Nivel de estudios - Hal-SHS
... qui généralement les admettait à examen au vu des certificats d'assiduité
délivrés .... Burgos, Gérone, Grenade, Malaga, Murcie, Orihuela, Sigüenza, Urgel
.
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De l'éducation des élites en Espagne.La formation intellectuelle des clercs
au XVIIIe siècle.
La question de la formation du clergé à l'époque moderne reste un problème
mal résolu, au moins en Espagne[1]. Tout au plus a-t-on quelques lueurs sur
le pourcentage de clercs disposant d'un titre universitaire[2], mais les
lieux de formation sont rarement précisés. Toutes les études sur le systéme
éducatif en vigueur dans le monde ibérique consacrent par ailleurs des
chapitres entiers aux collèges et universités, dont le caractère de centre
de formation pour le clergé ne leur échappe pas[3]. A une réserve près: les
collèges jésuites, les séminaires et les universités y prennent une place
démesurée, et le reste n'apparaît guère. Or notre propre expérience nous a
montré que cette image ne correspondait sans doute pas à la réalié. Dans le
cadre de recherches sur les agents de l'Etat nous avons en effet été amenés
à dépouiller des centaines de relaciones de méritos, terme que nous
traduirons par "exposés ds mérites", des documents où les candidats à des
postes ecclésiastiques attribués par le roi exposent leur cursus. Il nous
est vite apparu que d'autres institutions éducatives que celles que l'on a
coutume de citer avaient joué un rôle capital, dont la littérature
disponible ne disait pratiquement rien.
Nous nous proposons, a partir d'un ensemble d'exposés de mérites du milieu
du XVIIIe siècle de dresser un premier bilan qui nous permette de mettre en
place les grandes mases. Nous exposerons d'abord les éléments de contexte
qui permettent d'évaluer l'apport de cette source. Nous indiquerons ensuite
les choix que nous avons fait pour son exploitations. Nous tirerons enfin
les conclusions qui s'imposent des résultats obtenus.
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La méthode suivie a été la suivante.
Nous sommes partis des données fournies par les exposés de mérite des
prétendants à des postes du patronage royal. Les exposé de mérites,
rappelons-le, sont des écrits légalisés décrivant leur carrière déposés
auprès de l'administration royale par les candidats à des places ou des
faveurs attribuées par le roi. Ces documents, proches dans leur esprit de
nos actuels curriculum vitae, peuvent être adressés, au XVIIIe siècle, à la
Chambre de Castille, ou à la Chambre des Indes, selon la nature du poste;
ou au secrétariat d'Etat correspondant[4]. Les Chambres en effet restent
chargées, à cette époque comme par le passé, de proposer au roi des ternas,
des listes de plusieurs noms classés par ordre de mérite, pour un grand
nombre de nominations: l'ensemble des places ecclésiastiques - en dehors de
la chapelle royale -, et toutes les places de justice: membres des
audiences et chancelleries et corrégidors, pour l'essentiel. Elles sont
donc les destinatrices naturelles des exposés de mérites des candidats à
ces poste. En revanche, elles n'adressent plus les ternas élaborées sur la
base des informations fournies directement au roi. Leurs propositions,
depuis la création des secrétariats d'Etat, passent par l'intermédaire du
secrétaire correspondant - Secrétaire d'Etat de Grâce et de Justice pour
tout ce qui concerne l'Espagne, Secrétaire d'Etat des Indes pour tout ce
qui concerne l'outre-mer[5] - qui les présente à la signature du souverain.
En fait, le secrétaire acquiert rapidement un rôle bien supérieur à celui
d'un simple commis. Il vérifie les propositions de la Chambre, y ajoute des
commentaires de son cru, des informations nouvelles, voire modifie l'ordre
des propositions ou introduit des noms nouveaux. Le roi, maître de la
décision finale, fera son choix comme il l'entend parmi toutes les
suggestions, voire nommera quelqu'un qui ne figure sur aucune liste, à sa
convenance. Les candidats ont bien sûr vite compris l'importance du
secrétaire d'Etat. Eux, ou leurs agents d'affaire[6]. Il devient rapidement
un destinataire obligé d'une copie de l'exposé de mérites, ainsi que de
toutes sortes de lettres de recommandations, petitions et placets. Lui-même
se procure des informations en mobilisant un réseau d'informateurs
comprenant ses connaissances et celles des commis de son ministère, tout
autant que les agents locaux de la monarchie auxquels il n'hésite pas à
demander des rapports. Ce réseau ne fut jamais institutionnalisé au point
où le fut celui des Chambres, à qui les audiences, les capitaines généraux,
les évêques et les recteurs d'université devaient obligatoirement adresser
à période fixe des rapports sur les candidats possibles aux poste auxquels
elles proposaient. Il n'en est pas moins efficace, voire plus efficace,
parce que plus souple. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle à coup sûr
il a pris le dessus sur le réseau des Chambres comme voie d'information
prioritaire pour les nominations concernées[7]. C'est des papiers accumulés
de cette manière au Secrétariat d'Etat de grâce et justice que nous avons
tiré la matière de ce travail.
Que contient un exposé de mérites? Les mérites du "prétendant". Tautologie?
Non, car la notion de mérites évolue. Rappelons d'abord son sens premier.
"Mérites" ne doit pas être pris absolument. Le mot appartient au
vocabulaire relationnel. Les mérites s'entendent au regard de quelqu'un. Il
incluent l'ensemble des éléments historiques qui créent entre deux
personnes des liens d'échange reciproques, dans la dialectique bien connue
des anthropologues du monde méditerranéen qui lie service et reconnaissance
dans des chaines "d'amour" sans fin qui constituent le ciment du corps
social[8]. Le Dictionaire de Cobarrubias classe le mot dans le champ
sémantique de "merecer", come "merced", et il définit ce dernier mot comme
"Les grâces et les dons que les princes font à leurs vassaux et les
seigneurs à leur serviteurs "[9]. Mérite est donc ce qui suscite le don.
C'est aussi un dû, car toujours selon Cobarrubias, "Merced, au sens propre,
est la récompense que l'on doit à quelqu'un pour son travail", le
salaire[10]. Est donc mérite tout ce qui lie le prétendant au prince, tout
ce qui crée chez celui-ci l'obligation de satisfaire le demandeur. La
notion est vaste. Plus que les caractères qui définissent le demandeur dans
son individualité et ses compétences ou qualités personnelles, elle est la
concrétion d'une histoire, de l'histoire d'une relation. L'exposé des
mérites est donc avant tout le récit d'une relation étalée dans le temps.
Et comme une relation n'est jamais strictement binomiale, liant deux
personnes isolées de tout contexte, elle est l'histoire des relations
entre, d'une part, le prétendant et les gens qui lui sont liés,
essentiellement ses parents car la parenté est la relation la plus forte de
toutes, et, d'autre part, le roi, ses parents et serviteurs.
Au XVIIe siècle et au début du XVIIIe, elle se situe toute entière sur ce
registre. Elle décrit la vie du candidat comme une longue suite de services
rendus au roi, à sa personne, à sa fonction, à ses agents, à ses finances.
Les études? C'est pour mieux se préparer à servir, et comme telles, et
seulement comme telles, elles sont un mérite. Les charges municipales, les
honneurs, la position sociale, le rang tenu? C'est pour mieux contribuer à
la stabilité de l'Etat. Le succès, dans une tâche quelconque? Service
éminent rendu par celui qui assume pleinement son rôle public et contribue
ainsi, à son niveau, au bon fonctionnement de la société, dont le souverain
est le garant. L'exposé des mérites, au pluriel, notons-le, passe en revue
non seulement la vie du prétendant, mais aussi tous ses parents, amis
intimes, patrons et protecteurs qui ont eux-mêmes servi le roi ou la
société. Il y occupent souvent plus de place que le prétendant lui-même. Et
il est bien qu'il en soit ainsi car le lien continu qu'ils entretiennent
avec l'intéressé prouve qu'en lui le roi ne trouvera pas un ingrat: outre
leurs mérites propres, ils apportent aussi leur caution. En revanche, ce
trait ne fait pas toujours l'affaire de l'historien, car cette débauche
sentimentale estompe parfois la précision des faits matériels.
Heureusement pour nous, l''exposé des mérites évolue. Le roi livre tout au
long du XVIIIe siècle un dur combat contre la classe politique
traditionnelle de Castille pour étendre sa sphère d'action. Le débat sur
l'interprétation de la théorie politique, que nous qualifierions
aujourd'hui de constitutionnel, est l'une des clefs de l'affrontement. Le
roi n'a plus seulement besoin d'agents qui lui soient liés par un tissu de
liens personnels, il a aussi besoin qu'ils aient la même interprétation que
lui des règles qui régissent la vie du royaume. Il sait qu'en cas de
divergence sur ce point il n'y aura pas de fidélité qui tienne, ils se
retourneront contre lui; car, outre le service exigé jadis par ses
prédécesseur, il attend aussi d'eux, spécialement des clercs et des
juristes, des intellectuels en un mot[11], qu'ils diffusent la conception
qu'il se fait de son rôle et de ses fonctions. Il prétend être maître du
gouvernement, l'assumer seul, comme seul dépositaire de la science du bien
public. Il lui faut pour cela écarter la foule des "ministres" qui peuplent
ses conseils, qui se considèrent comme membres du corps du roi et comme
tels participants à ses décisions qu'ils s'arrogent le droit de bloquer
s'ils les considèrent néfastes. Il lui faut prendre en main son clergé,
toujours trop imbus de l'universalité de l'Eglise: non seulement constitue-
t-il un formidable appareil de propagande, mais encore est-il d