La normalisation du calcul des coûts : un dilemme récurrent - Hal-SHS

21 avr. 2007 ... Dans tous les cas de figure le MOA estime le coût de ce support comme .... + une
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La normalisation du calcul des coûts : un dilemme récurrent ? Marc Nikitin
Université d'Orléans, Laboratoire Orléanais de Gestion
rue de Blois, BP 6739
45 067 Orléans Cedex 2
marc.nikitin@univ-orleans.fr Drago? Zelinschi
SKEMA Business School
av. Willy Brandt
59777 Euralille
dragoszelinschi@yahoo.com Béatrice Delouis
Résumé : Nous examinons ici des expériences variées de calcul uniforme des
coûts, dans des secteurs et à des époques distinctes, et nous essayons de
mettre en évidence les raisons de leur apparition, ainsi que leurs
différences. Nous affirmons ici que pendant l'entre deux guerres les
systèmes uniformes étaient destinés à réduire les conséquences négatives de
la concurrence excessive ; au contraire, au cours des dix dernières années,
une nouvelle version de calcul uniforme (plus précisément de calcul
réglementé des coûts) est mise en place par l'Etat dans certains secteurs
tels la santé, l'armée ou les télécommunications, pour créer ou renforcer
la concurrence où le marché fait défaut. Par conséquent, nous considérons
que les systèmes uniformes de calcul des coûts servent à réguler la
concurrence. Mots clés : calcul uniforme des coûts, concurrence
Abstract : In this paper, we consider various experiences of uniform
costing, in different sectors and at different times, and try to account
for their appearance and their differences. It is here argued that during
the interwar period, uniform costing systems were dedicated to lower the
tragic consequences of cutthroat competition; in the contrary, in the last
decade, a new form of uniform costing (or ruled costing) is set up by the
State in some sectors like healthcare, the Army suppliers or
telecommunications, in order to create or reinforce competition were the
market fails to provide a proper one. As a consequence, uniform costing
systems are seen as competition regulators. Keywords : uniform costing, competition Introduction La comptabilité financière diffère significativement de la
comptabilité de gestion, car la première est complètement normalisée par
des règles obligatoires, tels les IFRS ou les US GAAP, tandis que la
seconde ne fait généralement pas l'objet de normalisations. En effet, il
semble naturel que les entreprises puissent décider librement quel système
de calcul des coûts elles mettent en place et utilisent. Cela n'est pas
complètement vrai en réalité : des systèmes uniformes de calcul des coûts
ont existé (et il y en a qui existent encore), quoiqu'ils n'aient jamais
été comparables aux normes IFRS ou GAAP. D'une part les systèmes uniformes
concernaient seulement quelques secteurs et d'autre part ils ont d'habitude
été mis en place temporairement. Par ailleurs, tandis que la comptabilité
financière se rapproche de plus en plus du « droit dur », les systèmes
uniformes de calcul des coûts ont généralement été (et continuent à être)
du « droit souple » ; ils ne sont pas obligatoires et une entreprise ne
sera pas poursuivie en justice si elle ne respecte pas les recommandations
de calcul des coûts en vigueur dans son secteur d'activité. La
normalisation des méthodes comptables, dans sa période de gestation (à
savoir avant la première guerre mondiale) concernait la comptabilité
financière mais également la comptabilité de gestion. Les deux voies se
sont séparées après 1950 : le calcul uniforme des coûts a progressivement
(mais temporairement) disparu, tandis que la comptabilité financière a été
normalisée presque partout au niveau national. Dans cet article, nous examinons des expériences variées de calcul
uniforme des coûts, dans des secteurs et à des époques distinctes, et nous
essayons de mettre en évidence les raisons de leur apparition, ainsi que
leurs différences. Nous affirmons ici que pendant l'entre deux guerres les
systèmes uniformes étaient destinés à réduire les conséquences négatives de
la concurrence excessive ; au contraire, au cours des dix dernières années,
une nouvelle version de calcul uniforme (plus précisément de calcul
réglementé des coûts) est mise en place par l'Etat[1] dans certains
secteurs tels la santé, l'armée ou les télécommunications, pour créer ou
renforcer la concurrence où le marché fait défaut. Par conséquent, nous
considérons que les systèmes uniformes de calcul des coûts servent à
réguler la concurrence. Un argument dans ce sens est le fait que ces
systèmes étaient absents pendant les trente glorieuses, lorsque la
situation économique était calme et les marchés fonctionnaient bien. Plusieurs définitions du calcul uniforme des coûts ont été données, et
la suivante, fournie par la chambre de commerce des Etats-Unis dans les
années 1940, semble adéquate pour la première période que nous étudions :
« un ensemble de principes, et dans certains cas de méthodes comptables,
qui, lorsqu'ils sont incorporés dans les systèmes comptables des
entreprises d'un secteur industriels, conduisent les entreprises
respectives à calculer des coûts qui deviennent comparables ». Pour la
période plus récente, nous préférons de parler d'un calcul réglementé des
coûts, puisqu'il ne concerne pas toujours un secteur tout entier. Par conséquent, nous prenons en considération uniquement les systèmes
uniformes dont les recommandations sont claires et précises. Nous
n'analysons pas la normalisation de facto ou très « souple » qui peut
résulter de la diffusion d'une méthode générique de calcul des coûts (telle
l'ABC). Nous n'analysons pas non plus les règles de la comptabilité
financière avec un impact sur le calcul des coûts (valorisation des stocks
par exemple), car nous considérons leur influence sur les méthodes de
calcul comme négligeable. Nous avons utilisé deux type de sources : pour la période qui précède
1950, le calcul uniforme des coûts a été largement étudié et nous avons
exploité l'abondante littérature existante. Pour les dix dernières années,
nous avons utilisé notamment des entretiens et des règlements officiels.
Lorsque nous avons constaté qu'il y avait des opinions contradictoires sur
un système uniforme de calcul des coûts, comme par exemple dans le secteur
de la santé, nous avons tenté d'interviewer des acteurs représentatifs pour
chaque courant.
La normalisation des coûts pour limiter une concurrence trop forte « If competition had been a problem in earlier years it now became almost a
tragedy »
(Powell, 1926, p. 78) 1 Les méthodes homogènes aux Etats Unis Les premières tentatives dans le domaine des systèmes uniformes de
calcul des coûts appartiennent, selon toute apparence, aux industriels
américains (Solomons, 1950a). Pour Jucius (1943), les pionniers sont les
membres de l'American Iron and Steel Association qui réfléchit sur le sujet
dès sa création en 1855. Selon Solomons (1950a; 1952), le premier exemple
concret est celui de la National Association of Stove Manufacturers qui met
en place un tel système en 1889.
1 Les différentes tentatives des associations patronales Aux Etats Unis, le secteur de l'impression commence à se développer
considérablement à partir de 1886 (invention du linotype) en raison
notamment des nombreux progrès techniques. On constate ainsi une
augmentation de la taille des entreprise, des investissements nécessaires,
des besoins en capitaux et surtout une intensification de la concurrence
(Powell, 1926). Les premières associations d'imprimeurs sont créées justement pour
limiter cette concurrence et éviter l'érosion des prix. Leurs tentatives de
contrôler le marché par des ententes sur des listes tarifaires ont peu de
succès au début. Ils se rendent vite compte que pour éliminer la
concurrence déloyale, il vaut mieux avoir des informations fiables sur les
coûts plutôt qu'imposer des liste de prix arbitraires. Les associations
deviennent conscientes de l'utilité de développer des méthodes de calcul
des coûts et de former les imprimeurs à leur utilisation et commencent à y
travailler même avant le premier congrès de la United Typothetae
Association (UTA - association nationale des imprimeurs) en 1887. Quelques années plus tard, l'association met en place un comité pour
travailler sur « la question de la réduction des effets néfastes de la
concurrence » (Powell, 1926, p. 81) dont la préoccupation principale est le
calcul des coûts. La concurrence entre imprimeurs et l'importance du calcul
fiable des coûts sont des sujets omniprésents dans les journaux
professionnels de l'époque (American Bookmaker, Inland Printer et autres).
Ceux-ci approuvent toutes les initiatives prises pour « arrêter ou limiter
la concurrence nuisible dans le secteur » - article de 1889, paru dans
Inland Printer et cité par Powell (1926, p. 83). La récession amorcée en 1893 affecte beaucoup les imprimeurs. Face à
l'incapacité de l'UTA de contrôler la situation, ceux-ci tentent de
s'organiser localement pour promouvoir l'uniformisation du calcul des coûts
et diminuer les pressions concurrentielles (tel est le cas à Chicago et
Detroit). Progressivement, vers 1899, ce sont les différentes associations
locales qui prennent l'initiative en élaborant des plans visant à limiter
la concurrence et contrecarrer la baisse des prix de vente (Baltimore,
Saint Paul, Pittsburgh, Duluth, Des Moines et Oakland). Le mouvement
s'intensifie à partir de 1900, mais les listes de prix adoptées entrent
désormais en conflit avec la législation anti-trust[2]. C'est pourquoi les
associations d'imprimeurs orientent leur