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Tu découvres la transformée de Laplace, te prends de passion pour la fonction
..... J'obtiens cela à partir d'abord de l'examen des transformés de polynômes, ...

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Un mauvais rêve. J'ai encore fait ce rêve récurrent. J'erre depuis presque trois mois dans
cette forêt d'Amazonie. Mais cette jungle ne m'est pas hostile. J'avance
dans ces terres vierges guidé par je ne sais quel instinct et les
merveilles de cette nature inconnue me semblent familières. Dans mes
carnets je note presque chaque jour de nouvelles espèces, je fais des
croquis de fleurs enivrantes. Hier j'ai vu j'en suis sûr les traces d'une
piste vers une montagne sacrée.
Certaines nuits un subtil appel me remet en éveil et je marche sous la lune
montante, entouré d'une nuée de lucioles. Et soudain arrive, inquiétante, cette rumeur au loin. Ce n'est pas menace
de tempête ou de troupeaux auxquels je suis maintenant habitué. C'est
quelque chose de plus familier et de plus angoissant que ma mémoire n'ose
aller chercher. Courageusement pourtant il me faut aller vers elle, parmi
les buissons de plus en plus denses en serrant le carnet précieux de mes
explorations. La rumeur s'amplifie, devient plus distincte. Elle est proche maintenant et
ma peur est au zénith. Enfin les premiers rayons de l'aube et je la vois,
incrédule au dessus d'un dernier talus ! Comme on se jette dans le vide je franchis d'un bond l'ultime étape et le
flot des camions me jette au sol. Un car de touristes est garé tout près,
tout un groupe discute en agitant des guides colorés, des caméras et autres
appareils numériques. De l'autre côté de l'immense l'autoroute, des
panneaux gigantesques indiquent des directions, des distances, vantent les
produits locaux. Je me réveille toujours en sueur sans avoir décidé si je marchandais une
place dans le car ou si je m'enfonçais résolument dans la jungle d'où
j'avais surgi. Vanité des vanités... Combien de fois, toi l'apprenti chercheur après t'être réjoui de calculs et
artifices que tu jugeais subtils as-tu débouché sur l'autoroute des
évidences ?
Rappelle-toi ce jour où tu as redécouvert tout seul le procédé
d'accélération d'Aitken. Tu étais plus honteux de ton inculture que d'avoir
mis tes pas dans des traces si prestigieuses.
Ah, pourquoi s'entêter à chercher lorsqu'on n'est pas chercheur
professionnel ? Pourquoi vouloir passer de l'autre côté du miroir, passer
le cap redoutable qui sépare musiciens et compositeurs ? Pourquoi
persévérer quand le ciel de la création reste désespérément vide ? La réponse est un peu chez Cervantès, chez Alain Fournier, dans ces quêtes
d'adultes qui ne veulent cesser de rêver, de prolonger indéfiniment le jeu
insouciant, de croire encore que le champ des possibles n'est pas
définitivement clôturé. La piste oubliée. Rappelle-toi, les années 80, la trentaine resplendissante, heureux papa,
une deuxième fille va bientôt venir. Tu enseignes les maths au lycée de
Montceau les Mines, quelques cours à l'I.U.T du Creusot. Tu découvres la
transformée de Laplace, te prends de passion pour la fonction Gamma. Tu
relis tout Frison Roche, passe un DEA à l'université de Lyon. Un jour sur ta calculatrice tu étudies une suite récurrente générée par le
procédé d'Aitken.
Le nombre e apparaît magiquement ! L'explication théorique vient vite. Une
première pierre à l'édifice. Puis tu combines ce résultat avec une
technique classique de calcul d'intégrale. La fonction Gamma à la
rescousse, la formule des compléments. Tu t'entêtes à poursuivre dans une
jungle de calculs, pourquoi ? Vers qui ? Survient comme dans une clairière une formule qui te séduit. Un peu déçu de
voir qu'elle est sur l'autoroute des résidus, mais réconforté car elle
donne vite de belles expressions de la constante d'Euler et des nombres de
Bernoulli. (Détails chapitre 1) Tu penses un moment débuter une thèse, mais une saine lecture de ce qu'est
la recherche sérieuse te ramène vite et heureusement à la réalité, à ta
famille et à tes chers élèves de Terminale. Ta formule va dormir plus de
vingt ans dans un cahier d'écolier, comme une belle au bois dormant
oubliée. Un voyage à Barcelone. Décembre 2005, je pars avec mon épouse qui travaille sur la fac de Toulon
en voyage organisé à Barcelone. Par hasard le premier soir on se trouve à
la table de Jacek, éminent spécialiste des approximants de Padé. On fait
connaissance, le courant passe bien.
Jacek est une personne qui rayonne. Il porte sur les gens un regard
positif, bienveillant. On promet de se revoir. Pour ne pas le décevoir, car
je lui ai un peu parlé de mes travaux passés, je rouvre mon cahier
d'écolier d'il y a plus de vingt ans. Mon idée fixe et primaire est
toujours d'obtenir des expressions originales de la constante d'Euler. Devant les arènes d'Arles. Moins d'un mois après Barcelone, aux alentours du réveillon de 2005,
quelque part en Camargue. Je soûle mon ami de 30 ans, Patrick, en lui
parlant de mes calculs sur Euler.
En visite à Arles, devant les Arènes, il me vient soudain l'idée de
considérer certains coefficients que j'utilise comme moments sur [0,1]
d'une mesure positive. Un bel après midi de Janvier. C'est décidé, je vais chercher les polynômes orthogonaux pour la mesure
envisagée.
Pourtant je sais que je n'ai pratiquement aucune chance de les trouver !
Pourquoi est ce que je m'entête ? Arrive maintenant le passage essentiel,
le point de fusion où le bricolage tend à devenir théorie. Voici allégée la
lettre que j'adressais sur le Forum privé de l'union des professeurs de
spéciale, expliquant en détail le cheminement de mes calculs et
l'aboutissement que je pensais final. Toulon, le 22 Janvier 2006. Chers Collègues, Sur la lancée de mes « bricolages » dont je vous ai fait part récemment, je
viens de trouver un très joli résultat qui je pense mérite votre attention. Comme je l'ai fait dernièrement je vous donne d'abord le produit fini, puis
je vous décris tout le chemin qui m'a mené à lui. Je considère la mesure positive sur [0,1] de densité : [pic] > Les polynômes secondaires de Legendre (shiftés sur [0,1]) forment un
système orthogonal dans l'espace L2([0,1], [pic]) > Les normes de ces polynômes pour la mesure [pic]coïncident exactement
avec les normes pour la mesure de Lebesgue des polynômes primaires de
Legendre dont ils sont issus, excepté le premier. > Si on considère H l'espace des fonctions de classe C2 sur [0,1],
d'intégrale nulle sur cet intervalle, et la transformée de Stieltjes S
définie par : [pic],
S apparaît comme une isométrie de H muni de la mesure de Lebesgue, vers
L2([0,1],[pic]) > En particulier on a la belle formule à forte connotation probabiliste : [pic]f [pic]H : [pic] Autrement dit, la variance de f pour la mesure de Lebesgue est le carré de
la norme de sa transformée de Stieltjes pour la mesure[pic]. N'ayant jamais entrevu cette densité bizarre dans mes livres de
probabilité, j'ai l'intuition qu'il y a peut être là un résultat original. En vous demandant de m'excuser à nouveau si j'enfonce des portes déjà
largement ouvertes, je vous parle maintenant de la progression qui m'a
conduit à cela. Au moins, sur le plan humain cela peut être une histoire
intéressante et du moins, pour moi, la formule précieuse que j'avais
découvert en 1984, m'a bien conduit, vingt ans après, au bout du
chemin..... Etude d'une famille de polynômes orthogonaux non classiques. > La mise en route. Le départ de la recherche est une formule explicitant une transformée de
Stieltjes de la fonction [pic].
Pour tout complexe p non réel négatif : [pic] , la détermination du logarithme de p étant choisie dans l'intervalle [pic] (J'ai obtenu cette formule en 1984, suite à quelques travaux sur la
transformée de Laplace, mais elle se vérifie très facilement par la méthode
des résidus). On en déduit très facilement un premier résultat : Théorème : La suite des moments relatifs à la mesure positive sur [0,1] de
densité [pic] est liée aux coefficients du développement en série entière
de la fonction [pic]. Plus précisément, si on pose [pic], on a la
relation :
[pic] Ecrivons pour p réel >0 : [pic] On peut dériver sans problème sous l'intégrale, ce qui assure pour n
[pic] 1 : [pic]. Or [pic]. La comparaison des dérivées successives en 1 donne l'égalité : [pic]
D'où la première relation : [pic] Il suffit alors d'effectuer le changement [pic] pour obtenir [pic] > L'exploration.
J'ai eu envie, naturellement, d'étudier les polynômes orthogonaux pour
cette mesure[pic], soit, pour le produit scalaire: [pic] Les moments n'étant pas donnés de manière explicite, je n'avais
pratiquement aucune chance de trouver les relations de récurrence.
Pourtant, un mardi après midi, je me lançais dans cette exploration, avec
pour seuls outils, Schmidt pour la théorie, MAPLE pour le calcul, et
l'encyclopédie des suites entières pour déceler plus rapidement des
régularités que j'espérais secrètement.
J'évaluais donc d'abord, 'à la main', une famille de six premiers
polynômes orthogonaux. P1,......,P6 Comme on pouvait s'en douter, vu la symétrie de [pic], ceux ci étaient
tantôt symétriques par rapport au centre de [0,1] et tantôt
antisymétriques. Je lançais alors une recherche sur les termes constants de ces polynômes,
soit 1,1,11,5,137,7 . Bingo ! L'encyclopédie en ligne des suites entières
me renvoya le numérateur de [pic] où [pic] nombre harmonique d'ordre n.
Encouragé je poursuis la recherche et les termes suivants arrivent comme
prévus : 363,761,7129. Je me tournais alors vers les relations de récurrence usuelles entre trois
polynômes consécutifs. Vu la symétrie constatée, je posais [pic] et la
théorie m'imposait des égalités simplifiées du type [pic] Avec MAPLE j'évaluais les premières valeurs des un et vn mais aucune
régularité n'apparaissait. Je décidais alors de pondérer mes polynômes de
façon que le terme constant soit exactement égal à [pic]. En reprenant les
calculs je dressais le tableau suivant : [pic] Il ne me fallut pas longtemps pour décoder cette grille. Les formules qui
cadraient étaient : [pic] Soit pour tout n : [pic] J'évaluais le