Commentaires transparents - Lidilem
Ainsi si nous préférons l'énoncé « Pierre a réussi son examen parce qu'il a
beaucoup travaillé » à l'énoncé « Pierre a réussi son .... Dubois (2006-2007).
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TITRE
T1 Traditionnellement le concept de norme sociale est considéré comme l'un des
concepts les plus importants, voire le plus important, pour traduire
l'impact du social sur les comportements et les jugements individuels.
Cependant son usage ne va pas sans poser quelques problèmes conceptuels et
opérationnels. Il paraît donc important de préciser ce concept, afin de
lever un certain nombre d'ambiguïtés relatives à son utilisation.
T2 1. Qu'est-ce qu'une norme sociale ?
Le concept de norme sociale oscille entre deux sens : un sens qu'il est
d'usage de qualifier de descriptif et un sens que l'on appelle communément
injonctif ou prescriptif.
Le premier sens, fréquemment adopté par les sociologues, correspond aux cas
où par norme sociale on désigne ce que font et pensent la plupart des
membres d'un collectif. Ce qui est normatif, c'est ce qui est majoritaire,
ce qui est statistiquement dominant. T2 2. Le sens descriptif renvoie donc à l'idée de fréquence
La littérature est riche de nombreux autres concepts parfaitement à même de
rendre compte de ces pratiques courantes adoptées par un grand nombre
d'individus. On peut au moins citer les concepts d'usages, de coutumes,
d'habitudes sociales.. Très souvent d'ailleurs ces concepts sont purement
et simplement confondus avec celui de norme sociale.
On est alors inévitablement conduits à s'interroger sur l'utilité du
concept de norme sociale. S'agit-il d'un concept générique, substituable à
n'importe lequel de ces termes, ou bien a-t-il une spécificité ?
Il nous semble qu'à la différence des concepts d'usages, de coutumes,
d'habitudes sociales qui sont des concepts purement descriptifs utilisés
pour rendre compte de ce que font et pensent majoritairement les gens, le
concept de norme sociale, apporte en plus de cette information de nature
descriptive, une information de nature prescriptive qui indique, parce
qu'elle est prescriptive, ce qu'il est bon de faire.
En effet, le concept de norme sociale laisse entendre en filigrane que ce
qui est majoritaire a de la valeur ou reflète des valeurs et que c'est ce
qu'il convient de faire lorsqu'on souhaite être membre du collectif social
considéré.
Autrement dit, il nous semble que, même lorsqu'il est utilisé dans un sens
que l'on souhaite descriptif, le concept de norme sociale comporte toujours
un aspect prescriptif qui apparaît au fait que ceux qui ne font pas ce que
font la majorité des gens sont considérés au mieux comme des originaux ou
des minoritaires, au pire, comme des déviants. Le second sens, le sens explicitement prescriptif, plus fréquent chez les
psychologues sociaux, correspond au cas où le concept de norme sociale est
utilisé pour désigner explicitement T2 3. ce qu'il faut faire ou penser et ne pas faire ou ne pas penser
dans une situation donnée Un constat là aussi s'impose : il existe d'autres concepts classiquement
utilisés pour désigner les prescriptions auxquelles sont soumises les
membres d'un collectif comme, par exemple, celui de règle qui est souvent
vu comme un synonyme de norme sociale. Comme précédemment, la question
inévitable est celle de la spécificité ou de l'absence de spécificité du
concept de norme sociale dans cette acception.
Il nous semble qu'à la différence du concept de règle qui transmet
immédiatement l'idée de contrainte et éventuellement de sanction, le
concept de norme sociale transmet plus spécifiquement celle de
désirabilité.
Autrement dit, lorsqu'on avance qu'un jugement ou un comportement est
normatif, dans un sens prescriptif, on indique certes qu'il faut réaliser
ce comportement, mais on transmet aussi en filigrane l'idée selon laquelle
s'il faut le réaliser, c'est parce qu'il est socialement valable,
socialement désirable, socialement souhaitable. A l'inverse, lorsqu'on
avance qu'un comportement ou un jugement est non normatif, voire
contrenormatif, on indique bien qu'il ne faut pas réaliser ce comportement,
mais avec en plus l'idée selon laquelle s'il ne faut pas le réaliser, c'est
parce qu'il est considéré comme socialement non valable, socialement non
désirable, socialement non souhaitable dans un collectif donné. Que retenir de ce premier niveau d'analyse ? Que le concept de norme
sociale semble bien avoir une certaine spécificité qui le différencie des
concepts voisins tant sur son versant supposé uniquement descriptif que sur
son versant supposé uniquement prescriptif. Retenons donc que
T3 Si ce qui est normatif peut être éventuellement considéré comme ce qui
est conforme au plus grand nombre (c'est ici l'aspect descriptif du
concept), ou ce qui traduit l'obéissance à des injonctions (c'est ici
son aspect prescriptif), c'est toutefois avec l'idée additionnelle que
cette conformité, cette obéissance, sont socialement valables,
socialement désirables, socialement souhaitables. En un mot, qu'elles
réalisent une valeur sociale Avant de revenir sur cette notion de valeur sociale, je voudrais spécifier
T4 1
les caractéristiques de ce qu'est une norme sociale
Cinq caractéristiques essentielles : 1° caractéristique T4 2
T5 Ce qui fait le caractère normatif d'un événement, c'est qu'il est
socialement prescrit et non pas qu'il est majoritairement réalisé.
Nous considérons, en effet, que les gens peuvent avoir de bonnes
raisons de ne pas se montrer normatifs dans certaines situations et
que ces bonnes raisons peuvent s'avérer suffisantes pour les conduire
à ne pas se comporter de façon normative, voire pour conduire une
majorité de gens à se comporter d'une façon non normative. Je prendrai deux exemples.
Le premier concerne la norme comportementale d'altruisme. Je l'emprunte à
des chercheurs américains Darley et Batson (1973).
Il montre le rôle inhibiteur que peut avoir une contrainte situationnelle
(en l'occurrence, le fait de devoir se dépêcher) sur la production d'un
comportement ô combien normatif : le comportement d'aide à une personne
dans la détresse. Darley et Batson expérimentent auprès de séminaristes qui
ont été sensibilisés au préalable aux comportements d'altruisme (ils ont
travaillé sur la parabole du Bon Samaritain). Ces deux chercheurs ont
constaté que leurs sujets, bien que séminaristes, bien qu'ayant été
sensibilisés aux comportements d'altruisme, ne s'arrêtaient pas tous pour
apporter de l'aide à une victime croisée sur leur chemin. De façon plus
précise, ils ont constaté que l'aide apportée par leurs sujets était
inversement proportionnelle à leur niveau d'empressement : plus celui-ci
était grand (lorsqu'on disait aux futurs prêtres qu'ils étaient en retard
et devaient se dépêcher), moins ils offraient leur aide.
Est-ce à dire, que le comportement d'aide n'est pas aussi normatif qu'on le
prétend ? A moins que les futurs prêtres de Darley et Batson ne soient que
d'affreux égoïstes ! Il paraît bien plus raisonnable de penser que le
comportement d'aide attendu (comportement normatif) n'a pas été observé
parce que contrecarré par certaines variables situationnelles.
Mon second exemple concerne une norme de jugement : la norme d'internalité.
Plusieurs chercheurs ont montré qu'il était normatif d'expliquer ce que
fait quelqu'un ou ce qui lui arrive en faisant appel à des causes internes
à lui-même (ses traits de personnalité, ses motivations, ses attitudes...)
et qu'il était contrenormatif d'expliquer ce que fait quelqu'un ou ce qui
lui arrive en faisant appel à des causes externes (les autres, la
situation, le hasard...)
L'exemple est issu d'une recherche de chercheurs français : Monteil, Bavent
et Lacassagne (1986). Il montre qu'un constat analogue à celui que nous
venons de faire en matière de comportements d'aide peut être enregistré en
matière de jugement explicatif. Ici, en effet, des enseignants peuvent
aller jusqu'à tenir des propos contrenormatifs, pour satisfaire une
exigence circonstancielle. De façon plus précise, ce qui est constaté dans
cette recherche, c'est que les enseignants n'expliquent pas l'échec
scolaire de la même façon selon qu'on leur dit soit que leurs explications
ne seront pas divulguées soit qu'elles seront publiées dans le journal de
la fédération des parents d'élèves (un journal syndical que les enseignants
savent être défavorables aux propos normatifs).
Dans le premier cas (quand on leur dit que leurs réponses ne seront pas
divulguées), les enseignants font surtout appel à des explications internes
dispositionnelles, qu'on sait normatives (si l'élève est en échec, c'est en
gros parce qu'il n'est pas intrinsèquement bon), alors que
Dans le second cas (quand on leur dit que leurs réponses seront publiées),
ils font surtout appel à des explications externes situationnelles, qu'on
sait être contrenormatives (si l'élève est en échec, c'est en gros parce
que son milieu et son histoire sociale ne sont pas favorables).
Devant de tels résultats, on pourrait être tenté de supposer que les
enseignants activent des normes de jugement différentes selon qu'ils sont
dans telle situation ou dans telle autre : norme d'internalité dans un cas
et norme d'externalité dans l'autre. Je le dis et j'insiste sur ce point :
une telle option ne peut être retenue. Aucune recherche n'a jamais, en
effet, validé l'hypothèse de l'existence d'une norme générale d'externalité
dans les jugements, norme concurrente de la n