l'armee marocaine - AmazighWorld

Pour sa part, le capitaine Lyoussi n'était plus joignable. ...... Dlimi et Moulay
Abdallah s'entendaient à nouveau à merveille, se tutoyaient et ...... Les examens
effectués aussi bien en France qu'aux Etats-Unis étaient très clairs sur ce plan.

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MAROC
LES OFFICIERS DE SA MAJESTE
Préface : page 2
Introduction : page 5
Ch I : Enfance et formation : page 8
Ch II : Ma guerre en Syrie : page 23
Ch III : Palais royaux et paillettes : page 38
Ch IV : Ma guerre au Sahara : page 45
Ch V : Sous les ordres de Dlimi : page 87
Ch VI : Les hommes de Dlimi : page 99
Ch VII : Les méthodes de Dlimi : page 115
Ch VIII : La mort de Dlimi : page 130
Ch IX : Mon arrestation : page 135
Ch X : Evasion et séjour en France : page 150
Ch XI : Retour au Maroc : page 162
Ch XII : Hosni Benslimane, successeur de Dlimi : page 174
Ch XIII : L'armée marocaine aujourd'hui : page 200
Conclusion : page 209
Je dédie ce livre à tous les cadres de l'Etat marocain et, en particulier,
aux officiers, qui, malgré des traitements ou des soldes de misère et des
tentations de tous les instants, continuent à exercer leur métier dans la
dignité et dans l'honneur. Mahjoub Tobji PREFACE
Il est certes généreux de pardonner les souffrances qu'on a subies soi-même
dans sa chair, mais c'est se faire une belle âme à bon compte que
d'absoudre les bourreaux des autres sans y être mandaté et pour cause par
la mort en martyrs. Il y a à pardonner au nom de ceux qui ne peuvent
témoigner une sorte d'usurpation intolérable. Saïd Medjkane (écrivain
algérien) Depuis près de trente-cinq ans, depuis que, jeune officier en garnison à
Rabat, j'ai entendu Hassan II déclarer devant plusieurs centaines de cadres
de l'armée marocaine : « Si j'ai un bon conseil à vous donner, c'est
dorénavant de faire de l'argent et de vous éloigner de la politique », je
m'interroge sur mon métier et ma carrière de militaire. Certes, le
monarque, pour la seconde fois en treize mois, venait d'échapper à un coup
d'Etat militaire et le fait d'avoir frôlé la mort l'avait sans doute
perturbé. Ses propos ne provoquèrent pas moins la stupéfaction chez un
certain nombre de mes camarades, même si ceux-ci, compte tenu de l'époque,
se gardèrent bien d'exprimer publiquement leur sentiment. Pour ma part, ce
fut un choc violent. J'attendais tout autre chose de celui qui, en tant que
roi, était le patron des armées !
C'est ainsi qu'est apparu un nouveau type d'officier, affairiste et
opportuniste, dont Ahmed Dlimi, au sommet de la hiérarchie, a été le modèle
le plus accompli.
L'armée, qui, jusqu'au début des années soixante- dix, pouvait être citée
en exemple de droiture et d'abnégation (naïveté, angélisme) est devenue
petit à petit une officine où tout se vend et où tout s'achète, même les
âmes.
Le premier responsable de cet état de choses a été Hassan II en personne.
Déjà, à la fin des années soixante, la facilité avec laquelle il confondait
l'argent public et celui de sa cassette personnelle, la multiplication des
affaires de corruption, lui avaient valu l'hostilité de beaucoup de monde
(raccourcis un peu rapide ou explicite). Maître d'?uvre du coup d'Etat
manqué de Skhirat, en juillet 1971, le général Mohammed Medbouh, commandant
de la Garde royale et homme d'une intégrité totale, s'était lancé dans
cette tragique aventure parce qu'il ne supportait plus l'image que donnait
du royaume le régime déjà corrompu de Hassan II.
A cette époque, ceux qui, comme moi, étaient chargés de la formation des
futurs cadres de l'armée, confinés dans l'Académie militaire de Meknès,
étaient pratiquement hors circuit et à l'abri de telles pratiques. Mais,
certains de mes anciens élèves, hommes de principe, embarqués, à leur insu
ou non, dans ces deux tentatives de coup d'Etat, ont payé parfois de leur
vie ou ont subi les affres d'un des bagnes les plus ignobles de la fin du
XXème siècle, celui de Tazmamart. Mes pensées vont aujourd'hui vers eux :
Aziz Binebine, Abdelaziz Daoudi, Ahmed Marzouki et les autres survivants.
Je pense aussi à tous ceux qui sont morts pour leur patrie pendant que
certains de leurs chefs, militaires aussi lâches qu'ignares, ne songeaient
qu'à s'en mettre plein les poches. Je n'oublie pas ceux dont les squelettes
reposent sous les sables du désert. Je pense en particulier à mes
camarades de promotion Omar El Aissaoui, Ouslim et Abdelkrim El Khatabi,
morts tous les trois au Sahara en 1977, le premier à Smara, le second à Bir
Inzarn et le troisième du côté de Toukat. Aucun n'a eu de sépulture mais
nous avons pu faire en sorte qu'une rue de Rabat, dans le quartier de
l'OLM*, porte le nom de Aissaoui Omar
La guerre au Sahara occidental, à partir du milieu des années soixante-
dix, a en effet donné un coup de fouet extraordinaire à ce mercantilisme
naissant, la proximité des Iles Canaries, pour ne citer qu'elles,
permettant tous les trafics. Certains officiers, dont les soldes étaient
pourtant équivalentes aux nôtres, vont se retrouver très rapidement à la
tête de véritables fortunes.
Depuis une trentaine d'années, l'armée marocaine, que je me suis efforcé de
servir avec courage, dévouement et honnêteté,(angélisme) est gangrenée par
la corruption. Ce qui me touche et me préoccupe au plus haut point
aujourd'hui, c'est la situation dans laquelle se trouve mon pays et,
particulièrement, l'armée, cette institution qui devrait être un exemple
pour l'ensemble du peuple marocain. Or, il est impossible aujourd'hui à un
citoyen digne de ce nom de se taire ou de rester indifférent devant le
clientélisme, la gabegie et la décomposition morale qui caractérisent
aujourd'hui une armée marocaine qui n'a plus rien à voir depuis longtemps
avec l'idée que je me faisais de celle-ci en épousant la carrière
militaire.
Si j'ai attendu jusqu'à présent pour m'exprimer, c'est parce qu'il me
fallait d'abord prendre quelques précautions pour ma famille et moi-même.
Mais surtout, les prochaines échéances (lesquelles ?) pour le Maroc sont
d'une telle importance que l'officier de carrière que je suis ne peut
accepter qu'une institution aussi majeure que l'armée continue à
fonctionner aussi mal. Le Maroc pourrait se retrouver à genoux pendant
plusieurs décennies.
Formés à l'ancienne école, nous sommes quelques-uns à croire en notre pays,
à la dignité, à la droiture, bref à des qualités qui ne sont plus de mise
chez beaucoup de ceux qui dirigent aujourd'hui l'armée marocaine.
Je m'insurge contre cette situation indigne de mon pays. Le Maroc possède
non seulement des potentialités mais aussi des cadres de qualité dans tous
les domaines, des hommes honnêtes et conscients de leur devoir.
Malheureusement, nombre d'entre eux sont irrémédiablement écartés tandis
que d'autres se résignent à l'exil, vidant ainsi le corps marocain de sa
substance la plus riche. J'espère seulement que mon témoignage contribuera
au sursaut attendu par beaucoup de mes compatriotes.
*OLM : office des logements militaires. INTRODUCTION Je m'appelle Mahjoub Tobji. Je suis né dans une caserne au Maroc alors que
mon père faisait le coup de feu en Italie sur le Mont Cassino dans le corps
expéditionnaire français. Quand il est revenu de la guerre, je marchais
déjà. L'armée, je suis tombé dedans. Je dirais même que dans mes gènes il
doit y avoir quelques chromosomes en treillis. Ainsi, mon père a préféré
abandonner un nom de famille illustre, Charkaoui, pour prendre celui de
Tobji, qui, en arabe, signifie l'artilleur. A neuf ans je l'ai vu partir
pour l'Indochine et embarquer dans un wagon sur lequel était inscrit : «
quarante hommes et huit chevaux ». Au vu de la litière de paille, je
m'attendais à ce que les montures soient, elles aussi, embarquées. Bien des
années plus tard, je compris que ces soldats n'étaient pas mieux traités
que des animaux...
Ma voie a donc été tracée très vite. J'épouserai le métier de mon père et
de mes aïeux. J'en connaissais les deux facettes : le matin dans la gadoue
et le soir en gants blancs ! Je n'étais pas spécialement attiré par les
paillettes mais l'aventure me fascinait. Les récits de mon grand père nous
narrant lors de soirées en famille ses combats héroïques dans le Rif auprès
de l'inventeur de la guérilla Abdelkrim el-Khattabi -- ce n'est pas moi
qui le dit mais le général Giap -- avaient marqué mon imagination.
Epuisé par des combats interminables, il s'endormait sur le dos de son
cheval en rentrant chez lui pour récupérer. Ce grand guerrier termina sa
vie tranquillement en exerçant le modeste métier de boucher à Sidi Kacem, à
40 kms au sud-ouest de Meknès et mourut en 1962 de sa belle mort.
Formé à l'ancienne comme mes ascendants, je n'ai jamais conçu mon métier
autrement qu'en homme de devoir au service de son pays. Après plus de
quarante et un ans d'activité, je touche moins de mille euros par mois de
retraite. Je n'en éprouve aucune amertume. J'ai d'ailleurs habitué les
miens à se satisfaire aussi bien d'un plat de sardines que d'un méchoui
somptueux. Instructeur militaire, j'ai rejoint mon chef, le général Séfrioui, au
Palais royal avant de le suivre sur le front syrien où il commandait les
troupes marocaines, pour combattre Israël en 1973. Cette guerre m'a ouvert
les yeux sur les régimes arabes, sur leurs insuffisances, leurs retards,
leurs contradictions. Après le retour dans l'indifférence générale des
troupes marocaines, j'ai retrouvé pendant quelques années les Palais
royaux. Le moins qu'on puisse dire est que je n'ai guère accroché avec ce
monde de paillettes et de courtisans. Tout naturellement, je me suis donc
porté volontaire pour lutter contre le Polisario (peut-être expliquer un
peu pour le lecteur profane). Les illusions que je pouvais encore nourrir à
l'égard de la hiérarchie militaire e