AUXERRE

Sans la présence des êtres vivants, il n'y a pas de sol, il n'y a que de la roche. Un
sol se développe à partir du moment où matière minérale, matière organique ...

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AUXERRE
Par René DURR Une ville de collines et de rivière
Située au point de contact du bassin parisien avec les calcaires
bourguignons, la ville d'Auxerre (prononcer Ausserre) jalonne le couloir
naturel qui, par l'Yonne et ses affluents, met en communication Paris avec
le bassin rhodanien.
L'Yonne, descendue à l'altitude de 102 m, a élu l'endroit pour élargir sa
vallée, ralentir son débit, délaisser un chapelet d'îles aujourd'hui
disparues, anciennement propices à l'installation de ponts de bois et de
moulins. La position géographique de la ville, les facilités de
franchissement de la rivière, devaient faire d'Auxerre un lieu de passage,
un carrefour routier où se croisaient la voie d'Agrippa, la plus importante
de la Gaule, les routes de Bourgogne-Provence, du Nivernais, des pays de la
Loire et de l'Est.
Née en terrain plat, rive gauche, une bourgade originaire s'étendit
progressivement, semble-t-il, à l'ouest, en direction des hauteurs connues
sous le nom de mons Autricus (mont Autric), nom duquel semble dérivé celui,
latin, d'Auxerre, Autessiodurum, révélé par une inscription tabulaire de la
fin du IVe siècle. Ce premier étage du relief occupé par la ville
historique, il revenait à l'époque contemporaine de porter le tissu urbain,
d'abord à un palier intermédiaire du terrain puis, voici peu, au-delà du
sommet des collines hautes. Effet de l'essor industriel, la population
agglomérée, qui se montait à 26 700 habitants en 1962, en compte 40 000
aujourd'hui.
Le pont Paul-Bert et ses abords offrent une très belle vue des rives de
l'Yonne et de la cité monumentale dressée au-dessus d'opulentes verdures.
De chaque côté du puissant ensemble de la cathédrale jaillissent tours et
chevets des églises: à droite, svelte et pur, le clocher roman de Saint-
Germain; à gauche, l'aiguille de l'Horloge voisine de la flèche de Saint-
Eusèbe; plus bas, la tour quadrangulaire de l'église Saint-Pierre. L'eau
apporte au tableau sa magie et son mouvement. Des parties hautes de la
ville moderne, on découvre, sur la ville historique et les environs, des
panoramas étendus et attachants.
Une histoire bi-millénaire
L'évangélisation de l'Auxerrois vers 250-300, l'érection de la ville en
chef-lieu de diocèse préfaçaient les temps difficiles. Les invasions des
IIIe - Ve siècles amenaient les Auxerrois à fortifier hâtivement, par une
première enceinte de remparts de 1100 m, la colline dominant, au nord-
ouest, la bourgade antique.
Jusqu'à la fin du IXe siècle, époque où le comté d'Auxerre, réorganisé par
Charlemagne, se trouve réuni à la Bourgogne, une ville monastique est
venue, aux deux rives de l'Yonne, ceinturer les murs de la «cité»
fortifiée, dominée par la cathédrale. L'abbaye de Saint-Germain s'est dotée
de fortifications propres.
Des troubles faisant craindre pour la sécurité de ces extensions, une
seconde enceinte fortifiée, de 4 km, est réalisée en 1193 par le comte et
prince Pierre de Courtenay, petit-fils de Louis le Gros et cousin de
Philippe Auguste, qui, en 1218, concède aux habitants leurs premières
libertés, faveur accentuée, en 1223, par la comtesse Mahaut, sa fille.
Entre-temps, les Normands ont saccagé Saint-Germain; les Anglais prennent
et pillent la ville en 1358. L'Auxerrois, cédé à la Bourgogne à l'issue de
la guerre des Armagnacs et des Bourguignons, est définitivement rattaché à
la couronne de France en 1490, à la suite de la mort du Téméraire, dernier
des ducs de Bourgogne.
Au XVIe siècle, la ville s'est urbanisée par lotissement des domaines
ecclésiastiques. Question localement cruciale, l'alimentation publique en
eau potable est réalisée en 1495 .Mais les violences religieuses vont
ensanglanter la ville dont les églises sont dévastées et pillées en 1567,
lors de sa prise par les huguenots; l'année suivante, lors de sa reprise
par les catholiques.
La première moitié du XVIIIe siècle voit renaître les oppositions
religieuses avec la querelle janséniste. En dépit de son cycle habituel de
brimades, d'exclusions, de destructions, la Révolution sera, dans
l'ensemble, paisible. Auxerre perd, en 1792, rattaché à l'archevêché de
Sens, son diocèse dont 105 prélats ont illustré le siège. Le XIXe siècle a
vu l'achèvement d'une verdoyante ceinture de boulevards substitués aux
fortifications du XIIe siècle, ruinées. LA VILLE HISTORIQUE QUARTIER DU CENTRE
La place Charles-Surugue, ancienne place du pilori et des Fontaines,
localise, depuis le Moyen Age, l'endroit le plus central et fréquenté de
l'agglomération, poumon de la vie quotidienne et commerçante, de la vie
publique et communautaire dont les symboles - ancien château comtal, mairie
et horloge - se touchent presque, à deux pas. A l'emplacement de l'hôtel
des Postes s'élevait, jusqu'au début du siècle, la Halle au blé (ancien
marché aux grains). Aux angles de la rue de Paris, de la place Charles-
Lepère et de la rue Paul Bert, d'élégantes maisons à colombage et
encorbellement, des XVIe et XVIIIe siècles, donnent à la place un plaisant
cachet d'archaïsme. Des architectures similaires, dont un double exemplaire
est en saillie de la rue de Paris (n° 21), font antichambre à la rue de
l'Horloge.
L'aménagement du quartier en secteur piétonnier, le pavage à l'ancienne
avec égout médian ralentissent le pas et accentuent la vision d'Ancien
Régime que présente la rue de l'Horloge prolongée par la place de l'Hôtel-
de-Ville. L'arcature brisée enjambant la rue, le svelte jaillissement des
tours et des tourelles du monument de l'Horloge déterminent une diversité
de plans et de fuites d'un effet consommé. A l'angle de la rue avec celle
de la Tour-Gaillarde, un ciseau moderne a reproduit fidèlement, à la tête
du poteau-cornier, la célèbre scène des buveurs des stalles de la
collégiale avallonnaise de Montréal.
La tour de l'Horloge. - En vue de l'exactitude de leur service de guet, les
Auxerrois avaient fait, en 1411, l'acquisition d'une «horloge à ressorts et
à sonnerie» montée dans le clocher de l'église Saint-Eusèbe. Mais la
situation excentrique de celle-ci n'assurait pas l'égalité de couverture
sonore désirée. Aussi le comte Jean de Bourgogne permettait-il, en 1457,
aux habitants «de faire construire une horloge publique sur la porte auprès
du château, et d'en placer la cloche sur une tour du château appelée Tour
Gaillarde, tour présentant la particularité notable d'avoir sa souche
assise sur le mur même de l'enceinte gallo-romaine, dont c'est là un des
rares vestiges visibles.
Edifié de 1460 à 1483, l'ouvrage comprenait, d'une part, portée par l'arc
brisé jeté à cet effet en travers de la rue, la «chambre» contenant le
mécanisme de l'horloge; d'autre part, en surélévation de la souche carrée
de la Tour Gaillarde et au-dessus d'un entablement circulaire encore en
partie visible, l'élévation d'un élégant campanile à clochetons, doté d'une
flèche hardie. Des accidents (orage, incendie) ayant entraîné quelques
réductions d'?uvre, la restauration de la tour, en 1891, lui donnait sa
physionomie actuelle.
Le jet vigoureux de l'arc en accolage circonscrivant le cadran, la finesse
des pinacles latéraux projetés au-dessus de l'entablement, un décor de
fleurons, procurent à l'ensemble des proportions et une allure des plus
réussies. Sur les cadrans se lisent les heures solaire et lunaire, ainsi
que les phases de la lune. Des maximes latines proposées en 1672 à la
méditation des passants opposent : côté mairie, l'éternité divine à
l'éphémère de la vocation humaine à la terre; côté couchant, le rôle
tutélaire de la loi spirituelle.
Faisant angle droit avec celle de l'horloge, une seconde arcade en plein
cintre met en communication la rue de l'Horloge avec la place du Maréchal-
Leclerc. Cette Porta Parisiaca, principale des ouvertures de l'enceinte
gallo-romaine, donnait accès à la route de Paris. Une plaque sous l'arcade
rappelle le personnage de Guillaume Roussel (1743-1807) dit Cadet Roussel,
huissier au bailliage, que des excentricités coutumières, des attitudes
abusives lors de manifestations révolutionnaires avaient rendu populaire.
La chanson bien connue faite à son sujet fut prise pour chanson de marche
par les volontaires auxerrois partant pour les armées du nord, en 1792,
sous la conduite du futur maréchal Davout. Popularisée par eux, elle connut
un succès national.
Le Château comtal, lui aussi en partie construit sur les murs de la
première enceinte, était résidence royale sous les dynasties mérovingienne
et carolingienne. Charlemagne y résida en 778, Charles le Chauve en 841. En
1477, Louis XI concédait l'ouvrage à la ville pour servir de palais de
justice. En 1864, il était transformé en bibliothèque-musée.
Diminué dans sa consistance, restauré à partir de 1617, le bâtiment, de
sobre style Louis XIII, s'orne d'une façade faite d'un haut mur-pignon
briqueté, de forme aiguë. D'opulents chaînages de pierre en rompent
l'austère ordonnance. Avec quelques ajouts à l'antique, le mur latéral nord
rappelle les armes et la figure du comte Pierre de Courtenay.
L'Hôtel de Ville a été édifié sur l'emplacement d'une ancienne maison
commune, de 1422.
De facture sobre mais harmonieuse, la façade de pierre, millésimée de 1733
au piédroit gauche de la porte, est également rythmée par des bandeaux
horizontaux et des pilastres plats soulignant un avant-corps central à
fronton, en légère saillie.
La place de l'Hôtel de Ville, ancien forum romai