Analyses de plusieurs épisodes de la séance - ESPE de Bretagne

Avant cela, l'examen des phénomènes transpositifs (Chevallard, 1991) qui ont ...
Le recours à l'infographie part du principe, un peu simpliste, qu'« un bon ...

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La désorientation des élèves et du professeur dans la construction d'une
forme scolaire : l'éducation aux médias Jacques Kerneis Dans ce chapitre, nous allons mettre en évidence deux glissements[1] de jeu
d'apprentissage différents dans une situation d'éducation aux médias et
analyser les incidences qu'ils peuvent avoir pour les élèves et la
professeure. Nous définirons tout d'abord rapidement ce qu'est l'éducation
aux médias et l'infographie abordée dans la séance analysée. L'analyse de
trois extraits de la séance nous permettra de montrer les difficultés
auxquelles la professeure est confrontée. Nous les éclairerons en nous
appuyant sur la théorie de l'action conjointe en didactique et notamment
sur les notions de capital d'adéquation (Sensevy, 1998) et de situations
électives[2] (Ibid.) récemment mises en évidence par Marlot (2008), en
particulier.
Nous le ferons en concentrant notre attention sur une dimension centrale de
cette théorie : la gestion par la professeure de l'incertitude à laquelle
elle confronte les élèves en amenant ceux-ci à rencontrer leur ignorance
des savoirs en jeu. Cet aspect de la TACD a jusqu'ici été très peu exploré.
Nous envisagerons ensuite plusieurs pistes permettant d'encadrer cette
désorientation mutuelle et de cultiver le doute, indispensable pour assurer
la construction de certitudes pour le plus grand nombre d'élèves dans la
classe. Introduction L'éducation aux médias regroupe des pratiques diverses qui se sont
développées depuis une cinquantaine d'années partout dans le monde, à
l'école et ailleurs, grâce en particulier aux efforts consentis par
l'Unesco. Parmi les multiples définitions que l'on peut trouver dans la
littérature, nous avons retenu celle qui a été proposée récemment dans un
rapport de l'Inspection générale (2007, p. 18). Elle est présentée comme
toute démarche visant à permettre à l'élève de connaître, de lire, de
comprendre et d'apprécier les représentations et les messages issus de
différents types de médias auxquels il est quotidiennement confronté,
de s'y orienter et d'utiliser de manière pertinente, critique et
réfléchie ces grands supports de diffusion et les contenus qu'ils
véhiculent.
Cette définition, très proche de celle de la translitératie[3], est
conforme à celles qui ont cours aux niveaux européen et mondial. Elle
oublie cependant un aspect essentiel : la production de médias par les
élèves qui peut être un moyen privilégié pour permettre aux élèves de
percevoir certains aspects concernant les choix que sont amenés à faire les
journalistes.
Une didactique de l'éducation aux médias ne va pas de soi. On peut
d'ailleurs la distinguer d'une didactique des médias, revendiquée par Miege
(2002) qui consisterait à organiser la diffusion des savoirs issus des
études sur les médias.
Si une didactique curriculaire (Lange & Victor, 2006 ou Lebeaume, 2008) a
pour ambition de faciliter la structuration des « éducations à ... », nous
nous placerons ici dans le cadre de la théorie de l'action conjointe en
didactique (Sensevy et Mercier, 2007). Nous essayerons de montrer comment
les nombreuses incertitudes peuvent mener à une désorientation mutuelle des
acteurs et à des actions électives conjointes. Cadre théorique et postulat La théorie de l'action conjointe en didactique ou TACD, constitue le
creuset de l'ensemble des contributeurs de ce livre, aussi nous ne
l'expliciterons pas ici. Par contre, nous présenterons un de ses
postulats[4] qui, nous l'espérons, permettra de mieux saisir la portée de
cette théorie. Pour Tiberghien et Malkoun (2007), « les savoirs donnent
leur forme aux pratiques d'enseignement et d'apprentissages ». Autrement
dit, ce sont les contenus des pratiques qui déterminent leur structure, et
en particulier du point de vue temporel. Ces contenus de savoir qui donnent
forme à ces transactions peuvent être qualifiés de contenus épistémiques
dans la mesure où « ils peuvent être désignés en réponse à la question
« qu'est ce que les élèves ont appris ? » ou bien « que pense-t-on que les
élèves doivent savoir à l'issue de ces transactions didactiques ?»
(Sensevy, 2007, p. 17).
Il faut bien saisir que l'action didactique prend place au sein d'un
processus de communication. Celui-ci suppose donc une coopération propre à
la communication. C'est une façon de commencer à spécifier cette action
(dialogique) et il est productif de voir ces interactions comme[5] des
transactions, au sens de Vernant (2004, p. 88). Ces transactions
didactiques sont régies par un contrat (implicite, le plus souvent) qui
leur donne forme. Cette notion de contrat sert au chercheur à rendre compte
des attentes réciproques et essentiellement implicites, à propos d'un
savoir entre l'enseignant et les élèves.
Nous examinerons donc dans ce texte, dans quelle mesure cette forme
scolaire particulière d'éducation aux médias peut être menée en maîtrisant
l'incertitude[6] et en s'orientant vers la construction de certitudes. Nous
le ferons à partir d'une séquence menée par une enseignante de lettres avec
une classe de 3ème (grade 9, élèves de 13-14 ans) dans le cadre du projet
classes-presse. Présentation d'un travail sur l'infographie Nous présentons rapidement ce programme qui se déroule sur toute l'année
scolaire. Celui-ci existe en Bretagne depuis 2002 en partenariat avec les
journaux quotidiens régionaux et les Conseils généraux. Il a pour objectif
d'apprendre à lire le journal de manière critique et à écrire des articles
destinés à être lus sur un thème proposé. Chaque année, près de mille
articles sont publiés sur une plateforme informatique par les collégiens
des 80 classes qui y participent[7] et sont largement consultés pendant et
après leur mise en ligne. Intrigue didactique de la séquence : Ce court récit permet de saisir l'ensemble des phases de travail de cette
séquence.
La première séance débute par un feuilletage des journaux reçus pour la
première fois le matin-même. Les élèves sont invités à s'exprimer sur ce
qu'ils ont lu. Ils travaillent ensuite sur les différentes façons de lire
le journal. Ils identifient avec l'aide de la professeure les rubriques et
leur organisation. A la suite de la mise en commun, la synthèse qui est
dictée par la professeure insiste sur les modes de lectures partielles et
variées mises au jour dans la phase précédente. La seconde séance se centre
sur les images.
Les élèves recherchent individuellement dans le journal les différents
types d'images et leurs crédits[8]. Après une mise au point, qui permet de
préciser ce qu'est l'AFP, une synthèse est également produite par la
professeure. Elle met l'accent sur la variété des images. Ensuite, la
professeure focalise l'attention des élèves sur les infographies[9]. Elle
demande aux élèves d'en repérer dans le journal qu'ils ont sous les yeux,
d'identifier leur type et leur fonction. Le début de la mise en commun peut
avoir lieu, mais elle est interrompue par la sonnerie.
P. organise donc une troisième séance pour terminer le travail commencé.
Elle mène à bien cette séance 5 jours plus tard, pour que les élèves
n'oublient pas trop le travail commencé. Le synopsis que nous présentons maintenant nous permet de mieux saisir
l'évolution de la séance 3 où le travail se centre sur l'infographie de
presse. Synopsis de la séance 3 : |Temps |Actes |N° |Scènes |Évènements |
|(min) | | | | |
|2 min |Vie de classe|1 |Régulation |P. joue son rôle de professeur |
| | | | |principal : cahier de textes, |
| | | | |sortie cinéma ... |
|16 min|Reprise du |2 |Retour sur la|Le questionnement sur ce que |
| |travail | |fin de la |c'est / à quoi ça sert [10] est|
| |ébauché en | |séance 2 |écrit de nouveau au tableau |
| |fin de séance| | | |
| |2 | | | |
| | | |Questionnemen|Les 6 infographies extraites du|
| | | |t orienté |journal analysé lors de la |
| | | | |séance 2 sont projetées au |
| | | | |tableau (sur transparents). |
| | | | |Elles sont observées et |
| | | | |discutées au regard de ces 2 |
| | | | |questions (ce que c'est / à |
| | | | |quoi ça sert). P. introduit |
| | | | |progressivement la notion |
| | | | |d'anticipation. |
| | | |Synthèse |P. évite les obstacles liés au |
| | | |orale |dessin en décrétant qu'il sera |
| | | | |traité à part. |
| | | |Synthèse |Le polycopié va beaucoup plus |
| | | |écrite donnée|loin que ce qui a été établi |
| | | |aux élèves |lors des transactions |
| | | | |précédentes... et il est |
| | | | |cependant présenté comme une |
| | | | |synthèse du travail effectué. |
| | | | |Les termes suivants sont