doc - Gérard Leclerc
... pris pour un génie, anciennement playboy du dernier chic théologique. ... Sa
finale, quand même, vaudrait la peine d'un examen : "En ce début de siècle où le
...... de mes amis "cathos de gauche" qui n'en finissent pas d'accuser "le choc". ...
Mais il est vrai qu'il est vain d'attendre des arguments nouveaux de la part des ...
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1 Journal Gérard Leclerc
2 31 mars Aujourd'hui, dans Libé, excellente réponse du père Christian Delorme à
propos de l'article de Robert Redeker qui souligne la plus grande de ses
hénaurmités. Le Christ n'aurait pas revêtu un corps charnel, mais purement
spirituel ! L'exemple est intéressant car il montre comment des gens
intelligents et cultivés peuvent se méprendre sur le christianisme, et à
propos des éléments les plus centraux de son dogme ! Une page sur Carl Schmitt dans le Figaro littéraire ! Un compte rendu
sérieux de la biographie que j'ai lue et qui me paraît d'une objectivité
indiscutable. Patrice Bollon juge sévèrement le petit livre de Yves-Charles
Zarka sur l'antisémitisme de Schmitt. Il justifie les objections que je
formulais en prenant connaissance d'un premier compte-rendu sur cet
opuscule (celui de Roger Pol Droit dans le Monde). La notion d'ennemi
substantiel qui s'appliquerait aux juifs ne saurait se fonder sur aucun
texte réel. Il résulte d'une déduction forcée qui laisse plutôt rêveur !
Bien sûr, les deux articles de Carl Schmitt sur les lois de Nuremberg, lois
raciales anti-juives, sont insupportables. Rien ne saurait les effacer, pas
plus que la complicité trop réelle de l'universitaire avec le régime
hitlérien. Mais ces fautes indiscutables, caractérisées, ne saurait
déterminer une lecture unilatérale de l'?uvre, surtout lorsque,
manifestement, elle instrumentalise les concepts pour démontrer une thèse. J'avais flairé tout cela que Patrice Bellon confirme. Et j'avais aussi
l'impression que la notion d'ennemi est gravement faussée, parce que, me
semblait-il, elle pouvait être associée à l'idée que cet ennemi fut
substantiel. L'ennemi est contingent et non substantiel, sinon il serait
réduit à une catégorie morale, le bien ou le mal, ce que Schmitt récuse.
C'est une limite qu'il veut marquer là où Zarka voudrait qu'il y ait de
l'absolu. Edouard Husson qui est un de nos germanistes les plus remarquables, publie
chez Gallimard un nouvel ouvrage consacré à l'Allemagne d'aujourd'hui que
je lis avec un intérêt soutenu. J'en retiens cette première idée d'un pays
qui peine à se sortir des pièges de la mondialisation économique et dont le
modèle propre (le modèle rhénan, très différent du libéralisme anglo-saxon)
a été cassé. Elisabeth de Méribel. L'annonce de sa mort a ranimé sa silhouette dans ma
mémoire. Une très belle figure de resistante, de chrétienne de diplomate.
Je me souviens d'une femme chaleureuse, vive, intelligente, spirituelle...
Marcel Jullian, qui la connaissait bien, tenait des anecdotes assez
savoureuses du temps où elle fut secrétaire du général de Gaulle. A
Londres, s'il vous plaît ! Elle avait tapé le fameux discours du 18 juin.
Par la suite, elle avait fait un séjour au Carmel, qu'elle ne put prolonger
pour difficulté de santé. Je suis touché que ce soit mon ami le père
Matthieu Rougé qui l'accueille pour ses obsèques à la basilique Sainte
Clotilde.
3 2 avril L'agonie du Saint Père. Il fallait s'y attendre, mais quand l'événement
survient, il vous saisit d'autant plus que Jean-Paul II a établi avec
chacun de nous un rapport d'intimité, de fraternité spirituelle. C'est un
déchirement personnel. Depuis plus d'un quart de siècle, je n'ai cessé de
m'intéresser à cet homme, à sa pensée. J'ai écrit des centaines d'articles.
Des livres. Sa mort me bouleverse comme celle de mon propre père. Et me
voilà courant de radios en télévisions, pour livrer un peu de ma gratitude
intérieure, en même temps quelques bribes de savoir. Mais je suis de c?ur
avec tous les gens qui prient dans le monde entier. Avec leur chagrin
paisible et leur espérance invincible. Je n'ai ni le temps, ni le goût de livrer en ces pages des synthèses que
j'ai d'ailleurs écrites déjà pour les journaux (Le Figaro, ce matin) et que
je vais devoir reprendre jour après jour. Mais un aspect me taraude en ces
heures. Et comme je dois prononcer une conférence, cet après-midi, sur
l'incertitude et le brouillage des consciences contemporaines. Je ne puis
m'empêcher de les mettre en rapport avec la cohérence et la profondeur
anthropolgique de Jean-Paul II.
4 6 avril Semaine incroyable, épuisante, mais aussi merveilleuse. La mort de Jean-
Paul II, nous l'attendions, bien sûr. Il faut admettre qu'elle est arrivée,
que le Saint Père est dans l'éternité, qu'il va falloir vivre sans lui. A
mon âge, c'est peut-être le plus dur à admettre. Parce que ma maturité
adulte s'est totalement identifiée à ces vingt-six ans de pontificat. Le
départ du cardinal Lustiger était un coup dur. Pour moi les deux hommes
étaient étaient presque confondus dans une même mission, un accord de fond
incontestable. Toutes mes énergies intellectuelles ont été mobilisés
pendant ce quart de siècle pour illustrer, défendre, comprendre leur
pensée, leur stratégie spirituelle. Mais il n'y a pas lieu de décrocher. L'histoire continue, rebondit. La
tâche d'élucidation d'une aventure requiert l'effort intellectuel, un peu
plus aigu en cette période où le travail du négatif est à l'?uvre, comme
toujours, et où il s'agit de discerner les lignes d'une affirmation de
l'Esprit contre tout ce qui conspire à l'étouffer. J'ai rédigé hier un très long article, destiné au Figaro magazine, sur ce
thème. Je ne prétends pas avoir élucidé toutes les énigmes que j'ai essayé
de mettre en perspective. Mais j'ai fait mon possible pour comprendre moi-
même la conjonction de phénomènes hétérogènes mais convergents, qui
contraignent l'Esprit à se débattre, en quelque sorte, dans un milieu dont
il lui faut briser les logiques perverses. Je ne sous estime pas la
difficulté du phénomène médiatique. Il est vrai que la pape est devenu le
point de mire de tout le système médiatique mondial. Il s'en est servi au
service de sa mission. En retour il est devenu un extraordinaire objet
d'identification. Avec pour le pape et ses collaborateurs d'incontestables
problèmes d'image. Je ne récuse donc pas les objections d'un Alain
Finkielkraut à ce propos, même si je ne le suis pas complètement. Toutefois, dans l'étonnant frémissement planétaire actuel on ne saurait,
sans contresens majeur, parler de phénomène médiatique au sens habituel du
mot. Jean-Paul II est toujours resté étonnamment présent derrière toutes
ses représentations et mises en scène.
5 7 avril Besoin de prendre une position de retrait, de réflexion et d'oraison face à
la menace de fatigue et de stress émotif de l'actualité. Les images se
succèdent comme autant de coups de poing. celle des trois présidents
américains à genoux à Saint Pierre, avec madame Bush et Condoleeza Rice
était particulièrement forte, hier soir. Par ailleurs les adversaires
sortent du bois, et affichent ouvertement leur rage et ressortent leurs
griefs. Hier dans Le Monde, Hans Küng et Leonardo Boff. Ils se présentent,
l'un et l'autre, comme les tenants de la modernité, de l'ouverture et du
progressisme. Ont-ils conscience qu'ainsi il se montrent complètement "has
been" ? C'est vrai que les deux cas sont très différents. Küng est un petit
bourgeois qui s'est toujours pris pour un génie, anciennement playboy du
dernier chic théologique. Boff correspondait à une véritable aspiration
populaire et évangélique à laquelle je n'ai jamais été indifférent. Il est
dommage qu'il se soit enlisé dans un marxisme approximatif et des
incantations dont on ne voyait guère les retombées sociales et politiques. Jacques Attali aux "dernières cinq minutes" du journal de 13 heures sur
France 2. Jacques Attali, comme toujours aigu et original dans ses
jugements, analyse le phénomène incroyable suscité par la mort de Jean-Paul
II. Pour lui,, cela résulte de la mondialisation et de la nécessité d'une
identification éthique universelle. Jean-Paul II aurait été le bien, là où
le président Bush est le marché et Ben Laden la menace du mal. Pourquoi pas
? C'est un aspect intéressant qui ne manque pas de pertinence. J'y
ajouterai un point de vue à la Pierre Legendre, sur la dimension
symbolique, indispensable à la construction sociale et à celle de
l'individu. Avant toute vue de foi et de vérité, il existe une condition a
priori de l'existence humaine qui se réfère à cette construction
symbolique, celle qui concerne l'imagianire, la théâtralité où s'exprime le
spectacle de la vie. Pierre Legendre dans un texte très récent : "Sur
l'écran des controverses théologienne et par une théâtralité
d'accompagnement s'est déroulé l'ancestral combat images fondatrices de
l'identité qui devait permettre à l'institutionnalité moderne d'émerger en
couvrant le champ entier de la construction humaine." (note marginale de
Pierre Legendre au livre de Jean-Robert Armogathe L'antéchrist à l'âge
classique Mille et une nuits). Je suis beaucoup plus sensible que je l'ai été autrefois à la magnificience
de la théâtralité romaine dans sa somptuosité baroque. Que s'y déroule
cette geste du deuil et des funérailles du Saint Père n'est pas sans
retentissement pour l'humanité qui s'y reconnait. Voilà qui donnerait
raison, d'une certaine façon, à Régis Debray par rapport à Marcel Gauchet
sur "le sacré" indispensable aux sociétés. Ceci étant dit, évidemment pour moi, l'essentiel est ailleurs, un essentiel
qui nourrit tout ce que je viens de mentionner. Mais le christianisme dans
sa logique d'incarnation nourrit cette structure anthropologique, cet
imaginaire, d'une vie "eucharistique" et d'un langage théologique sans