Cosmologie et finalité Hervé Barreau CNRS-Strasbourg-Nancy L ...

Selon cette théorie, la loi de l'attraction gravitationnelle englobe tout; c'est la loi
qui .... distance des galaxies (selon la loi de Hubble: v=Hd; H étant la constante
dite de ... et qui est acceptée par tout le monde aujourd'hui : c'est un effet Doppler
. ..... Une autre difficulté naît de l'examen de la topologie de l'Univers, qui pourrait
 ...

Part of the document


Cosmologie et finalité
Hervé Barreau
CNRS-Strasbourg-Nancy
L'homme vit sur la Terre, qui est, jusqu'ici, d'après les
informations dont nous disposons, la seule planète habitée par des êtres
vivants, mais le même homme, non content de porter une marque, qu'on peut
aujourd'hui estimer excessive, sur son environnement, pense l'Univers dans
son ensemble. De cet Univers la Terre fait partie, à travers le Système
solaire, la Voie Lactée et notre amas de galaxies. L'homme est même le seul
être vivant sur Terre à penser l'Univers dans sa totalité, puisque seule la
pensée peut embrasser l'Univers qui rassemble par définition tout ce qui
existe dans l'espace et le temps. La capacité de penser l'Univers est
certes un privilège humain qui frappait déjà Pascal au XVIIème siècle, et
qui témoignait pour lui de la grandeur de l'homme. Mais il y a loin de la
pensée de l'Univers à sa connaissance. Les connaissances que l'homme
acquiert de l'Univers varient et progressent selon les époques et diffèrent
également les modes d'explication qu'il trouve, une fois qu'il s'est fait,
avec les moyens dont il dispose, l'artisan de ce tableau d'ensemble.
Aujourd'hui encore, et il vaudrait mieux dire surtout aujourd'hui, car le
progrès des connaissances astrophysiques est considérable depuis trois
quarts de siècle, la cosmologie n'échappe pas à cette double question. Nous
sommes donc conduits à cette double interrogation : quel est cet Univers
que nous pouvons penser? Quelle est la raison d'être de sa prodigieuse
existence? C'est à cette double question que nous allons essayer de
répondre. 1) la nouvelle idée de l'Univers depuis l'avènement de la Relativité
générale Il y a une certaine parenté entre l'idée de l'Univers que pouvaient se
faire les Anciens et celle des Médiévaux. Pour les uns et pour les autres,
si l'on met à part les atomistes dont la pensée cosmologique resta toujours
spéculative, l'extraordinaire diversité des formes d'existence sur la Terre
contrastait avec l'uniformité des mouvements circulaires du Ciel et ce
n'est pas par hasard s'ils faisaient généralement de la Terre le centre de
l'Univers. De la même façon il y a une certaine parenté entre l'idée des
penseurs classiques instruits de la physique newtonienne et celle des
cosmologues contemporains. Car, avec Newton, tout change : non pas
seulement parce que le système de Copernic, revu par Kepler, est décidément
plus vraisemblable que celui de Ptolémée, mais surtout parce que la
gravitation, dont Galilée a donné la formule pour la chûte des corps sur
Terre, régit également les mouvements célestes, comme Newton en fit la
découverte. Selon cette théorie, la loi de l'attraction gravitationnelle
englobe tout; c'est la loi qui régit l'Univers. Or qu'est-ce qui s'est
produit de nouveau, à cet égard, dans la première moitié du XXème siècle?
Tout simplement une nouvelle théorie de la gravitation, celle d'Einstein.
Avec Newton, la gravitation était considérée comme une force, la plus
universelle sans doute, mais une force comme les autres, et elle
s'ajoutait, comme telle, aux lois du mouvement qui étaient déterminées sans
elle. Avec Einstein la gravitation s'introduit dans les lois du mouvement
puisque, alors qu'elle disparaît comme une force, elle s'identifie avec
l'inertie des masses, étant donné que localement elle s'impose de façon
égale à tous les corps et détermine, ou du moins influence, la métrique de
l'espace et du temps. Il en résulte une autre façon de considérer
l'Univers. Ce dernier n'est plus inclus dans l'espace et le temps, comme il
l'était chez Newton, mais il inclut lui-même l'espace et le temps. Du coup
les difficultés qui avaient grevé la cosmologie newtonienne, et dont Kant
avait estimé qu'elle ne pourrait les surmonter, disparaissent, ou, du
moins, peuvent être plus facilement surmontées. Car il ne faut pas croire
que la gravitation einsteinienne offre d'elle-même une nouvelle conception
de l'Univers. Einstein lui-même a dû y ajouter trois postulats, dont le
premier n'est guère discuté, car il est constitutif de la nouvelle manière
de voir, tandis que le second et surtout le troisième peuvent subir des
interprétations diverses.
Le premier postulat consiste à dissocier les trois dimensions spatiales
de l'unique dimension temporelle, dont la Relativité avait fait un tout
jusque là. Ce postulat a été introduit par Einstein pour couper court à une
difficulté relative à la relativité de l'inertie, postulée par Mach, dans
un champ de gravitation. Si ce champ de gravitation doit s'étendre à
l'infini, alors il implique un potentiel infini, ce qui est physiquement
impensable. La difficulté disparaît si les trois dimensions spatiales se
referment sur elles-mêmes, donnant naissance à un Univers, à géométrie
"sphérique", qui est spatialement fini, bien qu'illimité. Mais alors, le
temps se trouve libéré : il englobe tous les mouvements de l'Univers, c'est
le "temps cosmique", comme l'a baptisé Hermann Weyl. On peut discuter s'il
est fini ou infini. Pour Einstein, nous allons le voir, il était infini.
Le deuxième postulat n'a guère était discuté à l'origine puisqu'il était
nécessaire pour constituer un objet unique, tel qu'il s'offrait aux
astronomes, quelle que soit la direction où ils pointaient leurs
instruments : c'est l'homogénéité et l'isotropie de l'Univers, assimilé à
un gaz d'étoiles ou mieux de galaxies. Ce sera plus tard, nous le verrons,
que ce postulat demandera à être légèrement retouché.
Le troisième postulat a été discuté dès l'origine. C'est l'introduction
de la constante cosmologique ?, dont Einstein avait besoin pour s'opposer
à la gravitation qui aurait entraîné l' effondrement de l' Univers sur lui-
même. Einstein imaginait donc un Univers infini dans le temps, dans le
passé comme dans l'avenir, et à volume spatial identique. Une image peut en
être donnée, si l'on réduit les trois dimensions spatiales à deux: son
volume est alors représenté par la base d'un cylindre. D'où l'appellation
de modèle "cylindrique" donnée au tout premier modèle cosmologique
d'Einstein.
C'est en 1917 qu'Einstein écrivit ses Considérations cosmologiques. Dès
1918, l'astronome de Sitter montra que ce n'était pas l'unique modèle
d'Univers compatible avec la théorie relativiste de la gravitation et
proposa un autre modèle où l'espace est curieusement vide de matière. Mais
c'est en 1922 que le météorologiste russe Friedmann, qui s'était fait
expert en relativité, montra que la constante cosmologique ? n'était
nullement nécessaire, mais qu'on pouvait imaginer une infinité de modèles
d'Univers différents, regroupés en trois classes selon la façon dont ils
évoluent: les uns finis dans le temps et à géométrie sphérique, qui se
contractent après une période de dilatation, les autres infinis dans le
temps et à géométrie hyperbolique, qui se dilatent indéfiniment, les autres
enfin à géométrie euclidienne, qui se dilatent également indéfiniment mais
de moins en moins. Sans connaître le travail de Friedmann, auquel
finalement Einstein donna son adhésion en renonçant à la constante
cosmologique ?, le chanoine Lemaître, dès 1927, proposa un univers en
expansion, qui pouvait s'autoriser, du côté de l'expérience, de
l'éloignement mutuel des galaxies, découvert par Hubble dès 1924. Lemaître
gardait, pour sa part, la constante cosmologique ?, à laquelle il assignait
même un sens dans le cadre de la Relativité, et nous verrons que l'idée ne
méritait sans doute pas d'être sacrifiée. Cependant l'idée de l'expansion
de l'Univers, dont Lemaître fut ainsi le premier protagoniste, eut du mal à
s'imposer. Ce n'est qu'en 1929 que Hubble lui-même s'y rallia, à la suite
de nouvelles observations qui montraient nettement que la vitesse de la
fuite réciproque des galaxies était fonction de la distance des galaxies
(selon la loi de Hubble: v=Hd; H étant la constante dite de Hubble) et
qu'elle s'appliquait aux amas de galaxies plutôt qu'aux galaxies elles-
mêmes (qui se rapprochent en fait les unes des autres du fait de la
gravitation à l'intérieur des amas qu'elles constituent). Comme Lemaître
l'avait bien vu, l'expansion est une expansion de l'espace, non de la
matière. Les amas de galaxies sont les marqueurs de l'expansion, comme le
seraient des points dans un ballon qu'on gonfle. Or si l'Univers est en
expansion, cela veut dire qu'il a commencé par être logé dans un minuscule
volume. Lemaître proposa, dès 1931, la théorie de "l'atome primitif", où le
mot "atome" doit être pris dans le sens grec d'"indivisible", en dehors de
l'espace et du temps. Il est clair que la physique classique ne peut
traiter de cet étrange "atome"; Lemaître pensait qu'il pouvait relever de
la physique quantique, et sur ce point encore, son intuition était juste.
Quoi qu'il en soit, postuler un "atome primitif", c'est postuler
l'explosion initiale, à laquelle Hoyle donna, pour s'en moquer, le nom de
"Big Bang", un nom qui lui est resté, en acquérant, on va le voir, un sens
tout à fait respectable.
La théorie standard de la cosmologie contemporaine repose donc sur deux
piliers: l'un observationnel, qui est la fuite réciproque des amas de
galaxies, l'autre théorique, qui est l'explosion initiale. Nous allons voir
qu'elle a été contestée sur l'un et l'autre de ces piliers, mais qu'elle en
est sortie victorieuse, grâce notamment à de nouvelles découvertes.
Examinon