science speculative et metaphysique des sciences de la nature chez ...

(+ questions du public relatives au CM ou à l'examen [oral]). SIGNATURE ... D.
Bouquet, Les Lumières en France et en Europe, Pocquet, 2004. - P.Brunel et altri
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SCIENCE SPECULATIVE
ET METAPHYSIQUE DES SCIENCES DE LA NATURE
CHEZ HEGEL
On considère communément que la philosophie hégélienne de la nature
souffre des défauts généraux de la Naturphilosophie allemande de l'époque.
Et l'on considère tout aussi communément que ces défauts tiennent un
certain rapport de la science et de la philosophie. Les philosophies de
Schelling et de Hegel se caractériseraient par une tentative visant à
substituer la métaphysique aux sciences positives. Et c'est dans leurs
Naturphilosophie que l'absurdité de se projet apparaîtrait le plus
clairement, puisqu'il conduirait ces philosophes à s'opposer aux savoirs
positifs les plus solides, comme la mécanique newtonienne, et à opposer a
de telles sciences des thèses douteuses ou franchement fausses.
Si l'on en croit cette interprétation, les Naturphilosophie de
Schelling et de Hegel tenteraient donc de nier la scientificité des
sciences positives, et exigeraient d'elles qu'elles rentrent sous le giron
d'un discours métaphysique lui-même identifié à la science véritable. On
sait que dans la Préface de la Phénoménologie de l'esprit, Hegel écrit que
son « propos est de collaborer à ce que la philosophie se rapproche de la
forme de la science - se rapproche du but qui est de pouvoir se défaire de
son nom d'amour du savoir et d'être savoir effectif »[1]. Si l'on en croit
cette interprétation, cette volonté de faire de la philosophie une science
ne consisterait en fait qu'en une revendication anachronique de la
définition de la métaphysique comme reine des sciences.
Une telle interprétation est-elle acceptable ? Il semble qu'elle
s'applique effectivement à certaines des nombreuses versions de la
philosophie schellingienne de la nature, et encore faudrait-il préciser et
nuancer[2]. En revanche, pour ce qui est de Hegel, cette interprétation
relève du pur contresens, et cela, au moins pour deux raisons, d'une part,
parce que le concept hégélien de science est solidaire d'une critique de la
métaphysique, d'autre part, parce qu'il définit le projet d'une fondation
spéculative des sciences positives qui respecte l'indépendance des sciences
positives. Il ne s'agit pas pour Hegel de nier les sciences positives au
profit d'une science spéculative, mais d'articuler deux type de
scientificité[3]. Pour faire ressortir les moments fondamentaux du rapport
que Hegel prétend instituer entre science spéculative et science positive,
il peut être utile de prendre le fil conducteur la question de la
métaphysique. La question de la métaphysique présente un double intérêt.
Elle permet d'une part de préciser le sens du concept de science
spéculative qui, on l'a dit, est solidaire d'une certaine critique de la
métaphysique. Elle permet en outre de préciser la nature du rapport de la
science spéculative et de la science empirique. On verra que Hegel
soutient que toute science à sa métaphysique. C'est là un fait qui tout à
la fois justifie la fondation spéculative et la critique philosophique des
sciences. C'est un fait qui justifie le projet d'une fondation
philosophique des sciences dans la mesure où il implique que soit présent
dans les sciences un type de rationalité que seule la philosophie peut
prendre en charge. C'est également un fait qui justifie une critique des
sciences, car, comme on le verra, tout ce passe comme si la critique de la
métaphysique des métaphysiciens se projetait dans la critique de la
métaphysique des scientifique.
Je commencerai par expliquer quel est le sens du projet visant à
donner à la philosophie la forme d'une science, et comment il est lié à la
critique de la métaphysique. J'en viendrai ensuite à la thèse suivant
laquelle toute science a sa métaphysique. J'ai dit à l'instant que le concept hégélien de science spéculative
est lié à une critique de la métaphysique. C'est là un fait : on constate
en effet que dans la plupart des textes où Hegel présente le point de vue
spécifique de la spéculation, il développe également une critique de la
métaphysique. C'est vrai dans la préface de la première édition de la
Logique, c'est également vrai de l'introduction de la Logique et du concept
préliminaire de l'Encyclopédie. Ce fait est-il insignifiant, ou faut-il au
contraire considéré que le concept hégélien de science est essentiellement
lié à une certaine critique de la métaphysique ? Pour répondre à cette
question, il faut commencer par étudier le sens de la critique hégélienne
de la métaphysique.
Si l'on se reporte aux textes que je viens d'énumérer, on s'aperçoit
immédiatement que cette critique de la métaphysique ne consiste pas en un
rejet définitif de la métaphysique, qu'elle consiste plutôt en la
dénonciation d'une certaine forme de métaphysique, en la dénonciation de ce
que Hegel nomme « l'ancienne métaphysique », de la métaphysique qui avait
cours « avant la philosophie kantienne »[4]. D'une part, Hegel soutient que
l'ancienne métaphysique est définitivement périmée et qu'il ne servirait à
rien de tenter de la réanimer[5]. Mais d'autre part, il déplore l'abandon
de la métaphysique, en y voyant un phénomène étrange. Dans la préface de la
première édition de la Logique, Hegel écrit à ce propos qu'« il est pour le
moins étrange qu'un peuple perde sa métaphysique », il parle également du
« spectacle étrange d'un peuple cultivé dépourvu de métaphysique »[6].
Hegel s'engage donc dans un double mouvement de critique et de défense de
la métaphysique, c'est ce qui explique que l'on ait pu interpréter la
Logique soit comme une tentative visant à accomplir la métaphysique[7],
soit au contraire comme une critique radicale de la métaphysique[8].
Si l'on désire comprendre ce qui l'emporte, la défense où la
critique, il faut prendre le rapport de Hegel à Kant pour fil
conducteur. En effet, dans ces textes introductifs, la référence à Kant est
centrale. Kant est y présenté comme celui qui périme définitivement une
certaine forme de métaphysique, et qui définit le projet d'une
transformation de la métaphysique en logique. Ce projet, c'est le projet
d'une logique transcendantale. Hegel le reprend à son compte. Il écrit
ainsi que sa Logique « correspond à la logique transcendantale »[9] de
Kant. Hegel reprend donc à son compte l'idée d'une logique transcendantale
qu'il identifie au projet d'une transformation de la métaphysique en
logique. Mais il reproche également à Kant d'avoir mis en ?uvre ce projet
de manière inadéquate. Il lui reproche en effet qu'avoir entendu cette
substitution de la logique à la métaphysique comme une négation de la
métaphysique plutôt que comme une transformation de la métaphysique. La
question de savoir si il y a effectivement une négation de la métaphysique
chez Kant est une question complexe. Au sens de la définition kantienne de
la métaphysique comme connaissance par raison pure, la logique
transcendantale est bien une métaphysique. Cependant, au sens de la
définition traditionnelle de la métaphysique, on peut admettre que chez
Kant, la logique transcendantale ne peut plus être considérée comme une
métaphysique, puisqu'elle n'énonce que les règles de la pensée pure des
objets de l'expérience (des phénomènes), et non les règles de la pensée des
objets en général (des objets en tant que chose en soi). On peut d'ailleurs
remarquer que c'est en ce sens que Kant propose de substituer le nom
d'analytique de l'entendement pur à celui d'ontologie. On peut lire dans le
chapitre consacré à la distinction des objets en phénomènes et en noumème
que : « le titre pompeux d'une ontologie, qui prétend donner, des choses en
général, une connaissance synthétique a priori dans une doctrine
systématique, doit faire place au titre modeste d'une simple analytique de
l'entendement pur »[10]. C'est précisément cette restriction qui est
refusée par Hegel. Il déplore en effet que, dans la transformation
kantienne de la métaphysique en logique, le logique n'ait plus qu' « une
signification essentiellement subjective »[11], ou encore, que dans cette
logique, la logique soit considérée « sans nul égard à la signification
métaphysique »[12]. En d'autres termes, il s'agit de produire une logique
transcendantale qui, en étudiant les formes de pensée dans lesquelles se
donne le réel, étudie le réel lui-même, et non plus seulement les formes
d'un phénomène opposé à une chose en soi. La Logique transcendantale sera
alors métaphysique puisque par l'étude des formes de la pensée, elle nous
fera accéder à ce que les choses sont en elles-mêmes, et non pas simplement
à leur apparence phénoménale : « La logique coincide par conséquent avec la
Métaphysique, la science des choses, saisies en des pensées qui passaient
pour exprimer les essentialités des choses »[13]. Il semble donc que la
question du statut de la critique hégélienne de la métaphysique soit réglé.
Celle-ci ne relève pas tant d'une critique radicale de la métaphysique que
d'une tentative de transformation de la métaphysique où la logique
transcendantale « prend la place de la métaphysique d'autrefois»[14]. Il
restera cependant à déterminer ce que cette transformation de la
métaphysique conserve de l'ancienne métaphysique, et si elle peut encore
prétendre légitimement s'inscrire dans la tradition métaphysique. En
d'autre terme, si ce qui « prend la place de la métaphysique d'autrefois »
doit être in