Je suis une mouette - La liberté de l'esprit

Il y a du stress, de l'impuissance, des cris, de la rage au grand désarroi de .... je
pensais à une ménopause précoce mais suite à des examens il s'avéra que non
 ...

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CHAPITRE 1
Je suis une mouette.
Ceci est une traversée, une traversée sans escales, une traversée de 48
semaines avec des bonus et des malus.
Il n'y aura peut-être pas de chapitres car le journal de bord est
introuvable la plupart du temps. Ce ne sont que des post-its déposés au gré
du vent, des petits fanions de toutes les couleurs qui essaient de se
donner la main pour raconter le voyage.
Lorsque début janvier 2003 je suis arrivée au service des urgences de
l'hôpital de La Campagne, même si je souffrais, j'étais soulagée.
Ouf, c'était enfin fini ! En 1993, un grand ponte de gastro-entérologie me parlait de la non-A, non-
B, je croyais que nous jouions à Ni Oui, Ni Non.
Il a du croire que je ne l'écoutais pas, en fait je ne pensais pas qu'il
s'adressait à moi. Je n'étais pas malade, il m'informait d'une pathologie
d'un patient sans doute ?
-« Vous avez des enfants ? »
-« Oui, 5 »
-« Et bien pensez à leur avenir, car le votre est derrière vous ! »
Le poids des mots, le choc du cono !!!
Mon dernier petit avait 2 ans...
Je suis partie. La récupération du KO fut longue puis remplacée par la colère.
Comment pouvait-on expliquer la réalité dans des termes pareils ? Je
continuais mon rôle de soignante.
Ma Doc Généraliste avait découvert dans les bilans sanguins que j'avais une
hépatite. Elle m'envoie chez un spécialiste pour mieux appréhender la
"chose" et celui-ci me transforme en statue.
Devant mon emportement, elle me conseilla un autre savant.
Ce dernier pris le temps de trois consultations afin que j'intègre "la
chose" et la suite...
Non, ce n'était pas une maladie mortelle à court terme, elle évoluait
lentement.
Oui, il fallait faire une PBH (ponction biopsie hépatique).
Oui, il fallait faire un traitement selon le résultat de celle-ci. Je n'étais plus en état de furie, j'étais terrorisée.
Je n'avais jamais été malade de ma vie.
Pas une seule maladie infantile, même lorsque mes enfants préféraient
s'unir face à la varicelle ou d'autres pathologies de la petite enfance,
pas plus quand je visitais les patients à domicile depuis 1978.
Alors ? "La chose", elle vient d'où ?
-Avez-vous été transfusée ?
-Oui.
-Quelle année ?
-1978, 1982, 1986 : placenta accreta lors de mes accouchements.
-En effet ! Ne cherchez pas plus loin.
Merci Monsieur. La PBH fut faite.
Quelques semaines plus tard le résultat :
score de Knodel de zéro, youpi !
Il a tout de même fallu que je bataille avec l'hôpital qui avait déjà
programmé l'hospitalisation pour la première injection...
Zéro, c'est zéro, le foie n'est pas atteint donc pas de traitement.
J'étais soulagée.
J'avais deux patientes qui "bénéficiaient" de ce traitement trois fois par
semaine. Je voyais dans quel état elles étaient et je pensais bien que je
ne pourrais vraiment pas travailler avec une telle médication. L'annonce de l'hépatite C éclaira différemment ma vie privée.
La séparation était inéluctable. Je n'avais qu'une priorité et une seule,
élever mes cinq enfants jusqu'à ce que le dernier ait dix-huit ans : il en
avait trois.
Leur père se laissant tristement glisser vers la misère alcoolique, c'est
sans pensions alimentaires que j'aie dû affronter cette nouvelle page de ma
vie.
J'installai donc un périmètre de sécurité autour de moi :
à l'intérieur mes enfants et mes patients.
J'étais fatiguée bien sur, je pensais que c'était le surcroît de travail,
mais il le fallait. J'en ai pleuré des matins à cinq heures entre le moment
du réveil et le moment du départ...
Mais que de récompenses !
Que de joies et de peines partagées avec mes malades, que de tendresse
tissée au fil du temps qui ont fait qu'ils étaient vraiment ma seconde
famille.
Je reconnais que durant mes dernières années d'exercice, je n'ai plus du
tout été la même avec eux tant je n'en pouvais plus. Je le regrette
sincèrement et je leurs demande pardon ici.
Quelques uns savaient, les autres n'ont pas du comprendre.
Je respirais la santé...seul l'amaigrissement de plus en plus perceptible
leurs faisait poser délicatement des questions.
Mais 150 Kms par jour, 7/7 jours pendant des années, çà userait même les
biens portants ! CHAPITRE 2
Et l'hépatite C, me direz-vous ?
Rien, inconsciemment, je faisais l'autruche.
Peu ou pas de consultations médicales jusqu'en l'an 2000.
Pourquoi faire, puisque je devais continuer à travailler jusqu'en 2009, les
dix-huit ans du petit, c'était mon obsession. Mon nouveau Doc généraliste insistait de plus en plus lourdement pour que
j'aille consulter un parrain du foie.
Pour un bilan disait-il...depuis le temps...hum.
J'avais peur.
J'avais peur, car je savais qu'il allait certainement refaire une PBH et vu
comment c'était passé la première ! Pour beaucoup une PBH se passe bien,
moi j'ai eu mal et j'ai fait un malaise vagal ensuite.
Nous sommes tous différents face à la souffrance, mais toute souffrance est
respectable. Mon histoire personnelle fait que ma tolérance à la douleur
est très basse.
Finalement ce fut Elle pour la savante du foie. Oui, j'avais décidé de
changer de ville, la précédente m'ayant complètement traumatisée.
Elle était sympa, nous avons beaucoup parlé.
Oui, elle pouvait faire la PBH sous une anesthésie générale légère, elle en
faisait quelques unes par an. Quelle bonne nouvelle !
Plus tard, d'autres hépato-gastroentérologues me diront que ce n'est pas
très bien.
N'empêche, ce fut vraiment bien pour moi à l'époque. Mon nouveau compagnon
IDC (Intermittent Du Couple) était avec moi, j'étais heureuse même si je me
trouvais dans un état de nerfs incroyable et complètement éreintée et ce
depuis de nombreux mois.
Quelques semaines plus tard, retour chez la Dame qui ne me faisait pas
peur, pour connaître les résultats.
J'étais toute seule.
-"J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle"
-" . "
-" La bonne est que vous avez une petite charge virale, que vous n'êtes que
F1 A0 donc le traitement aura le plus de chance de réussir."
-" . "
-" La mauvaise est que vous êtes génotype 1b, le plus difficile à guérir "
-" F1 ? La chose a progressé " (La lettre A indique l'Activité de l'hépatite.
La lettre F indique le degré de Fibrose.
Cette graduation va de F1 à F4.
F4, c'est la cirrhose hépatique, voir plus si affinités.) -" Donc, il va falloir traiter "
-"Ah mais ce n'est pas possible, mon fils n'a que 9 ans ! Je ferais le
traitement quand il en aura 18, je ne peux pas m'arrêter de travailler
maintenant."
- "Comme vous êtes actuellement, vous ne tiendrez pas longtemps de toutes
façons."
-" . "
-" Bien, réfléchissez calmement et on en reparle plus tard."
-" Voui ". C'est en larmes et en colère que j'ai repris la route.
Oh, pas après la toubib, elle avait toute ma confiance !
En larmes à cause de la peur.
En colère après moi, pour la première fois je me trouvais face à quelque
chose que je ne pouvais pas gérer. CHAPITRE 3 2009, ce serait 2009.
Tous les soirs, je pensais :
« Encore un jour de gagné» !
A 5h, lorsque ce fichu réveil sonnait, c'était l'horreur, comme si une
chape de plomb me plaquait contre le matelas. J'avais beau faire la
gymnastique des paupières, je n'arrivais pas à les maintenir ouvertes.
C'était une lutte quotidienne contre la fatigue.
Et puis IDC me tançait :
« Toujours plus loin, toujours plus fort, encore et encore, il faut
tenir ». Il fallait marcher, il fallut apprendre à faire du ski de fond
etc... J'ai fait du ski de fond entre les 2 tournées de soins le dimanche,
j'étais exsangue le soir...
Il est devenu hurleur avec le temps à propos de tout et de n'importe quoi.
Mais, 2009, 2009.
Quelques années auparavant, j'avais acheté une ruine à La Mer. Je ne
voulais pas passer ma retraite à La Campagne.
Je rêvais de bateaux. Enfant, j'en avais vu passer tellement sous le Pont
Masaryk du haut du Quai Jaÿr et j'avais toujours pensé, "quand je sera
grande, j'irais sur des bateaux ".
Chaque fois où avec un peu de chance, je trouvais une remplaçante, allez
hop, direction La Mer durant les vacances scolaires.
Les travaux avançaient un peu plus à chaque fois.
J'étais en paix, je pouvais dormir.
J'avais enfin trouvé l'endroit où je devais être.
Sans le savoir, je l'avais cherché toute ma vie.
Chaque retour était de plus en plus douloureux, comme si on m'arrachait un
membre. Je ne faisais pas de bateau, mais La Mer était dans mon dos, tout
près.
Mais, 2009, 2009, il fallait rentrer.
Quelques années auparavant, il y avait des journées "On" et des journées
"Off". C'est durant une de ces dernières que je n'ai pas pu, pas su gérer
une crise avec ma fille aînée, résultat, je ne l'a reverrais plus jamais.
Ces jours là, il faut puiser au fond de soi-même pour faire ressortir un
brin d'énergie. Il y a du stress, de l'impuissance, des cris, de la rage au
grand désarroi de mes enfants je pense, mais jamais une plainte les
pauvres.
A partir de 2000, il n'y eut que des journées "Off".
Il n'y a rien de pire que d'aller travailler en reculant, surtout quand on
aime son métier.
Quand on veut, on peut comme me disait IDC, la méthode Coué, hum...
Des douleurs articulaires et musculaires me broyaient littéralement, monter
et descendre de la voiture était un véritable calvaire. Si par malheur,
dans ma tournée, j'avais seulement un patient à remonter dans son lit,
j'étais cassée.
Des gestes simples pourtant que j'avais fait avec tellement de facilité
durant des années, même enceinte, me demandaient une énergie que je n'avais
plus et me laissaient éreintée. Les vacances scolaires au bord de la mer ne suffisaient plus pour récupérer
un peu d'énergie afin de repartir.
Il fallait déjà parcourir près de 800 Kms pour y arriver, avec 5 enfants à
surveiller, même s'ils se montraient particulièrement sages, pas facile.
J'étais comme un robot, sorte de pilote automatique lorsque nous partions.
Je ne pensais qu'à une chose, descendre les valises, faire les lits, aller
à la plage et DORMIR.
Plus de réveil à 5 h du matin, plus de répondeur, plus d'horaire à
respecter : la liberté. Le bonheur de voir les