une force égale à 2,5 fois le
poids du corps à chaque réception sur le sol. Une course sur 10 kilomètres
représente donc, en poids cumulé, une charge d'environ dix mille tonnes. Le
poids d'un petit chalutier! Et ce n'est pas tout. Chaque impact sur le
talon dure environ 25 millisecondes. C'est trop court pour la mise en place
de l'arc réflexe qui a pour mission de protéger l'articulation. La
charpente osseuse se trouve donc prise au dépourvu. Un peu comme la tape
dans le dos assénée par un ami que l'on n'avait pas vu venir. L'onde de
choc grimpe alors le long du squelette pour atteindre l'occiput à la base
du crâne où l'on enregistre encore de faibles variations. Voilà qui
explique pourquoi il faut y aller doucement, surtout lorsqu'on se remet à
courir après des années de sédentarité. La meilleure façon de marcher
Le pied est aussi une pièce anatomique très curieuse. Il n'a pas une
croissance constante tout au long des premières années et sa forme n'est
pas, comme celle de notre nez, entièrement déterminée par la génétique. Il
se transforme selon des influences héréditaires certes, mais aussi en
fonction des contraintes qui s'exercent sur lui. Ainsi, le pied rond et
dodu des bébés reste désespérément plat jusqu'aux environs de quatre ans.
Il se creusera ensuite avec l'habitude de la marche. La formation de
l'arcade plantaire résulte en effet du renforcement de tous les petits
muscles qui tirent sur les pièces osseuses comme on bande un arc. Et, plus
on les sollicite, plus les pieds se creusent! Cette cambrure est d'ailleurs
spectaculaire chez les tireurs de pousse-pousse en Asie, chez les danseurs
de ballet et, bien sûr, chez les coureurs à pied. Comme les ogives d'une
cathédrale, cette structure en forme d'arche permet de répartir
équitablement les pressions. D'autres mécanismes de protection se mettent
encore en place avec l'habitude de la marche ou de la course comme
l'épaississement de la couche de lard (peau et graisse) sous l'os du talon
(calcanéum). Le pied apprend aussi à se comporter comme un ressort. Il se
déforme légèrement à chaque foulée avec notamment un coulissement de
l'astragale le long du calcanéum pour permettre un atterrissage en douceur.
Bien entendu, la phase d'écrasement doit alterner avec une reprise de la
position initiale lors du trajet aérien. Cela se produit très naturellement
à la fin de la poussée. L'extension du gros orteil entraîne un effet de resserrement de tous les
osselets, à la fois dans le sens latéral et longitudinal, et prépare ainsi
le pied à subir une nouvelle déformation. Avec l'entraînement, on améliore
aussi sa technique de course. Si vous regardez la semelle d'anciennes
chaussures, vous verrez que le côté extérieur est (quasiment) toujours plus
usé que l'autre (*). Normal! Le calcanéum prend contact avec le sol sur son
bord externe et puis verse doucement en position latérale. Ce petit
mouvement de bascule participe lui aussi à l'absorption de l'impact. Enfin,
il faut compter avec la flexion du genou et la souplesse des hanches,
puisque à chaque pas, le bassin s'écarte de l'horizontalité selon un angle
de 4 ou 5 degrés. Au bout du compte, le contact du pied sur le sol jouit
d'un espace d'amortissement de plusieurs centimètres qui annihile une
transmission trop violente des chocs et protège le squelette.
(*) Luc Bouvier (directeur de Jogging Plus) estime qu'il a dû équiper plus
d'une dizaine de milliers de coureurs dans ses quatre magasins. Des
semelles usées à l'intérieur du talon, il se souvient en avoir vu deux fois
seulement. Elles appartenaient à des personnes avec les jambes formant un X
fort caractéristique !
Mexico 68: les pieds niqués!
Au premier temps du sport, on comptait sur ces facultés naturelles
d'encaissement. De ce fait, les chaussures de course n'étaient pas très
différentes des souliers de ville. Elles protégeaient du froid et des
aspérités du sol. Mais, fondamentalement, elles n'en modifiaient aucune
propriété.
Les coureurs se contentaient d'ajouter quelques clous sous la semelle pour
stabiliser les appuis sur terrain meuble. Et c'était tout. Il faut dire
qu'à l'époque, on s'entraînait sur des sols souples: la cendrée des pistes
d'athlétisme et l'herbe des hippodromes où se tenaient traditionnellement
les épreuves de cross-country (**). Le grand changement survint à la fin des années 60 avec l'expansion de la
course à pied vers de nouveaux publics, notamment dans les villes, et la
popularisation d'épreuves de masse courues sur l'asphalte.
L'intensification des enjeux sportifs a poussé aussi les athlètes à durcir
parfois inconsidérément leurs programmes d'entraînement. Enfin, on a
remplacé le revêtement des stades par des matériaux synthétiques beaucoup
plus traumatisants. Les Jeux de Mexico en 1968 furent les premiers à être
disputés sur tartan. On assista alors à une explosion des records! Les
pistes artificielles possèdent en effet cet avantage de restituer
l'intégralité des forces et d'empêcher le glissement des appuis. On limite
ainsi les déperditions d'énergie. D'un autre côté, on soumet le pied à des
contraintes tout à fait anormales et on oblige par exemple l'articulation
de la cheville à travailler sans respecter ses quelques degrés de rotation
anatomique. Alors, s'il est vrai que la dureté de la piste et la fixation
du pied conviennent pour la performance, ces paramètres sont également
responsables de très nombreuses blessures. Les années qui ont suivi ont
d'ailleurs vu se généraliser ce type de revêtement, ce qui a eu pour double
effet de pousser les performances vers le haut et de générer une épidémie
de maux divers (tendinites, périostites, fractures de fatigue) que l'on
désigna bientôt sous le nom de "syndrome du tartan". La société américaine
3M qui commercialisait ce type de surface se sentit un peu coupable de
cette vague de douleurs et entreprit une série d'études pour tenter de
mieux comprendre leur origine. Notre langage s'enrichit alors de nouvelles
expressions telles que "forces bionégatives" ou "micro-traumatismes" qui,
bien que banales aujourd'hui, nous étaient inconnues dans les années 70. Lentement, on a pris conscience aussi des dangers de la course à pied et de
son rôle dans des pathologies a priori très éloignées du sport comme
l'anémie. La répétition des chocs sur la plante du pied produit en effet de
microscopiques épanchements sanguins qui à la longue peuvent entraîner une
importante perte de fer et affecter l'ensemble de l'organisme. Bref,
l'industrie s'intéressa de plus en plus aux besoins des coureurs et elle
tenta d'apporter des réponses à tous ces problèmes. (**) Aux débuts de la course à pied, les organisateurs avaient tout copié
sur les épreuves hippiques: terrain, distances, présence éventuelle
d'obstacles (steeple-chase). Les coureurs s'habillaient comme des jockeys.
Certains poussaient même l'analogie jusqu'à se munir d'une cravache pour se
fouetter les jambes lors du sprint final! Les années de mousse
Des biomécaniciens de renom comme Benno Nigg de l'Université de Calgary,
supporté par Adidas, ou E.C. Frederick, directeur du laboratoire de Nike
Sport au New Hampshire travaillèrent alors à la mise au point de semelles
protectrices du système locomoteur. Leur défi consistait d'abord à estimer
les forces qui peuvent, sans danger, s'exercer sur le pied et à trouver des
matériaux suffisamment absorbants et légers à incorporer dans les semelles
pour atteindre ces conditions optimales de confort et de sécurité. Il
suffit de connaître un peu l'historique de la biomécanique pour mesure
l'ampleur du travail. Car rien n'existait auparavant.
En quelques années, il a fallu inventer les concepts et élaborer en même
temps des critères objectifs d'évaluation. Au Musée olympique à Lausanne,
on peut s'amuser d'ailleurs à comparer les pompes de Zatopek aux Jeux de
Helsinki en 1952 et celles de Lasse Viren à Montréal en 1976. Dans le
premier cas, la semelle présente une épaisseur d'environ 7 millimètres et
est constituée de matériaux (cuir et caoutchouc) assez peu déformables
(maximum 30%) ce qui signifie que le pied lancé à pleine vitesse (+/- 1
mètre par seconde) s'écrasait sur le sol avec un espace d'amortissement d'à
peine 2 millimètres. Un quart de siècle plus t