C. trav. Liège, sect. Namur, 27 novembre 2012, R.G. 2012/AN/59

27 nov. 2012 ... La première position, légaliste, est conforme au texte mais elle doit être
approfondie par l'examen des conditions de l'espèce. ..... 57 ; M. VAN
RUYMBEKE et Ph. VERSAILLES, Guide social permanent, .... D.S., 2010, p.113.

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+ Droit de la sécurité sociale - Revenu d'intégration sociale - Etrangers -
1. Centre compétent - Hébergement dans un centre d'accueil - Fin programmée
à l'issue de la procédure d'asile - Compétence du C.P.A.S. du lieu de la
résidence faisant l'objet du bail - Loi du 26/5/2002, art. 18 ; loi du
2/4/1965, art. 1 et 2 - 2. Apatridie - Droit au séjour - Apatride
« involontaire » - Droit au revenu d'intégration - Situation comparable à
celle du réfugié - Discrimination - Pouvoir du juge - Loi du 26/5/2002,
art.3 ; A.R. du 11/7/2002, art. 2 ; loi du 15/12/1980, art. 9, 9bis et 49 ;
A.R. du 8/10/1981, art.76 et 98 ; Const., art. 10, 11 et 159
COUR DU TRAVAIL DE LIEGE Section de NAMUR
Audience publique du 27 novembre 2012
R.G. n° 2012/AN/59 13ème Chambre Réf. Trib. trav. Dinant, 7e ch., R.G. n°11/1411/A
EN CAUSE DE :
Le CENTRE PUBLIC D'ACTION SOCIALE, en abrégé C.P.A.S., de DINANT dont les
bureaux sont sis à 5500 DINANT, rue Bribosia, 16 appelant, comparaissant par Me Gyllen Kyabu qui remplace Me Dominique Remy,
avocats.
CONTRE :
Monsieur Mirijan A
intimé, comparaissant personnellement assisté par Me Olivier Gravy qui
remplace Me Sylvie Saroléa, avocats.
( ( ( Motivation L'arrêt est fondé sur les motifs suivants :
1. Quant à la recevabilité de l'appel.
Le jugement dont appel a été notifié le 6 mars 2012. La requête
d'appel a été déposée au greffe de la Cour le 30 mars 2012. L'appel, régulier en la forme, est recevable.
2. Les faits.
- M. A, ci-après l'intimé, est né en U.R.S.S. d'origine abkhase (en
Géorgie). Il n'est pas reconnu comme citoyen de la Géorgie. L'Abkhasie
s'est déclarée unilatéralement indépendante en 1992.
- Il introduit une demande d'asile en Belgique en 2006. Elle a fait l'objet
d'un rejet en mai 2008.
- Il introduit ensuite une demande de reconnaissance du statut d'apatride.
Le tribunal de première instance de Dinant y fait droit le 10 février 2011.
Il se fonde sur le fait que l'intéressé n'a ni la nationalité russe ni la
nationalité géorgienne et qu'il ne peut obtenir la nationalité abkhase,
l'Abkhasie n'étant pas un Etat reconnu.
- L'intimé reçoit le 10 octobre 2011 un ordre de quitter le territoire et
doit de ce fait quitter avec sa famille (compagne ukrainienne et enfant
mineur) le centre d'accueil de Pondrôme pour le 9 novembre 2011.
- Il trouve un logement à Dinant et demande le bénéfice du revenu
d'intégration au C.P.A.S. de cette ville.
- Le 4 juillet 2012, le C.G.R.A. reconnaît la qualité d'apatride de
l'intimé mais l'attestation délivrée ne constitue pas un titre de séjour.
3. La décision.
Par décision du 8 novembre 2011, le C.P.A.S. rejette la demande
d'octroi du revenu d'intégration sociale au motif que l'intimé est apatride
et ne dispose pas d'un droit au séjour.
4. Le jugement.
Le tribunal considère que l'intimé est un apatride « involontaire »
et qu'il ne peut rentrer ni là où il habitait ni en Géorgie faute de
document d'identité, dès lors que ce dernier pays n'accepte pas de délivrer
un passeport ou même un simple laissez-passer à une personne apatride. Il écarte l'article 98 de l'arrêté royal du 8 octobre 1981
considérant que l'intimé doit obtenir un titre de séjour au même titre que
le réfugié reconnu. Il condamne le C.P.A.S. au revenu d'intégration, le centre d'accueil
n'étant plus compétent pour accueillir l'intimé.
5. L'appel.
Le C.P.A.S. relève appel au motif que le C.P.A.S. dont relève
Pondrôme était seul compétent, que l'intimé ne dispose pas d'un titre de
séjour et n'est pas dans un état de besoin dès lors qu'il est hébergé dans
le centre d'accueil de Pondrôme.
6. Fondement.
6.1. La compétence territoriale. Les textes. L'article 18 de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à
l'intégration sociale prévoit :
§ 1er. Le centre compétent accorde, revoit ou retire le droit à
l'intégration sociale sous la forme d'un revenu d'intégration, d'un emploi
ou d'un projet individualisé d'intégration sociale soit de sa propre
initiative, soit à la demande de l'intéressé ou de toute personne qu'il a
désignée par écrit à cet effet.
Il y a lieu d'entendre par « centre compétent », le centre visé aux
articles 1, alinéa premier, 1° et 2 de la loi du 2 avril 1965 relative à la
prise en charge de l'aide sociale accordée par les centres publics d'aide
(lire action) sociale.
S'il s'agit d'une personne sans abri, le centre compétent est celui visé à
l'article 2, § 7, de la loi du 2 avril 1965 relative à la prise en charge
des secours accordés par les centres publics d'aide (lire action) sociale.
[...]
§ 5. Le centre auprès duquel une demande d'obtention de prestations
sociales est introduite, pour laquelle il n'est pas compétent, la transmet
sans délai à l'institution de sécurité sociale compétente. Le demandeur en
est avisé. En vertu de l'article 1er de la loi du 2 avril 1965 relative à la
prise en charge des secours accordés par les centres publics d'aide
sociale,
Pour l'application de la présente loi, il faut entendre par :
1° "centre public d'aide sociale secourant" : le centre public d'aide (lire
action) sociale de la commune sur le territoire de laquelle se trouve une
personne qui a besoin d'assistance, dont ce centre public d'aide (lire
action) sociale a reconnu l'état d'indigence et à qui il fournit des
secours dont il apprécie la nature et, s'il y a lieu, le montant ; [...]. Quant à l'article 2 de la même loi, il précise :
§ 5. Par dérogation à l'article 1er, 1°, est compétent pour accorder l'aide
sociale à un candidat réfugié ou à une personne bénéficiant de la
protection temporaire dans le cadre d'afflux massif de personnes déplacées,
le centre public d'action sociale :
a) de la commune où il est inscrit au registre d'attente, pour autant que
cette inscription ne soit pas celle de l'adresse de l'Office des Etrangers
ou du Commissariat général aux Réfugiés et aux Apatrides,
ou
b) de la commune ou il est inscrit au registre de la population ou au
registre des étrangers.
[...]
Nonobstant le maintien de la désignation d'un lieu obligatoire
d'inscription, cette compétence territoriale prend fin lorsque :
- soit la procédure d'asile se termine par l'expiration du délai de recours
contre une décision du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides
ou de la Commission permanente de recours des réfugiés ou par l'arrêt de
rejet du recours en annulation porté devant le Conseil d'Etat contre une
décision du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides ou de la
Commission permanente de recours des réfugiés.
[...]
§ 8. Par dérogation à l'article 1er, 1°, le centre public d'action sociale
de la commune où se trouve le logement pour lequel l'intéressé sollicite la
garantie locative est compétent pour lui accorder cette aide lors de sa
sortie d'une structure d'accueil au sens de l'article 2, 10°, de la loi du
12 janvier 2007 sur l'accueil des demandeurs d'asile et de certaines autres
catégories d'étrangers. Leur interprétation. En principe, le centre chargé d'intervenir tant pour l'octroi du
revenu d'intégration sociale que pour l'aide sociale est le centre
« secourant », c'est-à-dire celui de la commune sur le territoire de
laquelle « se trouve » une personne qui a besoin d'assistance et dont ce
centre a reconnu l'état d'indigence[1]. Il ne faut cependant pas s'attacher à une lecture trop textuelle de
cette disposition. « Se trouve » signifie en réalité « réside
habituellement »[2]. Donc, il faut exclure le demandeur qui réside occasionnellement ou
accidentellement sur le territoire de la commune. Comment établir la réalité de la résidence ? La charge de la preuve repose sur le demandeur en vertu des principes
généraux en matière de preuve[3]. Lorsque le bénéficiaire est inscrit sur les registres de la
population de la commune, il apporte la preuve requise[4] mais tant le
bénéficiaire[5] que le C.P.A.S. peuvent établir que l'intéressé ne réside
pas sur le territoire de cette commune du fait que c'est la résidence qui
importe et elle seule[6]. L'inscription agit comme une présomption[7]
réfragable. La preuve requise peut être apportée par toute voie de droit[8] mais
il faut aussi respecter le droit à la vie privée[9]. Lorsqu'une personne déménage, le centre compétent est celui du lieu
où l'intéressé s'installe et où il devra introduire une nouvelle
demande[10]. Il arrive que des solutions de bon sens doivent être trouvées
pour assurer la transition entre les deux résidences[11]. Enfin, lorsqu'un étranger hébergé dans un centre quitte celui-ci et
est en droit de bénéficier d'une aide ou d'un revenu d'intégration, le
centre compétent, y compris pour le premier loyer et la garantie locative,
est celui du lieu où il va résider et non celui où il réside (cf. loi du 2
avril 1695, art. 2, § 8). Leur application en l'espèce. Du fait de la prise en location d'un appartement sur le territoire de
la Ville de Dinant, la résidence (au sens de la loi du 2 avril 1965) de
l'intimé et de sa famille a été transférée à Dinant avec effet au jour de
la prise de cours du bail. Au moment où l'intimé a introduit sa demande d'octroi du revenu
d'intégration, le C.P.A.S. de Dinant était compét