Fiche CITEGO démarche expérimentale - EDD Éducation au ...

ils ont eu l'idée de consulter la nature elle-même, et de se fier à l'examen des
faits et à l'expérience plutôt qu'à leurs spéculations »[1]. La naissance de la ...

Part of the document


Dossier : L'école, acteur du changement La Démarche Expérimentale :
Comment l'expérimentation scientifique favorise la compréhension des enjeux
d'un territoire par les jeunes? Etude de cas d'un projet mené par une
classe de 1ère Scientifique du lycée Paul Langevin à Martigues (Bouches-du-
Rhône, 13) sur la pollution de l'étang de Berre.
« Les pionniers de la méthode expérimentale, au XVIIème siècle, ont
placé leurs efforts pour connaître la nature. Au lieu de s'en remettre aux
écrits de l'Antiquité (...) ils ont eu l'idée de consulter la nature elle-
même, et de se fier à l'examen des faits et à l'expérience plutôt qu'à
leurs spéculations »[1]. La naissance de la démarche expérimentale marque
un tournant dans l'histoire des sciences : on ne se focalise plus sur le
« Pourquoi » mais sur le « Comment », en mettant en avant tout l'intérêt de
l'expérimentation pour comprendre le monde qui nous entoure.
Au lycée Paul Langevin de Martigues (13), une classe de 1ère
scientifique a mené, durant l'année scolaire 2013-2014, un projet sur la
pollution de l'étang de Berre dans le cadre de leur cours de Sciences de la
Vie et de la Terre (SVT). Accompagnée par l'association Les Petits
Débrouillards[2], association promouvant la démarche expérimentale, cette
classe de 31 élèves a requestionné son territoire sur un sujet très
controversé : Peut-on se baigner sans danger dans l'étang de Berre ? Le cas
des lycéens de Martigues permet d'analyser l'impact de la démarche
expérimentale sur la compréhension des enjeux d'un territoire par les
jeunes. La démarche expérimentale : l'investigation comme fondement La démarche expérimentale se fonde sur un travail d'investigations
comprenant plusieurs étapes, résumées par le modèle OHERIC :
Observation => Observation d'un phénomène/Apparition d'un premier
questionnement
Hypothèse => Réponse hypothétique à la question formulée
Expérimentation => Mise en place d'un protocole d'expérience afin de
valider ou non l'hypothèse
Résultats => Observation des résultats de l'expérience
Interprétation => Analyse critique des résultats
Conclusion => Construction d'une réponse à la question. Permettant à la fois un développement des connaissances et des
compétences, cette méthode est utilisée dans divers projets éducatifs,
notamment le projet Prenons Soin de la Planète, piloté et coordonné par
l'association Monde Pluriel[3], dans lequel s'insère l'étude des lycéens de
Martigues. Un processus « Bottom-up » pour favoriser le choix et l'appropriation du
projet La démarche expérimentale a pour base le questionnement d'un
individu, d'un groupe sur une thématique ou une observation.
L'investigation menée sur l'étang de Berre est donc partie d'un constat
fait par les lycéens en septembre 2013 : des odeurs nauséabondes en
provenance de l'étang atteignent le lycée situé à seulement quelques
kilomètres de là. Grâce à des techniques de débat favorisant une prise de
parole par tous, les jeunes ont pu s'exprimer sur ce qu'ils pensaient être
la cause de ces odeurs mais aussi sur leurs perceptions de ce milieu.
L'étang, qui se situe près d'un site industriel majeur, a la réputation
d'être pollué par les rejets des raffineries qui y sont installées. Le
processus « Bottom-up » induit par la démarche expérimentale nécessite de
laisser les jeunes, via des techniques d'animation adaptées, s'interroger
et définir eux-mêmes un questionnement, une problématique issue de leurs
représentations individuelles ou collectives. Les lycéens de Martigues ont
fait le choix de s'intéresser à la question des dangers pour la santé de se
baigner dans l'étang de Berre car plusieurs d'entre eux pratiquent
régulièrement des sports nautiques à cet endroit et se sentent les premiers
concernés par cette question.
La démarche mise en ?uvre pour décider du projet a permis aux jeunes
de faire leur propre choix et de s'intéresser à une problématique concrète
ayant des impacts à l'échelle de leur quotidien. Cela a favorisé une plus
grande participation des jeunes dans le processus d'investigation, voire
une réelle appropriation du projet pour les plus impliqués. Mise en place de la démarche d'investigation : Une (re)découverte du
territoire Le processus d'investigation a été proposé et débattu par les
lycéens. Pour infirmer ou non les hypothèses préalablement établies sur les
sources de pollutions de l'étang de Berre (ex : liées aux algues, à la
pollution à l'eau douce, aux raffineries, etc.), les lycéens ont mené
l'enquête au sein de leurs territoires :
- Recherches et études des analyses bactériologiques effectuées par des
laboratoires indépendants de la Région.
- Organisation d'un Café-sciences réunissant différents acteurs du
territoire : professionnels de l'industrie pétrochimique, pêcheurs,
chercheurs locaux, personnes implantées sur le territoire depuis 30/40
ans qui peuvent témoigner de l'évolution de l'étang, sportifs
pratiquant des activités nautiques, et représentant de la Mairie de
Martigues.
- Visite de la centrale EDF installée sur les rives de l'étang de Berre.
- Promenade et pique-nique sur les plages de l'étang.
- Organisation d'une enquête en micro-trottoir auprès de 300 personnes à
Martigues autour des questions : « Vous baignez-vous dans l'étang de
Berre ? Pourquoi ? », suivie d'analyses statistiques des résultats.
Les étapes de cette démarche d'investigation ont été construites au fur
et à mesure de l'étude de l'étang de Berre. Chaque fois, les jeunes ont
pris le temps de revenir sur leurs observations et résultats, d'en
requestionner les paramètres (par exemple la neutralité des laboratoires
dans le cadre des analyses bactériologiques) et de croiser les points de
vue, leur permettant de définir de nouveaux axes d'approche et
d'approfondir la connaissance de leur environnement quotidien.
Former des citoyens capables d'opinions réfléchies via l'acquisition de
compétences diverses S'exercer à la démarche expérimentale a permis aux jeunes de
Martigues, à des niveaux variables, le développement de certaines
compétences :
- Le développement de la curiosité : se questionner, l'envie d'explorer
un phénomène.
- Le développement de l'imaginaire et la créativité : formulation des
hypothèses, choix d'expériences à mettre en place.
- L'acquisition d'une aisance à l'oral et une ouverture sur le monde:
présenter son projet devant de nouvelles personnes, argumenter devant
ses camarades, interpeller les experts sur des problématiques locales,
interviewer des adultes en micro-trottoir pour leur demander leur
avis.
- Le développement de la capacité d'écoute et du travail en groupe :
travail sur les enquêtes en petit-groupe, mise en place de systèmes de
vote démocratiques pour prendre des décisions en grand groupe.
- Le développement de la confiance en soi et de l'autonomie: oser aller
vers les autres pour requestionner le territoire, mise en place de
temps de travail en groupe autonome.
- Le développement de l'esprit critique : via le choix d'un sujet
controversé et le requestionnement de son environnement quotidien, la
multiplication des sources d'information et la remise en question de
l'intégrité des discours, la prise en compte de la dimension
« perceptive » et de la place des préjugés dans la vision d'un
territoire, mais aussi la capacité à remettre en cause leurs propres
travaux.
Ces compétences acquises ont permis aux jeunes de requestionner leur
environnement, de l'appréhender avec un regard critique et d'être en
capacité de réinterroger leurs pratiques. Prise de conscience de la complexité : vers une meilleure compréhension des
enjeux d'un territoire La démarche expérimentale développée a favorisé chez les jeunes une
meilleure compréhension des enjeux présents sur leurs territoires par la
(re)découverte d'un milieu, des acteurs locaux, et du poids des
représentations de la population quant à cet espace.
Etre physiquement sur le site étudié et le décrypter en tant
qu'observateur a permis aux jeunes de redécouvrir l'environnement de
l'étang de Berre, mais aussi de développer un sentiment d'appartenance à ce
territoire, source de remobilisation et de réappropriation du projet pour
les élèves, notamment car plusieurs d'entre eux ont été mis devant le fait
accompli : « Maintenant que nous sommes là, faut-il se baigner ou pas ? »
L'organisation de rencontres avec divers acteurs du territoire
(institutionnels, professionnels, citoyens, usagers de l'étang ou non) a
permis aux jeunes de prendre conscience des profils très divers qui
cohabitent au sein d'un même territoire. Par la multiplication des
rencontres, ils ont pu mesurer toute la complexité des relations entre
acteurs et usages des sols au sein de ce même espace.
Ces rencontres ont également permis aux lycéens de prendre conscience
du poids des perceptions et représentations individuelles ou collectives
sur l'image, la réputation de leur territoire. Les préjugés qui s'étaient
développés suite à la pollution du lac dans les années 90, demeurent encore
très présents. Pourtant à travers leurs enquêtes successives et malgré des
discours contradictoires, les résultats recueillis par les jeunes montrent
une ab