I - Pedagogie Savio Douala

Même attrait pour les théories générales, les systèmes complets de ... Il ne reste
pas à l'état passif de sujet, mais devient un citoyen actif qui fait .... Ce classement
sert ensuite théoriquement à la répartition des places dans la société par le
moyen de concours publics. ...... Cet ouvrage est la thèse de doctorat de
Durkheim.

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L'INSTITUTIONNALISATION DE LA SOCIOLOGIE EN FRANCE
La sociologie est une science récente. Si l'économie moderne est née au
cours du XVIII siècle, la sociologie est apparue plus tardivement, dans la
seconde moitié du XIX siècle. Elle s'est institutionnalisée très lentement
au cours du XX siècle, en se détachant de la philosophie. La sociologie
n'est vraiment perçue en France comme science humaine à part entière, ayant
ses spécialistes universitaires reconnus et son champ de recherche
autonome, qu'après 1968. L'institutionnalisation de la sociologie désigne
le lent processus d'acceptation de cette nouvelle science humaine à
l'intérieur du champ intellectuel, principalement le champ universitaire
(corps enseignant et structures administratives). Une fois, l'Université
conquise, la sociologie a été légitimée durablement, comme science humaine,
auprès de l'opinion publique par les médias.
I. Les précurseurs.
A- Les ancêtres lointains.
- Claude Lévi-Strauss (1908-2009), grande figure de l'ethnologie en France,
confessa son admiration pour « les Essais » de Michel de Montaigne, parus
entre 1580 et 1592. Les textes sur les m?urs des populations extra-
européennes sont célèbres (ex : Les Coches, Livre III, chapitre VI ou Des
cannibales, chapitre XXXI). Montaigne défend « les primitifs » au nom d'un
humanisme anthropologique étendu aux dimensions de l'humanité entière.
Montaigne est l'un des premiers philosophes à combattre l'ethnocentrisme.
Il vante par exemple la technologie des Incas dans la construction des
routes et dans l'architecture. Il compare, pour le relativiser, le
cannibalisme de certaines tribus extra-européennes aux horreurs des guerres
de religion en France au XVI siècle.
- Le XVIII siècle va jouer un rôle déterminant dans la recherche d'une
explication rationnelle du fonctionnement des sociétés et des différences
culturelles. Rappelons quelques classiques du siècle des Lumières en France
: les Lettres persanes et l'Esprit des lois (1748) de Montesquieu (1689-
1755), le Discours sur l'origine de l'inégalité (1755) de Jean-Jacques
Rousseau (1712-1778), le Supplément au voyage de Bougainville de Diderot
(1713-1784)... Raymond Aron commença son ouvrage de référence, Les étapes
de la pensée sociologique (1967), par un premier chapitre consacré à
Montesquieu.
B- Un esprit original : Claude Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon (1760-
1825).
Le comte de Saint-Simon appartient à une famille nobiliaire renommée, déjà
illustrée par le mémorialiste du règne de Louis XIV. Le comte de Saint-
Simon adopta les idées nouvelles de son siècle. Il s'engagea dans l'armée
et participa à la guerre d'indépendance des Etats-Unis sous la bannière de
Rochambeau (1725-1807). Il fut présent au siège de Yorktown (1781). Durant
la Révolution française, en Picardie, il s'enrichit par la vente des biens
de l'Eglise, ce qui prouve son grand détachement par rapport au
catholicisme. Déjà, à treize ans, il aurait refusé fermement de faire sa
première communion. En 1803, il écrivit un éloge de la science considérée
comme une nouvelle religion, Lettres d'un habitant de Genève à ses
contemporains. Il eut d'abord le projet de réécrire, entouré de savants,
une Encyclopédie. A partir de 1807, dans son ouvrage Introduction aux
travaux scientifiques, il projeta de mener à bien une révolution
scientifique en échafaudant un nouveau « système intellectuel », qui devait
se dégager des survivances de la religion. Saint-Simon observe que si les
sciences de la nature se sont déjà dégagées de la gangue théologique et
métaphysique, ce n'est pas le cas « des sciences de l'homme ». Il tenta
alors de traiter ces sciences de l'homme scientifiquement dans le cadre
d'un « système industriel », animé par les savants, les artistes et les
artisans, qu'il souhaitait mettre en place. Saint-Simon prit pour modèle le
paradigme de la physiologie et des sciences physiques pour étudier les
sciences de l'homme.
La Restauration, après 1815, était un régime politique fondé sur un
catholicisme autoritaire de combat et sur la propriété foncière de
l'aristocratie traditionnelle. Ce régime réactionnaire était en
contradiction avec les projets industriels et scientifiques de Saint-Simon,
qui s'engagea dans une violente critique de la monarchie de Louis XVIII.
Cela lui valut d'être poursuivi en justice.
L'ouvrage le plus connu de Saint-Simon est l'Organisateur (1819-1820), qui
contient la parabole des frelons et des abeilles, critique virulente du
parasitisme social des classes oisives (dirigeants politiques, légistes,
religieux et rentiers). |« Nous supposons que la France perde subitement ses 50 premiers |
|physiciens, ses 50 premiers chimistes, ses 50 premiers physiologistes, |
|ses 50 premiers mathématiciens, ses 50 premiers poètes, ses 50 premiers|
|peintres, ses 50 premiers sculpteurs, ses 50 premiers musiciens, ses 50|
|premiers littérateurs, ses 50 premiers mécaniciens, ses 50 premiers |
|ingénieurs civils et militaires, ses 50 premiers artilleurs, ses 50 |
|premiers architectes, ses 50 premiers médecins, ses 50 premiers |
|chirurgiens, ses 50 premiers pharmaciens, ses 50 premiers marins, ses |
|50 premiers horlogers, ses 50 premiers banquiers, ses 200 premiers |
|négociants, ses 600 premiers cultivateurs, ses 50 premiers maîtres de |
|forges, ses 50 premiers fabricants d'armes, ses 50 premiers tanneurs, |
|ses 50 premiers teinturiers, etc...et les 100 autres personnes de |
|divers états non désignés, les plus capables dans les sciences, dans |
|les beaux-arts et dans les arts et métiers, faisant en tout les 3000 |
|premiers savants, artistes et artisans de France. Comme ces hommes sont|
|les Français les plus essentiellement producteurs, ceux qui donnent les|
|produits les plus importants, ceux qui dirigent les travaux les plus |
|utiles à la nation et qui la rendent productive dans les sciences, dans|
|les beaux-arts et dans les arts et métiers, ils sont réellement la |
|fleur de la société française ; ils sont de tous les Français les plus |
|utiles à leur pays, ceux qui hâtent le plus sa civilisation et sa |
|prospérité. La nation deviendrait un corps sans âme si elle les perdait|
|[...]. |
|Passons à une autre supposition. Admettons que la France [...] ait le |
|malheur de perdre, le même jour, Monsieur frère du roi, Mgr le duc |
|d'Angoulême, Mgr le duc de Berry, Mgr le duc d'Orléans [...] ; qu'elle |
|perde en même temps tous les grands officiers de la Couronne, tous les |
|ministres d'Etat, tous les conseillers d'Etat, tous les maréchaux, tous|
|les cardinaux, archevêques, évêques, grands vicaires et chanoines, tous|
|les préfets et sous-préfets, tous les employés dans les ministères, |
|tous les juges, en sus de cela les 10 000 propriétaires les plus riches|
|parmi ceux qui vivent noblement. Cet accident affligerait certainement |
|les Français, parce qu'ils sont bons, parce qu'ils ne sauraient voir |
|avec indifférence la disparition subite d'un aussi grand nombre de |
|leurs compatriotes. Mais cette perte de 30 000 individus réputés les |
|plus importants de l'Etat ne leur causerait du chagrin que sous un |
|rapport sentimental, car il n'en résulterait aucun mal politique pour |
|l'Etat ». |
| |
|Saint-Simon, « L'organisateur », n°1, 1819. | Question 1 : Quelles sont les deux catégories d'individus que Saint-Simon
oppose ?
Question 2 : Pourquoi ce texte fut-il jugé subversif par le pouvoir
politique ?
Question 3 : Ce texte a-t-il une résonnance contemporaine ? Saint-Simon écrivit aussi le Système industriel (1820-1823), qui contient
déjà la formulation de la loi des trois états d'Auguste Comte, le
Catéchisme des industriels (1823-1824) et le Nouveau christianisme (1825),
qui en appelle à un nouveau christianisme au service du prolétariat.
Si, dans la première partie de sa vie, Saint-Simon fut un partisan du
libéralisme industriel, il évolua, à la fin de sa vie, vers une défense des
classes populaires. En cela, il apparaît, malgré son nom prestigieux, comme
un démocrate avant l'heure dans une société encore dominée par
l'aristocratie. Dans le Nouveau christianisme (1825), il écrivit cette
phrase politiquement si moderne : « Le but de la société doit être
l'amélioration du sort de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre ».
Saint-Simon fut incapable de trouver des soutiens dans les grandes
institutions (ex : l'Université) de son époque. Il finança en partie ses
projets grâce à sa fortune personnelle, mais, assez rapidement, il connut
la pauvreté. Il trouva quelques appuis matériels auprès du banquier
Guillaume Louis Ternaux (1763-1833) ou de son disciple Olinde Rodrigues
(1794-1851). Les idées originales de Saint-Simon attirèrent autour de lui
des admirateurs comme Prosper Enfantin (1796-1864) ou Armand Bazard (1791-
1832), qui formèrent, après sa mort, une « secte » à Ménilmontant aux idées
parfois farfelues.
Les héritiers de Saint-Simon furent des industriels dans l'entourage de
Napoléon III, au pouvoir en France entre 1848 et 1870. Les frères Jacob
(1800-1875) et Isaac (1806-1880) Pereire contribuèrent au développement
économique de la France (chemins de fer, banques, assurances, station
balnéaire d'Arcachon). Michel Chevalier (1806-1879) fut l'instigateur du
traité de libre-échange avec le Royaume-Uni signé en 1860. Ferdinand de
Lesseps (1805-1894) per