chapitre 1: A LA DECOUVERTE DE LYON - TEL (Thèses-en-ligne)
L'emploi qu'elle fait de certaines formules-chocs en détermine le succès, ... Il
projette sur la ville l'oeil du chic et du flâneur désoeuvré, ce qui ne manque pas d'
intérêt. ...... pureté originelle que l'examen architectural a préalablement mis en
valeur. ...... Sous une présentation impeccable, l'argument se fait plus présent,
mais ...
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UNIVERSITE LUMIERE-LYON II
FACULTE DE GEOGRAPHIE, HISTOIRE, HISTOIRE DE L'ART ET TOURISME LYON AU XIX° SIECLE: LES ESPACES D'UNE CITE
Thèse pour l'obtention du doctorat de l'Université Lumière-Lyon II en
histoire soutenue par Pierre-Yves SAUNIER le
Directeur de thèse: M.Yves LEQUIN Jury: Mme Commerçon, MM Garden, Lepetit et Roncayolo Un grand merci à tous, tous ceux avec qui j'ai parlé de ce travail. Merci
aussi, et plus encore, à tous ceux avec qui nous avons parlé d'autre chose. Cette thèse a pu être réalisée grâce à une allocation du Ministère de la
Recherche (1986-1988).
INTRODUCTION GENERALE
On peut sans doute hésiter à classer un travail dont la dimension
chronologique indique une appartenance historique et dont le parfum évoque
la géographie, non sans qu'un pluriel étrange vienne jeter l'ombre d'un
trouble dans un titre opaque. Mon souci majeur n'est heureusement pas de
batailler pour une classification plus ou moins heureuse, aussi laisserai-
je de côté ce petit jeu trop nominaliste pour être satisfaisant. Tenter
d'exposer avec clarté la problématique qui m'a guidée mérite plus
d'efforts. Que signifie, que recouvre ce titre qui s'il n'a pas la
prétention d'être énigmatique, a bel et bien le défaut d'être vague? Et
pourquoi "les espaces"? Ces quelques pages introductives tenteront d'abord
de répondre à ces questions.
Mais parlons en premier lieu des passions et des curiosités, avant
d'atteindre les sphères plus froides de la problématique et des
définitions. Je crois qu'il s'agit tout simplement d'une tentative
d'atteindre à ce que tous ceux qui s'intéressent au passé essayent à un
moment ou à un autre de toucher: retrouver les manières de sentir et de
comprendre de ceux qui, sans cet effort de sympathie, risquent de ne rester
que des ombres s'agitant sur des vieux papiers. Qu'il s'agisse d'un leurre
je l'accorde volontiers, car pas plus qu'un autre l'historien ne peut
échapper à ses coordonnées temporelles ou sociales. Mais cette volonté doit
subsister au delà de ce constat d'échec personnel, comme condition sine qua
non à toute histoire qui veut éviter les pièges de l'anachronisme ou du
finalisme. Car si l'historien, ou l'amateur du temps qui passe, ne saurait
arriver à cette communion d'esprit avec les personnages ou groupes auxquels
il s'intéresse, il peut retrouver à travers les sources cet "outillage
mental" que constituent ces manières de voir, d'entendre, de penser,
d'imaginer, d'agir, qui lui disent ce qui a fait la vie d'une société.
C'est à ce genre de quête que j'ai voulu utiliser le temps de ma
thèse, en me donnant comme but de retrouver comment était vécue, comprise,
gérée, appréhendée une grande ville française du XIX° siècle. D'une
certaine manière, il s'agissait d'inverser le sens narratif de l'histoire
urbaine et de faire en sorte que les hommes parlent de la ville plutôt que
la ville ne nous parle des hommes. Passer par la dimension spatiale
semblait alors une manière pertinente de procéder. D'abord parce que c'est
là que la ville se développe, s'étend et que le phénomène urbain lui-même
est identifié. Mais aussi parce que passer par l'espace permet
d'appréhender un ensemble de phénomènes très différents, tant la société
humaine se pense, se modifie et s'ordonne à travers cette dimension.
L'entrée par l'espace me semble donc capable d'ordonner une approche
pertinente des sociétés urbaines qui n'aboutisse pas à émietter l'histoire,
mais qui contribue au contraire à tenir ensemble les différentes dimensions
de la vie d'une cité. L'histoire de l'espace n'est donc pas l'équivalent
d'une histoire de la petite cuillère, du bec de gaz ou du mur en plâtre: il
est vrai que sans se forcer, l'espace est un "fait social total" puisque
toute société s'y déploie et s'y affronte, contrairement à la petite
cuillère.
C'est en tout cas ce que ce travail se propose de suggérer ([1]). Il
aurait pu prendre pour lieu et temps d'autres objets que Lyon et que ce
large XIX° siècle que j'ai choisi. Les choix de ce terrain et de ce moment
sont les résultats de donnés plutôt que de conçus: un cursus universitaire
lyonnais et un intérêt plus particulier pour le "sombre XIX° siècle" les
ont déterminé bien plus qu'une réflexion préalable sur la qualité de ces
temps et lieux. Mais ils ne sont que les supports d'une volonté de
retrouver les logiques qui ordonnent l'appréhension (la saisie) de l'espace
en général, de l'espace urbain en particulier, de l'espace de Lyon enfin.
J'emploie ce mot de "logiques" non que cette saisie soit toujours ordonnée
et reposant sur des modèles suivis ou imposés, mais parce que c'est la
raison d'être des travaux sur l'outillage mental et les dispositifs
affectifs que de regrouper des "faisceaux de représentations" ([2]). Sans
cet effort de mise en cohérence, de tels travaux se heurtent aux écueils du
lexique ou catalogue des manières de voir ou de penser: énumération,
description à plat, cas individuels. Il faut, sans les présupposer ou les
transposer par anachronisme, retrouver les cohésions sociales qui modèlent
les représentations et les perceptions, de sorte que leur étude et leur
histoire puissent ajouter à nos connaissances sur les sociétés urbaines
contemporaines. C'est pour ces raisons que tout au long de ce travail j'emploierai le
terme de "représentation sociale" de préférence à ceux qui parsèment les
lignes ci dessus: image, outillage mental, perception, dispositif
affectif,.... Au delà du concept ([3]), la signification même des mots me
semble avoir valeur de contrat. L'employer, c'est s'engager, se contraindre
à ne jamais perdre de vue le caractère de constructions sociales que
revêtent ces "versions" de ville qu'on va rencontrer tout au long des pages
à suivre. C'est faire de l'histoire de ces constructions le sujet même de
la thèse. Le concept de représentation sociale en lui-même permet de
travailler dans le même sens. Au delà de la variété des définitions données
depuis vingt ans, au delà des incertitudes, se dégage une idée forte: les
représentations sociales sont des modèles simplifiés de la "réalité", liés
aux conditions d'insertion dans la société et aux contacts permanents avec
celle-ci, qui servent de base aux prises de positions dans cette société.
Lien interactif entre l'idéel et le matériel, elles dictent les cadres du
possible et du pensable concernant l'objet représenté. Issues elles-mêmes
des informations reçues, elles conditionnent ensuite l'accès à d'autres
informations (les "informations liées" de moscovici), leur donnent sens et
se modifient sans cesse avec l'expérience. La psychologie sociale ne
prétend certes pas avoir élucidé toutes les modalités du fonctionnement
([4]) des représentations sociales, mais la qualité des travaux effectués à
partir de cette idée ([5]) appelle l'attention des autres sciences
humaines. Comme l'écrit Paul claval "Les objets dont traitent les sciences
sociales existent toujours deux fois: dans le monde et dans la tête des
gens qui en ont besoin, qui les utilisent, qui les modèlent ou qui en
rêvent"([6]). C'est cette double existence, ce Lyon rêvé, revendiqué ou
quotidiennement utilisé qu'il s'agit ici de saisir. Le postulat de considérer l'espace comme objet ordinaire, et en tant
que tel soumis à et régi par des représentations sociales, pouvait il y a
quelques années encore être taxé d'hérésie. Pour les géographes comme pour
les historiens (le temps long de Braudel?) l'espace restait bien souvent
une donnée immuable qui échappait au temps et déterminait étroitement les
cadres de l'action humaine. Puis, notamment par l'effet de travaux sur
l'espace urbain, les années 60 ont vu naître une école critique sur le
statut même de l'espace. Ce qui a été vivement remis en question alors,
c'est l'utilisation de l'espace comme essence, comme structure
d'intelligibilité utilisée pour exprimer des rapports de situation
immuables ou pour figurer des mondes fragmentés. Le livre-clé de cet effort
est à mon sens La production de l'espace de Henri Lefebvre ([7]): son titre
/outrage/manifeste résume toute la volonté déconstructrice de son analyse,
qui m'a été précieuse tout au long de ce travail. Il demeure irremplaçable
et irremplacé. C'est dans ces années 1960-70 que la géographie dite
"sociale" a pris son essor et a ouvert l'éventail du questionnement sur
l'espace: les interrogations sur les thèmes du "paysage", de "l'espace
perçu", de "l'espace vécu" se bousculent en 1974-75 dans les numéros de la
revue L'espace géographique. La position de cette géographie sociale
pourrait se résumer en une phrase simple: plutôt que de penser
"classiquement" que les hommes ne sont rien sans l'espace, elle préfère
tenter de montrer que l'espace n'est rien sans les hommes, l'utilisation
qu'ils en font et les sens qu'ils lui donnent. Par la suite, le
bouillonnement d'idées s'assagit, et la thèse d'Antoine Bailly ([8]) semble
marquer la fin de la période "rebelle" de la géographie sociale et son
intégration (hommes et thèmes) dans la discipline et ses institutions.
D'une esquisse de formation de géographe, c'est cette volonté de
questionner l'espace que j'ai conservé et que je tente d'appliquer ici.
Il est bien sûr artificiel de séparer ainsi la réflexion