L'AVENIR DES GRANDES ÉCOLES FRANçAISES DANS LE NOUVEAU CONTEXTE ...
(30 Septembre 2004) ... -Dans la continuité du Siècle des Lumières et du culte de
la raison ,les mathématiques jouent un rôle crucial ... passé avec succès son
examen de fin d'études ,mais aussi son examen d'entrée à l'Université );ainsi la
décision d'amener 80% de la population au niveau "bac" entraîne le droit de 80%
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L'AVENIR DES GRANDES ÉCOLES FRANçAISES DANS LE NOUVEAU CONTEXTE EUROPÉEN
(Canevas) par
Jacques LEVY
(30 Septembre 2004)
1.Un peu d'histoire -Les grandes Ecoles se sont développées pour répondre à des
besoins techniques précis émanant de secteurs économiques
déterminés(Industries extractives ,infrastructures et génie civil
,industries mécaniques ) ,puis ,plus tard ,de professions (chimistes
,électriciens ,mécaniciens ,etc...) Signalons que ,en France ,les Ecoles de
commerce ont pris pour modèle les Ecoles d'Ingénieurs (Ecole supérieure de
Commerce de Paris 1817)
-Les relations spécifiques entre l'Etat et l'industrie en
France donnent un prestige particulier à la profession d'ingénieur d'une
part et au statut de fonctionnaire d'autre part :d'où le prestige de
l'Ecole polytechnique ,qui joue un rôle bien particulier dans le système
-Dans la continuité du Siècle des Lumières et du culte de la
raison ,les mathématiques jouent un rôle crucial
-Les succès industriels et militaires de l'Allemagne au 19ème
siècle ont contribué à faire du système allemand de formation des
ingénieurs un standard européen remis à l'honneur récemment dans le
processus de Bologne ,sous la forme (assez ambiguë d'ailleurs...:nous y
reviendrons) du "3-5-8" 2.Le système "dual" français :Universités ,Grandes Ecoles Il est facile d'analyser les raisons du développement parallèle de ces deux
systèmes ;même si les relations n'ont pas toujours été très pacifiques ,le
système ne posait pas de problème majeur jusqu'au début des années 60
Plusieurs décisions politiques ont accru sensiblement les tensions:
-allonger la scolarité obligatoire de 14 à 16 ans
-augmenter le nombre de bacheliers ,et ,par voie de conséquence ,le
nombre d'étudiants à l'Université(en effet ,le Baccalauréat étant le
premier grade universitaire ,le lauréat n'a pas seulement passé avec succès
son examen de fin d'études ,mais aussi son examen d'entrée à l'Université
);ainsi la décision d'amener 80% de la population au niveau "bac" entraîne
le droit de 80% de la population à revendiquer une place à l'Université!...
-développer le système universitaire pour accueillir progressivement
jusqu'à 50% d'une classe d'âge ;cette décision ,plutôt bien accueillie par
les Universités ,car elle leur permet de constituer un groupe de pression
très puissant ,leur a néanmoins été imposée et pose bien des problèmes sur
la définition même de l'enseignement supérieur ;cela étant ,dans un système
démocratique ,il est bien difficile de refuser a priori à qui que ce soit
le droit d'avoir accès à l'Université
Le caractère professionnel des Grandes Ecoles ,leur capacité d'évolution
,ainsi que le souhait profond de nombreuses personnes sur tout l'échiquier
politique ,de conserver ,à côté de l'éducation de masse ,des formations
élitistes(dans l'espoir d'y envoyer leurs enfants...) explique sans doute
la pérennité du système 3. La globalisation et le nouveau contexte européen Dès 1989 ,l'évolution de l'Europe suscitait des inquiétudes dans les
institutions dispensant des formations ,pour simplifier ,"bac+5" ;il faut
rendre hommage à E.Aernoudt et au regretté Léon Bolle ,d'avoir contribué à
faire prendre conscience aux Universités de Technologie Européennes du
danger qui les menaçait ,si elles ne prenaient pas l'initiative et de les
avoir poussées à créer l'association CESAER ,à laquelle un certain nombre
de Grandes Ecoles Françaises ont adhéré
Dans le cas français qui nous occupe ,même si ,comme vous le verrez ,mon
pronostic est plutôt optimiste ,il faut analyser les points faibles des
Grandes Ecoles:
taille insuffisante :c'est un atout "technique" ,mais un
handicap pour la visibilité internationale et même européenne
développement de la recherche encore insuffisant ,et ,surtout
insuffisamment interactive avec la formation
capacité d'attraction d'étudiants étrangers insuffisante
Sur le premier point ,la situation évolue vers des fédérations d'Ecoles
,suffisamment solidaires pour pouvoir mener des actions communes ,tout en
conservant une certaine autonomie de man?uvre :grâce à CESAER ,j'ai
personnellement créé PARISTECH en 1990(à l'époque GEIParis),regroupement
des 9 Ecoles d'Ingénieurs de Paris intra muros ,auquel s'est jointe l'Ecole
polytechnique en 2000 ;citons aussi le groupe des Ecoles Centrales ,le
groupe des Ecoles de l'Aéronautique ,etc...Bien que la situation ait évolué
dans le bon sens ,il reste beaucoup faire pour avoir un fonctionnement
satisfaisant
Sur le 2ème point paradoxalement ,une évolution est plus difficile :en
effet ,le potentiel est là (20% des thèses soutenues en France sont
préparées dans les Grandes Ecoles);mais c'est la relation recherche
formation qui laisse à désirer
Enfin ,sur le 3ème point ,les Ecoles font actuellement un effort
considérable ,avec un succès très mitigé(à mon avis...) ,pour attirer des
étudiants étrangers :mais il est vrai que la tâche est très difficile tant
ce point a été négligé pendant de nombreuses années...et tant la
concurrence est rude!
L'harmonisation européenne en cours transfère sur la scène européenne le
débat sur l'élitisme :y a-t-il place en Europe pour des formations de haute
qualité ,sélectives ,et de longue durée(5 ans) dans les sciences de
l'ingénieur ?Apparemment ,au cours des dernières réunions les Ministres de
l'Education des partenaires du processus de Bologne ont répondu (sans doute
à contre coeur ..)par l'affirmative .En France ,en tout cas ,le diplôme
d'ingénieur n'est pas remis en cause :il donne droit au "grade" master et
le rôle de la Commission des Titres est confirmé....jusqu'à nouvel ordre
!J'ai personnellement le sentiment que le danger ne viendra pas vraiment de
là Conclusions La formation dispensée dans les Grandes Ecoles françaises est pertinente et
a la possibilité d'évoluer très rapidement ,ce qui n'est pas forcément le
cas des institutions françaises et étrangères concurrentes ;tous les
employeurs de leurs diplômés sont en général très satisfaits de la
formation reçue :niveau scientifique de base élevé ,niveau technique
raisonnable ,mais avec une capacité d'adaptation excellente y compris (et
c'est récent ) en langues étrangères ;le seul point faible souligné ,et
qu'il sera difficile de corriger ,est la difficulté de travailler en équipe
.Pour toutes ces raisons ,je pense que l'avenir des Grandes Ecoles est
assuré :même si des décisions politiques intempestives devaient intervenir
,l'expérience espagnole me laisserait raisonnablement optimiste ,car
,parties d'un système à la française ,les Ecoles d'ingénieurs ,intégrées
dans des Universités Polytechniques ,continuent à présenter bien des
caractéristiques de Grandes Ecoles .Il est trivial de souligner tout de
même que "l'état de bonne santé est instable et ne présage rien de
bon!.."(Jules Romains ,Docteur Knock) et que rien ne sera possible ,si les
Ecoles ne redoublent pas d'efforts pour améliorer la qualité de leurs
prestations :la compétition internationale sera là pour les rappeler à
l'ordre!